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Njangaan (Mahama Johnson Traoré)
Un enfant qui crie
critique
rédigé par Samir Ardjoum
publié le 11/04/2011
Samir Ardjoum
Samir Ardjoum
Mahama Johnson Traoré © Monique Phoba, 2009
Mahama Johnson Traoré © Monique Phoba, 2009
Njangaan
Njangaan
Njangaan
Njangaan
Le père, dans Njangaan
Le père, dans Njangaan
Mahama Johnson Traoré à l'époque de Njangaan
Mahama Johnson Traoré à l'époque de Njangaan

Le Fespaco rendait hommage le samedi 25 février 2011 au réalisateur récemment disparu, Mahama Johnson Traoré, en projetant Njangaan, l'une de ses oeuvres les plus fameuses. Belle occasion de se confronter à cette esthétique particulière.

Il est décédé en mars 2010 et fut l'une des figures les plus importantes du cinéma africain. Mahama Johnson Traoré s'en est allé avant d'avoir eu le temps d'achever quelques projets qui le tenaient particulièrement à coeur (une revue et un désir de film). Musulman de religion et citoyen universel, il revenait sans cesse sur ses premiers films en clamant par exemple que s'il avait du refaire Njangaan, il était certain qu'il aurait adopté une autre démarche.
Il est vrai qu'en (re)découvrant aujourd'hui une oeuvre datant de 1975, il serait opportun d'en extraire une certaine tendance d'un cinéma qui peut nous paraître éloigné des codifications cinématographiques actuelles.

Traoré appartenait à un groupe de cinéastes désireux de travailler sur une esthétique africaine où les artefacts seraient mises au ban pour laisser place à une satire sociale conséquente ("Par exemple, il n'y a pas de musique dans le film. [...], j'essaie d'attirer le regard et la réflexion des gens sur un phénomène que nous côtoyons tous les jours et dont on finit par prendre l'habitude en se disant que c'est normal", Africultures, février 2002). Dans Njangaan, Traoré filme une trahison équivoque. Celle d'un père qui voulant perpétuer une tradition familiale, décide d'envoyer manu militari son jeune fils dans une école coranique tenue par des religieux charlatans. Sujet féroce et toujours d'actualité qui entrainera, comme dans toute tragédie, les protagonistes jusqu'au bout de leurs convictions sans éviter néanmoins la case du chaos.

Il y a deux films dans Njangaan qui peuvent donner un troublant sentiment d'instabilité.
Toutes les séquences anticipant le départ du fils pour l'école sont tout simplement lumineuses. Posant sa caméra, captant une très belle instantanéité du présent (la psychologie est largement évincée), Johnson Traoré aère ses plans, laissant au spectateur le temps nécessaire de caresser les rouages de cette machination paternelle.

D'une scène où la mère lave son fils à celle du père l'accompagnant, c'est toute une quête initiatique qui prend corps dans les cadres rafraichissants de Traoré. Puis, le sujet dépasse les convictions poétiques, cloisonnant le spectateur dans un discours politique qui déréalise les intentions de Traoré.
Appuyer là où ça fait mal était une nécessité pour l'auteur (un sujet qui est toujours d'actualité) mais le hic réside dans un trop plein légèrement moralisateur qui destitue le spectateur de son siège de cinéma pour l'emmener sur un plateau d'une émission TV. In fine, la chute est longue et larmoyante.

Samir Ardjoum
Algérie

Article paru le Mardi 1er mars 2011, Bulletin Africiné n°13 - Ouagadougou (Burkina Faso), FESPACO 2011 - n°2, p. 2.
avec le soutien d'Africalia (Belgique | Bruxelles), du Ministère des Affaires étrangères (France) et d'Africultures (Nyons | France).

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