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Ramata
Une Sénégalaise en proie à son passé
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 29/05/2011
Michel Amarger
Michel Amarger
Léandre-Alain Baker
Léandre-Alain Baker
Katoucha NIANE
Katoucha NIANE
Moctar Ndiouga BÂ, producteur
Moctar Ndiouga BÂ, producteur
Abasse Ndione, écrivain
Abasse Ndione, écrivain
Wasis Diop, compositeur de la B.O.F.
Wasis Diop, compositeur de la B.O.F.
Tchicaya, la petite feuille qui chante son pays
Tchicaya, la petite feuille qui chante son pays

LM Fiction de Léandre-Alain Baker, Sénégal / Congo, 2009
Sortie France : 1 juin 2011

La force du destin qui emporte une femme sérère hante le roman Ramata de Abasse Ndione. Son adaptation au cinéma y projette une héroïne marquée par les ans, dont l'empreinte glisse sous les regards. Ramata de Léandre-Alain Baker s'expose comme la quête d'un cinéma poignant, initiée par son producteur Moctar Ndiouga Bâ. C'est lui qui fort de ses expériences marquantes dans le cinéma sénégalais, des premiers courts-métrages de Mansour Sora Wade (Fary l'ânesse, 1987) aux histoires de Moussa Sene Absa (Tableau Ferraille, 1997), a voulu amplifier son action avec Ramata. Il choisit pour vedette la top model Katoucha Niane, aux origines guinéennes, égérie des grands couturiers, star des podiums de mode des années 80 à 90, revenue d'une carrière de styliste esquissée en 1994. Après la publication de son autobiographie, Dans ma chair, 2007, elle s'initie au cinéma avec ce rôle de premier plan avant de disparaître en 2008, au crépuscule de son règne dans la mode.

"A l'issue d'un dîner, le producteur a fini par me convaincre des similitudes frappantes qui existaient entre la vie de Ramata et la mienne" confie l'actrice peu avant sa mort. "Mais j'ai surtout accepté parce que je trouvais la démarche du producteur à la fois militante et très ambitieuse. Je me devais donc d'accompagner ce beau projet. D'autant qu'il s'est vraiment donné les moyens." Moctar Bâ délégue la mise en scène à un cinéaste avec qui il a déjà travaillé : Léandre-Alain Baker. Ce Congolais a débuté par des courts-métrages en France depuis Un pygmée dans la baignoire, 1993. Il signe des portraits d'écrivains comme Sony Labou Tansy, Tchicaya U Tam'si pour Tchicaya, 2001, coproduit par Moctar Bâ, et tente d'orchestrer les atouts réunis par la production pour son premier long-métrage.

Le récit en tiroir, livré dans un bar de Gorée, aborde le quotidien luxueux de Ramata, une femme de ministre altière, de 50 ans, qui se flétrit. Sa rencontre brutale avec un voyou qui dérobe un taxi, l'enlève et la séduit, l'incite à rattraper sa vie perdue. Elle s'éblouit dans le café coloré qui sert de repère à son jeune amant. Mais Ramata se perd dans les flammes d'une passion charnelle sans issue. Le scandale affleure. Le garçon s'échappe. Le mari se supprime. En se lançant sur les traces de son amant, dans la campagne sérère, Ramata renoue les fils de son passé. Un geste enfoui 25 ans auparavant, un choc en retour, font basculer sa raison et précipitent son refuge au café coloré. Un secret expurgé 15 ans plus tard, à l'ombre de sa mort récente, scelle la tragédie contée dans la pénombre de Gorée.

"Le personnage de Ramata est au centre de mon dispositif scénique et dramaturgique", déclare Léandre-Alain Baker. "Je ne me suis donc pas trop étendu sur les personnages qui gravitent autour d'elle, dans la mesure où ils agissent, tous ou presque, en fonction d'elle". La tension qui marque cette héroïne, cernée par le passage du temps, est exacerbée par le jeu intériorisé de Katoucha. La top model fait corps avec son personnage de femme brûlée. "Par sa beauté et son esprit dénué d'arrière-pensée, Ramata est une femme libre, un tempérament immuable", estime le cinéaste. "De surcroît le temps semble sans prise sur elle, et même sur son corps qui conserve jusqu'au bout son aspect juvénile." Comme elle, Katoucha connaît un destin tragique après une ascension fondée sur ses charmes. Elle imprime les meilleures scènes du film de son regard intense et ses blessures mutiques.

Le réalisateur cerne ce feu dévorant dans une atmosphère froide, avançant avec un rythme plutôt sec malgré les glissements discrets de caméra. Les comédiens sénégalais semblent retenus puis certaines scènes les poussent à sortir du jeu. La solennité des flash-back tempère l'émotion alors que la qualité de la photo et les mélodies bien placées de Wasis Diop contribuent à l'éclat de Ramata, composé pour toucher un large public. Pourtant la vigueur de la production n'est pas suffisamment relayée par le souffle de la mise en scène et les écarts de Ramata semblent parfois trop calibrés. Mais au-delà de ses failles, ce drame de la beauté condamnée invite à reconsidérer les gestes vifs de la jeunesse. Et la silhouette fière d'une femme mûre impressionne l'objectif.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

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