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Kinshasa Symphony
La symphonie du désespoir !
critique
rédigé par Alain Roland Biozy
publié le 29/06/2011
Claus Wischmann, coréalisateur
Claus Wischmann, coréalisateur
Kinshasa Symphony
Kinshasa Symphony
Nathalie Bahati, flûtiste
Nathalie Bahati, flûtiste
Armand Diangienda, fondateur et chef de l'orchestre, il est le petit-fils de Kibangu.
Armand Diangienda, fondateur et chef de l'orchestre, il est le petit-fils de Kibangu.
Kinshasa Symphony
Kinshasa Symphony
Kinshasa Symphony
Kinshasa Symphony
Joseph Masunda Lutete, altiste et responsable lumières. Il est électricien et coiffeur
Joseph Masunda Lutete, altiste et responsable lumières. Il est électricien et coiffeur
Kinshasa Symphony
Kinshasa Symphony
Kinshasa Symphony
Kinshasa Symphony
Kinshasa Symphony
Kinshasa Symphony
Ecrans Noirs 2011
Ecrans Noirs 2011

Le film documentaire de la paire allemande Claus Wischman et Martin Baer, complètement en contre point de la réalité, s'éloigne difficilement du regard suspect des caméras impérialistes.
Dès les premières minutes, le film annonce l'événement:
La musique trône au dessus de la ville de Kinshasa, ville mythique de la rumba ‘africaine', mais que la symphonie allemande veut investir. Et par une maîtrise parfaite de la technique du flash-back, les réalisateurs font un bond en arrière pour nous faire revivre une histoire à la fois pathétique et épique. L'orchestre symphonique Kimbanguiste "OSK" entre en préparation de son concept historique.
Mais ce qui frappe d'entrée de jeu, c'est ce bus estampillé Orchestre Symphonique Kimbanguiste qui a de la peine à démarrer, qu'on est obligé de pousser, et qui traverse le cadre de la droite vers la gauche. D'ailleurs, on ne le verra pas partir. Il y a là une métaphore riche de signification : un monde qui piétine et qui a de la peine à décoller ; par un mouvement de caméra, on translate directement vers l'orchestre symphonique, dont on découvre la première performance, en répétition.
Devant une poignée de badauds, la répétition de l'OSK, tourne au drame, subitement interrompue par un immense nuage de fumée, et ce n'est pas tout !

Si les réalisateurs empruntent à la vieille technique des ombres chinoises qui traversent la muraille en plastique, c'est pour exprimer le désintéressement de la population que cette musique venue d'ailleurs ne semble pas interpeller ; lorsque cette petite fille se hisse à travers la clôture pour épier l'orchestre, on comprend aisément que seuls les curieux s'arrêtent. De façon subtile, le récit du film voyage en permanence.
A travers un mouvement incessant de va et vient entre souvenir et rêves, la paire Claus Wischman et Martin Baer nous embarque sur les traces d'une répétition sans cesse foireuse, dans un contexte où ignorance de la langue, mauvaise maîtrise des techniques, tension psychologique et incertitudes se côtoient au quotidien.
A travers une image magnifique, fascinante et un son agréable, Kinshasa Symphony parcourt la force et la détermination avec lesquelles la société veut se libérer de la tourmente née de plusieurs décennies d'oppression coloniale, de la tyrannie politique, et de la cruauté de la guerre. Et c'est là que les réalisateurs de Kinshasa Symphony nous mènent en bateau parce qu'en réalité une lecture au second degré révèle leur véritable préoccupation. Le film est parti pour être une simple histoire, d'un orchestre symphonique qui se bat bec et ongles pour préparer son premier concert public. Néanmoins, une lecture paradigmatique laisse honteusement apparaître l'historique complot colonial, prompt à montrer toujours de l'Afrique un cliché de la misère.

Du coup, ce n'est plus le concert en lui-même qui nous intéresse, mais les conditions épiques dans lesquelles les africains vivent, dans une Afrique chaotique et délabrée. Kinshasa, troisième grande ville d'Afrique, l'une des plus peuplées du continent, près de treize millions d'habitants, populeuse, qui compte parmi les plus pauvres du monde, devient alors le symbole de ce petit univers de la misère. Au finish, la musique dans le film prend des allures de pseudo thérapie qui éloigne du stress sous lequel ploient les populations assommées par la pauvreté. Armand Diangienda, pilote au chômage, fondateur et chef de l'orchestre et ses disciples, Chantal Ikina, vendeuse de pain, Joseph, électricien coiffeur, Albert Matubenza, l'artisan, Nathalie Bahati, entre autres ont chacun une petite histoire pathétique que les instants de répétitions font oublier. Mais le choix même de cette musique pose problème. Pourquoi les symphonies d'Haendel, Verdi, et Beethoven dans un univers qui offre au monde 80% de toutes les musiques qu'il écoute ? C'est que la symphonie est à l'exemple de toutes les solutions à sa misère que l'Afrique pense trouver en Europe, alors qu'elle recèle d'immenses richesses. A travers la métaphore de Kinshasa Symphony, Claus Wischman et Martin Baer chantent la symphonie d'une Afrique qui refuse de s'émanciper.

Roland Biozy

Article paru dans Mosaïques (Yaoundé) - ÉDITION SPÉCIALE Nº 001 du 18 Juin 2011, page 5.

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