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Master class : Mahamat-Saleh Haroun
FESPACO 2011
critique
rédigé par Fatoumata Sagnane
publié le 20/04/2011
Fatoumata SAGNANE, Rédactrice (Conakry) à AFRICINÉ MAGAZINE
Fatoumata SAGNANE, Rédactrice (Conakry) à AFRICINÉ MAGAZINE
Mahamat-Saleh HAROUN, réalisateur ©Belinda van de Graaf, Cannes 2010
Mahamat-Saleh HAROUN, réalisateur ©Belinda van de Graaf, Cannes 2010
Masterclass de Mahamat-Saleh HAROUN
Masterclass de Mahamat-Saleh HAROUN

Mahamat-Saleh Haroun réalisateur tchadien connu sur la scène internationale pour les films Abouna, notre père et Daratt, saison sèche présente son nouveau film Un homme qui crie, primé à Cannes. Il est en compétition pour l'Etalon d'or cette année au 22ème FESPACO...

Ce 28 février 2011, le réalisateur était à l'honneur dans la salle de projection de l'ISIS. Il a donné une master class, organisée conjointement avec Africalia, sur la "problématique de la qualité de la mise en scène et de la direction d‘acteurs dans les films africains".

Cet homme nonchalant d'apparence, est un cinéaste de rigueur, un professionnel qui est toujours à la recherche du meilleur. Quand il s'agit de faire un film qui est pour lui toute sa vie, il le fait avec son coeur : "j'aime cuisiner avec amour, donc je fais mes films avec amour propre ; faites des choses pour les gens que vous aimez avec amour et attention" .

Avant toute explication sur le thème du jour, il a fait une observation sur la présence, la ponctualité et la rigueur des participants invités à cette master class.
"Je suis souvent énervé quand on m'invite en Afrique pour prendre part à ce genre de rencontre car, les gens ne sont pas sérieux, c'est la déconcentration totale alors qu'on est là pour des choses sérieuses".

Mahamat-Saleh Haroun, réalisateur conscient et amoureux du cinéma, demande aux stagiaires (africains) de donner un sens à leur vie, sorte d'interpellation face au laxisme exagéré de l'Africain. Exigent, il l'est. En une demijournée il a su imposer ces méthodes de travail dont la rigueur et le sérieux.
Les échanges ont été fructueux et riches en enseignements. Pourtant notre expert n'a visiblement pas apprécié l'atmosphère de la rencontre. Le sujet du jour a été pendant un moment presque laissé de côté.

Quant au cinéma africain qu'il qualifie de caricatural, il s'en distancie par la recherche exigeante de la vérité tout en accordant une grande importance au non-dit et au principe de la crédibilité: "Le cinéma, pour moi, c'est la crédibilité et le contraire ne peut m'intéresser".
Au cours de la master class, le réalisateur a invité les Africains à devenir très ambitieux pour pouvoir un jour aller montrer leurs films ailleurs (dans les grands festivals comme Cannes, Berlin, Venise).
Ayant été très bref dans son exposé, c'est au cours des échanges avec l'auditoire que le réalisateur va développer plus amplement la problématique.

Répondant à une question venue de la salle, Haroun a précisé : "Pour ce qui est du jeu d'acteur, je donne la possibilité à mes comédiens d'improviser beaucoup car, cette méthode leur permet de se surpasser et de donner réponse à mes questions et là, on pourra mieux avancer."

Pour le réalisateur tchadien, on ne peut pas enseigner la direction d'acteurs comme un cours. Il faut faire confiance aux acteurs, leur expliquer ce qu'on attend d'eux. A leur tour de jouer avec le coeur et avec sincérité pour restituer l'émotion. Par ailleurs il a abordé la direction d'acteurs à partir de la mémoire des comédiens.
Cette méthode permet à l'acteur de donner plus de lui-même en se fondant sur une histoire vécue. Il citera le comédien français Jeean-Claude Brialy : "Il n y a jamais de petit rôle, il n'y a que de petits comédiens". Ceci pour dire que quelque soit l'importance du rôle le comédien doit jouer non seulement pour toucher le public mais aussi pour son propre bonheur. Il faut connaître l'histoire du cinéma pour pouvoir bien le faire, répéta-t-il.

Ayant été ouvrier et gardien de nuit avant de devenir cinéaste, il fait son travail de réalisateur avec abnégation.
Une manière de dire aux jeunes réalisateurs qu'on ne peut pas faire de bons films sans connaître le patrimoine du septième art et sans puiser dans son expérience. Le cinéma n'est pas seulement une gesticulation stérile, c'est plutôt un art, un savoir- faire. "J'aime montrer dans mes films ce qui n'est pas montrable en Afrique, c'est une question de trouver ma vérité".

Abordant la responsabilité du réalisateur par rapport à son oeuvre, il dit : "Un réalisateur sur un plateau de tournage est celui là qui imprime sa marque même s'il travaille en étroite collaboration avec les techniciens qui l'entourent et souvent qui donnent des avis qu'il peut prendre en compte".
L'éthique, la responsabilité, le sérieux et la rigueur dans le travail sont des chemins empruntés par l'auteur d'Un homme qui crie pour faire un cinéma de qualité. Ce réalisateur lunatique et serein à la fois, nous a laissé sur notre faim, car l'assistance avait besoin de recevoir plus de ce "maestro" comme l'appelle Ildevert Méda le comédien burkinabé, modérateur de la séance.

La master class a été close sur ces mots : "la vie sur terre n'a de valeur que si on travaille. Et, la noblesse du cinéma réside dans le fait que l'équipe technique est là pour soutenir le réalisateur. Au moins le cinéma est l'un des rares métiers ou les gens ne se donnent pas de coups bas. Chacun a dans son éducation une philosophie qui lui a été enseignée et qu'il doit transmettre au reste du monde".
Le cinéma de Mahamat-Saleh Haroun est un cinéma de la transmission et de la rigueur !

Fatoumata Sagnane
Guinée Conakry

Article paru le Mercredi 02 mars 2011, Bulletin Africiné n°14 - Ouagadougou (Burkina Faso), FESPACO 2011 - n°3, pp. 1 & 2.
avec le soutien d'Africalia (Belgique), du Ministère des Affaires étrangères (France) et d'Africultures (France).

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