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Moloch Tropical
Raoul PECK, résolument politique
critique
rédigé par Annick R. Kandolo
publié le 09/05/2011
Raoul Peck
Raoul Peck
Zinedine Soualem (Le Président, Jean de Dieu Théogène) et Sonia Rolland (La femme du Président)
Zinedine Soualem (Le Président, Jean de Dieu Théogène) et Sonia Rolland (La femme du Président)

Et Raoul PECK remet ça avec Moloch Tropical. Après Leugt (1983), L'homme sur les quais (1992), Lumumba (1998) et Sometimes in April (2005), dans son nouveau long métrage qui est inspiré de Moloch d'Alexandre SOKOUROV, le réalisateur haïtien dénonce l'obsession du pouvoir politique. L'histoire de Moloch Tropical se passe dans un palais juché sur une montagne.

L'heure est à l'organisation d'une soirée de gala pour la commémoration du bicentenaire de l'indépendance d'Haïti. Un jour important à bien des égards tant pour le président Jean De Dieu, démocratiquement élu, que pour le peuple. Celui-ci a d'ailleurs choisi ce jour pour exprimer son ras-le-bol d'e la dictature.

Moloch Tropical a pour sujet la politique.
Raoul PECK est bien placé pour aborder un thème aussi sensible auquel il a consacré de nombreuses oeuvres cinématographiques.
Rappelons au passage que le cinéaste a pratiqué la politique quand
il a été ministre de la culture sous Jean-Bertrand Aristide. Dans ce film il interroge les dérives du pouvoir à travers une description savamment organisée autour du personnage d'un président,
campé par le talentueux Zinedine SOUALEM.

Le ton est donné dès l'ouverture du film avec le comportement grossier du président Jean De Dieu. Un chef d'Etat qui se "fout" de la congruence qu'exige sa fonction. Son langage en est le témoin vivant. Exemple : dans une des premières scènes, le président est dans les toilettes dont la porte est grandement ouverte. Son portable sonne, il
décroche et répond : "Je suis en train de chier !" Plus tard au cours d'une réunion avec ses collaborateurs, Jean De Dieu s'emporte et lâche : "ça fait dix ans qu'ils me trouent le cul avec cette merde".

Raoul PECK s'en prend sans détour aux hommes politiques qui sont corrompus par la pouvoir. Au départ, ils sont des défenseurs des causes nobles.
Une fois au pouvoir, ils se laissent gagner par le dévoiement et renoncent à leurs convictions. Cette métamorphose apparait à travers le nom du héros, Jean De Dieu. En effet, on apprendra grâce à son ami, qui incarne l'opposant torturé, qu'il était effectivement un homme de Dieu. Et cela renvoie sans ambages à l'ancien président Jean-Bertrand ARISTIDE qui était à l'origine un ancien prêtre. Moloch Tropical met l'accent sur le caractère loufoque des comportements de certains héros du peuple qui se laissent griser par le pouvoir, une fois qu'ils l'ont.

Annick Rachel KANDOLO

Version de l'article paru sur papier le Vendredi 04 mars 2011, Bulletin Africiné n°16 - Ouagadougou (Burkina Faso), FESPACO 2011 - n°5, pp. 1 & 2.
Ce bulletin est publié par la Fédération Africaine de la Critique
Cinématographique (FACC) avec cette année le soutien du FESPACO, du ministère français des Affaires étrangères et d'Africalia.
Il est rédigé par des membres de la FACC présents au Fespaco 2011, venant de 9 pays d'Afrique.

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