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Ça tourne. La chronique de Jean-Marie Mollo Olinga
Cinéma cherche spectateurs
critique
rédigé par Jean-Marie Mollo Olinga
publié le 29/06/2011
Jean-Marie Mollo Olinga, ancien Vice-Président de la FACC
Jean-Marie Mollo Olinga, ancien Vice-Président de la FACC
Ecrans Noirs 2011
Ecrans Noirs 2011

Dans la nuit du samedi 10 au dimanche 11 janvier 2009, la seule salle commerciale de cinéma de Yaoundé [L'Abbia, ndrl], la capitale du Cameroun, a fermé, plongeant les très rares cinéphiles qui la fréquentaient encore dans le désespoir. Une semaine plus tard, l'unique salle de cinéma de Douala [Le Wouri, ndrl], ville portuaire considérée comme la capitale économique, fermait à son tour, précédée quelques jours plus tôt par l'Empire de Bafoussam, la seule salle de région, située à 400 km environ de Yaoundé. Dans l'un ou l'autre de ces trois cas, il était invoqué des loyers impayés. Avec quoi doit-on payer les loyers d'une salle de cinéma, établissement commercial s'il en est, sinon avec des entrées ?

Lorsqu'on évoque les raisons de la fermeture des salles de cinéma au Cameroun, les compatriotes de Samuel Eto'o avancent toutes sortes d'explications, sauf la principale : ils n'allaient plus au cinéma. Pourquoi ? Ils vous répondent que leur pouvoir d'achat ne le leur permettait plus (la bière coûtant moins cher) ; que les salles étaient inconfortables (en tout cas moins que leur maison) ; qu'elles se trouvaient au centre-ville, donc loin de chez eux (dans le cas de Yaoundé, le Djoungolo, la Mefou, le Fébé, le Rex, la Mefou, etc., avaient été les premières salles, pourtant situées en plein coeur de quartiers, à fermer) ; qu'il y avait des risques d'agression, etc., etc.
Toutes ces raisons, valables en soi, ne sauraient cependant suffire à expliquer la fermeture des cinémas au Cameroun, car la plus évidente est que les Camerounais avaient déserté leurs salles. Et, dans ce cas, la pire des hypocrisies ne consiste-t-elle pas à verser des larmes de crocodile sur leur disparition ?

Pendant les quatre années qu'il avait passées dans notre pays, Yves Bourguignon, alors directeur du Centre culturel français de Yaoundé, y avait organisé, à 17h et 19h, tous les jeudis et samedis, des projections gratuites de films (surtout africains). Mais la salle de 280 places n'avait jamais réuni plus d'une trentaine de spectateurs. Dans ses dernières années, le cinéma Abbia, 1500 places, la plus grande salle d'Afrique centrale, passait des films devant moins de 10 personnes parfois. Le spectacle des salles vides pendant les Ecrans noirs n'est-il pas à relever, pour être stigmatisé ?

Si les cinéastes eux-mêmes allaient au cinéma… Si les étudiants de cinéma des universités allaient voir des films en salle… Si leurs enseignants les y accompagnaient… Si les élèves du primaire, du secondaire allaient voir des films … Si le président de la République et les membres du gouvernement, par exemple, allaient au cinéma… Mais avec des si… Ils préfèrent voir leurs films à la maison. Alors, pourquoi se plaindre qu'il n'y ait plus de cinéma chez nous, au moment où les autres continuent de construire des complexes ? Juste pour hurler avec les loups ?
*Journaliste, critique de cinéma

Jean-Marie Mollo Olinga
Journaliste, critique de cinéma

article paru dans la revue Mosaïques (Yaoundé), - ÉDITION SPÉCIALE Nº 002 du 21 Juin 2011, page 3.
Dans le cadre de l'atelier de formation à la critique animé par Jean-Marie Mollo Olinga (FACC) et Klaus Elder (FIPRESCI). Organisation : les associations Arterial Network et la Cameroon Art Critics (CAMAC), en collaboration avec le Goethe Institut

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