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Entretien avec Nicolas Sawalo CISSÉ, architecte réalisateur sénégalais
"Un prix ou pas, mon film va résister au temps"
critique
rédigé par Lalla Cissokho
publié le 15/05/2011
Nicolas Sawalo CISSÉ, réalisateur
Nicolas Sawalo CISSÉ, réalisateur
Marie-Madeleine Diallo, actrice du film "Blissi Ndiaye ou la visite de la dame"
Marie-Madeleine Diallo, actrice du film "Blissi Ndiaye ou la visite de la dame"

Issu de la première promotion de l'école des architectes du Sénégal, il y a plus de 30 ans, Nicolas Sawalo Cissé s'essaye désormais au 7ème art. Et après une année dans sa veste de réalisateur, il présente à cette 22ème édition du festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) Blissi Ndiaye ou la visite de la dame, un court métrage de 23 minutes. Dans cet entretien, l'architecte nous parle de ses passions pour le cinéma, et le combat à mener pour développer le cinéma africain et particulièrement celui du Sénégal.

Africiné : Vous êtes architecte de formation, ça n'a pas été difficile d'intégrer le monde du cinéma ?

Nicolas Sawalo : Curieusement non. Je totalise 30 ans dans l'architecture, ce qui m'a permis de comprendre mon histoire et comme l'architecture est la mère des arts, je peux donc m'aventurer dans le cinéma. Auparavant, je fus le premier président des designers africains pour avoir lancé ce style en Afrique vers les années 1994-95. Je trouve que ce sont des arts qui englobent des industries culturelles qui peuvent être très utiles dans notre société.

Et depuis quand vous vous êtes lancé dans le cinéma ?

Juste une année. C'était en février 2010.

Donc en moins d'une année, vous présentez un court métrage pour cette édition du Fespaco, cela n'a pas été trop difficile pour un novice comme vous ?

Vous savez, le problème du cinéma est particulier. L'on dit qu'il est cher, qu'il est protégé de par le monde, parce que les sociétés américaines, européens, bref, les grandes sociétés nanties qui font de l'art, donnent à leurs cinéastes beaucoup de richesses. Alors, Hollywood qui protège les siens, c'est pareil pour Gomo, et nous en Afrique, on laisse cet art qui est extrêmement fabuleux, qui peut engendrer énormément d'argent dans la négligence, à la limite, on ne s'en occupe pas. C'est un art qu'on qualifie de cher, parce que ces Occidentaux qui le disent ne veulent pas qu'on y accède facilement.
Et finalement, il y a tout un l'ensemble de financements qui conduisent à l'accès au cinéma qui sont très difficiles à approcher. Ce qui fait que les cinéastes sénégalais sont obligés d'attendre deux ou trois ans avant d'avoir ces financements. Mais je pense que nous les Sénégalais, c'est à nous de trouver des sociétés de production par nous-mêmes, et pour nous afin qu'ils produisent les jeunes cinéastes.

Vous faites votre entrée dans le milieu au moment où le cinéma sénégalais est en difficulté, comment comptez-vous en sortir.

Nous avons tendance à croire au Sénégal qu'il faut du temps pour réaliser des choses. Pour ce qui est des salles de cinéma, elles se créent en peu de temps, en six mois même. Mais, il faut une éducation de la population. Les Burkinabès patientent dans les rangs devant les salles de cinéma pour voir les films. Mieux, ils sont prêts à donner 100 francs pour rentrer voir une projection. Il nous faut réaliser des tontines culturelles au Sénégal, pour s'en sortir. Il faut que les Sénégalais se donnent de l'argent.

Si les Sénégalais ne sont pas aussi cinéphiles que vous le prétendiez, le manque de production ne serait-il pas la cause ?

La faute est totale. Elle est vôtre, elle est mienne. Il faudrait que nous nous prenions en charge, nous rééduquer mutuellement, reprendre nos propres valeurs et en faire des valeurs de richesse. Et il faudrait qu'on y arrive, car les télévisions sénégalaises n'ont que trois préoccupations majeures qui sont la lutte, pakarñi (la danse) et les films indiens. Il nous faut un esprit de créativité. Il faut passer devant la corniche, pour constater que les meubles sont les mêmes depuis 50 ans. Aujourd'hui, il nous faut de l'apprentissage, de la formation, des écoles, le savoir faire de la coiffure, du maquillage. En somme, il faut du savoir faire.

Parlez-nous de votre film, Blissi Ndiaye ou la visite de la dame.

C'est le bien et le mal, Adam et Eve. Je fais du cinéma, je commence par le début. Donc Blissi Ndiaye ou la visite de la dame est une visite du mal vers le bien qui va d'ailleurs le remporter. C'est un thème simple, mais architectural. D'ailleurs, c'est qui fait du cinéma un art majeur.

On retrouve Issa Samb alias Joe Ouakam dans votre film, cela n'a pas été difficile de collaborer avec lui ?

Issa Samb est le personnage le plus important au Sénégal, parce qu'il est une richesse autant sur le plan de la littérature, de la peinture et la philosophie, mais aussi mystique parce que les choses sacrées de Ouakam sont entre ses mains. C'est quelqu'un qui n'a rien cherché, il traverse la ville en marchant et dans cette quête qui est une sorte de Graal à l'expression sénégalaise. Cet homme, les générations futures vont en parler, et c'est pareil pour Marie Madeleine Diallo et je pense qu'il faut faire avec ces personnages.

Pourquoi avez-vous porté votre choix sur ces personnages ?

Je suis un cinéaste, et un cinéaste c'est quelqu'un qui sait ouvrir l'œil. Le cinéma, c'est être aveugle et voyant. Et je vous dis que ces deux personnes m'ont même aidé dans le tournage.

Alors, c'est votre première production et première sélection au Fespaco, qu'est-ce que ça vous fait ?

J'en suis fier. Et que j'emporte un prix ou pas, ce qui est sûr c'est que j'ai fait un film qui va résister au temps, voilà, mais pas à un prix. C'est un film qui a réuni des personnages qui sont elles mêmes des œuvres. J'ai essayé de faire une œuvre d'art et le temps parlera pour moi

Lalla Cissokho
Sénégal

Article écrit dans le cadre de l'atelier du Bulletin Africiné - Ouagadougou (Burkina Faso), FESPACO 2011.
Ce bulletin est publié par la Fédération Africaine de la Critique
Cinématographique (FACC) avec cette année le soutien du FESPACO, du ministère français des Affaires étrangères, d'Africalia et du ministère sénégalais de la Culture et de la Francophonie.
Il est rédigé par des membres de la FACC présents au Fespaco 2011, venant de 9 pays d'Afrique

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