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Un homme qui crie, de Mahamat-Saleh HAROUN
Le cri de la détresse
critique
rédigé par Simon Mbaki Mazakala
publié le 03/08/2011
Simon MBAKI MAZAKALA, Africiné
Simon MBAKI MAZAKALA, Africiné
Mahamat-Saleh HAROUN, réalisateur tchadien © Africiné /Ph: Belinda van de Graaf, Cannes 2010
Mahamat-Saleh HAROUN, réalisateur tchadien © Africiné /Ph: Belinda van de Graaf, Cannes 2010
Mahamat-Saleh Haroun entouré des acteurs Diouc Koma et Youssouf Djaoro, pour le film Un homme qui crie, sur la Croisette, Cannes 2010
Mahamat-Saleh Haroun entouré des acteurs Diouc Koma et Youssouf Djaoro, pour le film Un homme qui crie, sur la Croisette, Cannes 2010
Le cinéaste Mahamat-Saleh Haroun sur le tournage d'Un homme qui crie
Le cinéaste Mahamat-Saleh Haroun sur le tournage d'Un homme qui crie
Youssouf Djaoro (Adam) et Djénéba Koné (Djénéba) dans Un homme qui crie
Youssouf Djaoro (Adam) et Djénéba Koné (Djénéba) dans Un homme qui crie
Youssouf Djaoro (Adam) dans Un homme qui crie
Youssouf Djaoro (Adam) dans Un homme qui crie
Youssouf Djaoro (Adam) dans Un homme qui crie
Youssouf Djaoro (Adam) dans Un homme qui crie
Affiche du 63e Festival de Cannes réalisée par Annick Durban, d'après une photographie de Juliette Binoche par Brigitte Lacombe
Affiche du 63e Festival de Cannes réalisée par Annick Durban, d'après une photographie de Juliette Binoche par Brigitte Lacombe

Le réalisateur tchadien Mahamat-Saleh HAROUN mérite "Le Prix du JURY" obtenu au Festival de CANNES en 2010 pour son film Un homme qui crie. Parce que ce cri de détresse - faiblement extériorisé mais fortement intériorisé par un père regrettant amèrement sa traitrise vis-à-vis de son fils unique - transperce profondément le cœur du spectateur ébahi.
Le spectacle qui est présenté dans ce film projeté à Kinshasa le 13 juillet au CCF [Centre Culturel Français de Kinshasa - Halle de la Gombe, ndrl] renvoie à la psychologie de la guerre civile et à la détérioration du tissu économique des habitants d'une ville. Ici Ndjamena.
Mais vivre la guerre est poignant pour une société, surtout de loin, avec des bruitages de crépitements des armes, avec des répercussions sur la vie communautaire et le comportement des hommes. D'autant plus que le pouvoir détenu par les acteurs en présence s'exprime de plusieurs manières.

Le pouvoir du gouvernement qui mobilise avec force la population, le pouvoir de l'employeur qui est obligé de licencier, le pouvoir du chef du quartier qui tient à accomplir son devoir de relais du gouvernement même abusivement avec des menaces, et le pouvoir d'un père qui doit assumer ses charges de famille.
Ce faisant, "le chacun pour soi" ne tient pas compte de la relève et des compétences ou de l'efficacité.
Le film Un homme qui crie nous fait donc vivre cette situation que connait Adam âgé de 55 ans, ancien champion de natation, maître nageur et toujours appelé champion. Celui-ci a appris à son fils de 20 ans, Abdel, son métier qu'ils exercent ensemble dans la piscine d'un hôtel de luxe. L'ambiance est bon enfant mais la guerre est là. Les rebelles sont en train de menacer le gouvernement. Alors, tout le monde doit faire son choix.



Il y a le choix du gouvernement de défendre l'intégrité du territoire national en imposant la mobilisation générale (afin de combattre) et le couvre-feu. L'hôtel, quant à lui, fait le choix de maitriser l'effectif de son personnel vu la baisse de l'activité touristique. Le père Adam est en butte aux exigences du chef de quartier, même s'il sait que tout le mode peut faire l'armée mais l'armée n'est pas faite pour tout le monde. La fille malienne décide, elle, de rejoindre le logis son bien aimé Abdel. Le cuisinier choisit de surmonter la maladie qui survient après son licenciement à l'hôtel.

Ces différents choix sont souvent exprimés par les regards des uns et des autres. Les gros plans qui s'attardent sur les visages des acteurs concernés interpellent sur la gravité de la situation, sur le vécu de tout un chacun et sur l'état d'esprit de la communauté. Il faut aussi ajouter les longs silences dans les moments de partage de repas en commun d'où la résignation. On est appelé à l'acceptation de certains sacrifices consentis par eux.
Cette résignation induit de la part du père une compromission avec l'armée, alors que le chef de quartier et la population prennent la route de l'exil. Les agents de l'ONU, eux s'adonnent à des exercices fantaisistes dans la piscine et à la bombance de parade.

Ce film nous fait aussi observer que dans notre vécu de tous les jours, nous n'acceptons pas la perte de certaines facultés physiques. Ainsi, le champion ne peut plus rivaliser avec son fils en immersion dans la piscine et ne peut plus effectuer le nombre plus important d'abdominaux.
Les joies et les peines des personnages de ce film sont soutenues par deux séquences soulignées par une musique de complainte. D'abord, il y a celle chantée par la griotte malienne tard dans la nuit, ce qui engendra les remords du père. Notons ensuite cette mélodie qui accompagne le grand forcing du père en moto-car, pour récupérer son fils blessé de guerre.

Le réalisateur a tenu enfin à bâtir l'essence de son film autour de l'eau. En extérieur jour, dans la piscine, avec deux personnages père et fils, il ouvre son histoire avec les plaisanteries de "c'est moi le champion" poussé par le fils. Dans le fleuve, avec le père et le fils, il clôture sur la demande "fais moi prendre un bain" soufflé par le fils que le père contemple l'éloignement de la dépouille pour un adieu définitif.

Mbaki Mazakala
Kinshasa, ce 25 juillet 2011

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