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Un homme qui crie, de Mahamat-Saleh Haroun
Une saison blanche et sèche
critique
rédigé par Stéphanie Dongmo
publié le 30/06/2011
Stéphanie Dongmo
Stéphanie Dongmo
Mahamat-Saleh HAROUN, réalisateur tchadien © Africiné /Ph: Belinda van de Graaf, Cannes 2010
Mahamat-Saleh HAROUN, réalisateur tchadien © Africiné /Ph: Belinda van de Graaf, Cannes 2010
Youssouf Djaoro (Adam) dans Un homme qui crie
Youssouf Djaoro (Adam) dans Un homme qui crie
Youssouf Djaoro (Adam) et Djénéba Koné (Djénéba) dans Un homme qui crie
Youssouf Djaoro (Adam) et Djénéba Koné (Djénéba) dans Un homme qui crie
Un homme qui crie
Un homme qui crie
Un homme qui crie
Un homme qui crie
Le cinéaste tchadien Mahamat-Saleh Haroun sur le tournage de son film Un homme qui crie
Le cinéaste tchadien Mahamat-Saleh Haroun sur le tournage de son film Un homme qui crie
Ecrans Noirs 2011
Ecrans Noirs 2011

Mahamat Saleh crie à Yaoundé. Prix du jury à Cannes 2010, Un homme qui crie du Tchadien Mahamat Saleh Haroun est le film d'ouverture de cette 15ème édition des Écrans noirs, au Palais des congrès de Yaoundé.

Nous sommes à N'Djamena, la capitale du Tchad. Adam (Youssouf Djaoro), 55 ans, est le maître-nageur d'un grand hôtel qui vient d'être racheté par des Chinois. C'est un homme heureux de vivre. Il aime l'eau, sa femme et son fils. Il aime aussi écouter la radio, et les nouvelles sont de plus en plus inquiétantes. Rebelles, attaques et forces gouvernementales sont les mots au contenu lointain qu'il entend et qu'il s'empresse d'oublier. Jusqu'au jour où il est pris au piège de la guerre. Elle devient pour lui une occasion de chute, sous le prétexte de "l'effort de guerre". Car, même s'il est père, il est avant tout homme, donc pécheur, à l'image de son homonyme le premier homme sur terre.

Un homme qui crie, c'est le drame d'un père déchu en quête de rédemption. Le réalisateur le raconte avec, en toile de fond, la guerre civile qui contraint les populations à emprunter le chemin de l'exil. Cette tragédie blanche, sèche et silencieuse est le film d'un homme meurtri. Il crie une rage et une douleur que ni le temps ni le succès n'ont réussi à effacer face à la folie des hommes, aux contradictions de la vie et même aux silences (complices ?) de Dieu.
Atteint d'une balle perdue au plus fort de la guerre civile à 18 ans, Mahamat Saleh Haroun est évacué au Nord du Cameroun dans une brouette. Il vit quelque temps dans un camp de refugiés avant de migrer vers la Libye, puis la France où il vit depuis lors. Il a essayé d'exorciser ses démons dans ce film. Mais la fragile paix autour de laquelle la violence rôde toujours n'a pas réussi à cicatriser sa plaie.
La guerre se raconte ici avec pudeur. On ne voit pas les combats. Mais on les vit dans les regards terrifiés des populations, dans le pas pressé des réfugiés et dans les rues vidées de N'Djamena.
Journaliste de formation, Mahamat Saleh Haroun a privilégié un langage châtié. Il donne ainsi un aspect épuré à ce film, au risque de le dénaturer.

Un homme qui crie, titre inspiré d'un texte d'Aimé Césaire, c'est aussi un film qui nous parle. Il est rendu dans toute sa dimension par un jeu d'acteur exigeant.
Cependant, la mise en scène disparaît par moments pour céder l'espace à l'improvisation. Au détour d'une scène, un brin d'humour décapant vient baisser la tension partout présente et accorder au spectateur de souffler.

Ce long métrage clôture une trilogie commencée avec Abouna (81 mn, 2002), Daratt (1h35mn, 2006), dans laquelle Mahamat-Saleh Haroun pose la question du drame intérieur. Au passage, il semble se délecter de la déchéance du père, son thème de prédilection.
Ce parricide se vit dans les larmes d'Adam, assis, seul, au milieu de ses propres turpitudes. Le film se termine, mais la tristesse reste.

Stéphanie DONGMO

FICHE TECHNIQUE
Titre : Un homme qui crie
Scénario et réalisation : Mahamat-Saleh Haroun
Format : 35 mm
Durée : 92 minutes
Année de sortie : 2010
Pays d'origine : Tchad, France, Belgique
Producteur délégué : Florence Stern
Co-production : Pili Films, Entre chien et loup et Goï Goï productions
Distribution : Youssouf Djaoro, Diouc Koma, Emil Abossolo M'Bo, Hadje Fatime N'Goua...


article paru dans la revue Mosaïques (Yaoundé), - ÉDITION SPÉCIALE Nº 001 du 18 Juin 2011, page 3.
Dans le cadre de l'atelier de formation à la critique initié par la Cameroon Art Critics (CAMAC) et animé par Jean-Marie Mollo Olinga (FACC) et Klaus Elder (FIPRESCI)

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