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Raconte Shéhérazade, raconte (Yousry Nasrallah)
Violence des échanges en milieu tempéré
critique
rédigé par Samir Ardjoum
publié le 12/04/2011
Samir Ardjoum
Samir Ardjoum
Yousry Nasrallah
Yousry Nasrallah
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Adieu Bonaparte - وداعا بونابرت‎, 1984
Adieu Bonaparte - وداعا بونابرت‎, 1984
Alexandrie encore et toujours (Youssef Chahine, 1989)
Alexandrie encore et toujours (Youssef Chahine, 1989)
La ville (El Medina), 1998
La ville (El Medina), 1998
La ville (El Medina), 1998
La ville (El Medina), 1998
Porte du soleil (Bab el shams), 2004
Porte du soleil (Bab el shams), 2004
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire

Il fut un temps où la parole était sacrée. Certains allaient voir des films puis en racontaient l'intrigue à leurs amis du quartier. De l'écoute, de l'attention, des sourires crispés et parfois des larmes coulaient sur les joues bouffies des amoureux discrets.
Ceux qui la narraient devaient mettre en scène pour mieux délivrer les enjeux et ressorts dramatiques. Une parole sacralisée qui devenait le vecteur inconditionnelle de cette ladite mise en scène.

Dans le dernier opus du réalisateur égyptien, Yousry Nasrallah, le verbe est tranchant, poétique et légèrement teinté d'un érotisme suranné.
Illustré par un mélodrame assumé, Raconte Shéhérazade, raconte (ou Femmes du Caire) plonge le spectateur dans un maelstrom de sentiments qui rappellent souvent le fameux tourbillon de la vie.

Le Caire, de nos jours. Deux amoureux, Hebba et Karim filent le parfait amour. Elle, animatrice d'un populaire Talk-Show, lui, journaliste ambitieux dans un organe de presse gouvernemental.
Mais sous cet apparat de matérialisme aigu (bel appartement, des bijoux, de l'argent), surgit une vérité dérangeante, celle d'une société aseptisée où l'individualisme et l'intolérance des classes et des sexes
sont reines.

Karim, briguant le poste de rédacteur en chef, tentera de persuader
sa femme d'orienter son émission vers des débats plus people et moins politisés. La goutte d'eau débordera du vase, entrainant dans son passage une relation fantoche.
Les questionnements d'Hebba deviennent alors celles de tout un système qui tente d'ouvrir une nouvelle brèche dans l'Egypte contemporaine.
Invitant trois femmes auxquelles Dame Nature ne fit pas de
cadeau, Hebba va pousser tous les maux de sa société dans les retranchements du cadre de la Petite lucarne. Trois histoires, trois
Shéhérazade des temps modernes..trois manière de crier
son injustice !

Yousry Nasrallah n'en est pas à sa première proposition de cinéma.
Scénariste et assistant de Chahine (Adieu Bonaparte et Alexandrie, encore et toujours), réalisateur d'une huitaine de films dont les magnifiques La Ville et La Porte du soleil, somptueuse fresque sur la condition et l'histoire des palestiniens, Nasrallah promène depuis quelques décennies sa carrure de manifestant du cinéma porteur d'un
amour de soi. Il faut revoir La Ville, délicate oeuvre sur le corps meurtri et servie par une caméra qui érotisait le moindre geste.
Il est judicieux de noter que toutes les formes de révolution, dans ses
films, dégageaient constamment une odeur étrangement sexy qui
emballait nos esprits. Femmes du Caire est dans la continuité de cette ambiance érogène où le regard, transcendé par une véritable intention populaire (ouvrir son discours pour ceux qui hurlent), transperce les tympans car dans ce film, le son des témoignages de ces trois Shéhérazade est criant de vérité.

L'autre point du film réside dans le genre qu'il convoque : le mélodrame. Nasrallah réutilise un pan de l'âge d'or du cinéma égyptien, pour mieux cerner les contours de cet illogisme. Par le biais de la mise en abyme (déjà présente dans Les Milles et Une Nuit), Nasrallah ouvre son coeur à trois porte-paroles qui à leur tour, bousculeront définitivement le quotidien étriqué d'Hebba.
Les plans deviennent alors le reflets d'une noirceur quasi palpable car
jamais ampoulée. Nasrallah réussit le tour de force d'apaiser une violence sous toutes ses formes en l'éparpillant dans un cadre approprié.

Quand sa caméra se balade au gré des visages de toutes ces femmes, quand il esthétise subtilement des instantanées érotiques (Hebba et Karim s'enlaçant tout en pratiquant leur gymnastique), c'est tout un chaos qu'il fracasse de ses intentions louables et dont les relents annonceront la révolution du Jasmin ! Nasrallah, ou l'érotisme visionnaire !

Samir Ardjoum
Algérie

Article paru le Mardi 1er mars 2011, Bulletin Africiné n°13 - Ouagadougou (Burkina Faso), FESPACO 2011 - n°2, pp. 1 et 5.
avec le soutien d'Africalia (Belgique), du Ministère des Affaires étrangères (France) et d'Africultures (France).

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