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FOFA 2011, Algérie
Le FOFA. Au-delà de l'aspect festif
critique
rédigé par Mohamed Bensalah
publié le 03/01/2012
Mohamed Bensalah
Mohamed Bensalah
FOFA 2011
FOFA 2011
Ouverture du FOFA 2011, avec les membres du jury
Ouverture du FOFA 2011, avec les membres du jury
Ouverture du 5ème FOFA
Ouverture du 5ème FOFA
Mohamed Bensalah (au premier plan) et le cinéaste Merzak Allouache, au FOFA 2011
Mohamed Bensalah (au premier plan) et le cinéaste Merzak Allouache, au FOFA 2011

Les rayons de lumière qui ont illuminé, sept jours durant, Oran, se sont éteints. Le tour virtuel du monde arabe a pris fin. L'heure est aux bilans. N'en déplaise aux éternels insatisfaits, spécialistes de la critique destructrice, et aux éternels jeteurs d'anathèmes, ce rendez-vous d'exception a installé la ville, la région et le pays au croisement des cinématographies arabes. On contestera difficilement le fait que le désormais FOFA (Festival d'Oran du film Arabe) fut une édition pleine de découvertes et d'émotion, que les salles étaient pleines à craquer et que la couverture médiatique fut exceptionnelle.
Cette 5e édition a offert au public oranais l'occasion de voir des films rares qui sont autant de miroirs privilégiés de l'évolution des peuples arabes. Comment ne pas évoquer enfin, l'excellent esprit qui a présidé aux projections, la largeur de vues lors des débats avec les réalisateurs et l'atmosphère d'amitié et de sympathie constamment présente ? Mais, peut-on en vouloir aux sots qui, lorsque vous leur montrez la lune, figent leurs regards sur votre doigt pointé.

La réflexion qui suit, tente de dégager quelques suggestions à même d'éclairer la situation du cinéma arabe et de préciser ses tendances actuelles. La première chose qui vient à l'esprit est la fable de Platon relative à Teuh, qui venait de découvrir l'écriture. Très fier de l'avoir inventé, Teuth, s'en alla vite retrouver son roi Shamous : "Voici, ô Sire, lui dit-il, une connaissance qui aura pour effet de rendre ton peuple plus instruit et plus capable de se remémorer". Mais Shamous le mit en garde : "Pour l'instruction, lui répondit-il, c'est un simulacre que tu procures à tes élèves par l'écriture mais point la réalité. Fais bien attention, ton art peut rendre leurs âmes oublieuses ; c'est du dehors, grâce à des empreintes étrangères, et non du dedans, qu'il s étudieront le monde. Lorsque avec ton aide, ils regorgeront de connaissances sans avoir reçu d'enseignement, ils auront l'illusion d'avoir touché à mille choses, mais la plupart du temps ils seront dénués de tout jugement". Ces paroles s'appliquent parfaitement à toutes les inventions du monde moderne et plus particulièrement à celle de la radio, de la télévision et du cinéma, qui sont en même temps écriture, moyens de connaissance pour cerner la réalité, mais aussi simulacre de la réalité, car outils diaboliques redoutables d'avilissement de la pensée.

Cinéma et culture arabes

Dire que le cinéma exerce une grande influence sur les masses relève du truisme. L'image fixe ou animée est aujourd'hui le plus puissant, le plus fascinant et le plus efficace des modes de communication. Que nous le voulions ou non, elle est devenue un grand fait de civilisation. Elle a pris possession de notre sensibilité, de notre intelligence et nous impose des attitudes, des réactions et des conduites. En tant que genre vivant, le 7e art permet, lorsqu'il parle à notre intelligence, offre la possibilité de partager des regards et des dialogues artistiques et facilite l'échange et l'ouverture sur les autres cultures.
La mondialisation et son projet d'uniformisation des cultures, les clôtures réelles ou virtuelles érigées par les états et surtout les interdits des détenteurs de pouvoirs dans les pays arabes, ont empêché le génie arabe de s'épanouir. Replié sur lui-même et ghettoïsant sa propre culture à l'intérieur de ses frontières exclusives, le monde arabe n'arrive plus à émerger des conflits profonds et brutaux, savamment entretenus, qui le minent. La littérature, les médias et des arts et plus particulièrement le cinéma, peuvent, s'ils sont utilisés intelligemment, inscrire la culture arabe dans le monde moderne en dévoilant au monde la vitalité et la maturité de cette culture millénaire. C'est par la connaissance sans cesse renouvelée et non par le pétrole éphémère, que le monde arabe arrivera à se libérer de sa dépendance et à sortir du factice. C'est par son esprit créatif qu'il pourra s'engager dans la marche vers la plénitude perdue, vers la récupération de son histoire et vers le progrès. Le cinéma arabe peut contribuer à recouvrer de nouveaux rapports humains si on le laisse affronter les temps modernes. Mais tout cela, présuppose une prise de conscience approfondie et tenace qui, pour l'heure fait cruellement défaut.
Nul doute que l'Algérie accorde une attention particulière à son arabité et plus particulièrement en ces moments difficiles. Persuadés que la culture, les arts et plus particulièrement le 7e, peuvent jouer un rôle non négligeable pour raffermir les liens et la communication entre les peuples, le ministère de la culture organisateurs de ce festival consacré exclusivement aux films arabes, croient en cette passerelle culturelle entre pays frères proches ou lointains. L'initiative généreuse de Madame la ministre de la culture, à laquelle se sont associés les responsables des collectivités locales, est une tentative louable de joindre l'esprit humain aux chefs d'œuvres artistiques en revisitant les champs et contre-champs de la cinématographie arabe, en analysant les œuvres marquantes récentes et en célébrant les films et leurs auteurs.

Joindre l'esprit humain aux chefs d'œuvres artistiques.

De par son don d'ubiquité, sa diffusion massive et son accessibilité immédiate même aux analphabètes, le film peut faire découvrir les réalités contemporaines du monde arabe à travers ses cinématographies et offrir ainsi, une orientation vers une évolution qui s'harmonise avec l'époque que nous vivons, une époque fertile en innovations qui constitue une lumière nouvelle à même de faire prendre conscience et de permettre de nouvelles perspectives de collaboration. Le souhait affiché par les organisateurs est, on ne peut plus clair : offrir une plus grande dignité au peuple arabe, aujourd'hui, divisé, manipulé et menacé d'implosion. L'espoir qui semble les guider et les animer est celui d'offrir, par le biais de l'esthétique du 7e art et de la fraicheur de la culture cinématographique, un nouvel élan d'humanisme à même de fonder la fraternité entre citoyens arabes.
Ceci dit, faire le point sur le produit artistique arabe, rechercher un dénominateur commun à toute la production filmique me semble être un leurre, surtout en ce moment précis où une nouvelle société arabe est en train de naitre. L'œuvre de chaque cinéaste est unique du fait de son origine sociale, de son itinéraire de formation et des motivations spécifiques qui l'animent. D'autre part, les films produits sporadiquement ne sont pas en nombre suffisant pour que nous puissions parler de tendance ou de mouvement ayant ses propres particularités. Les seuls traits distinctifs du cinéma arabe se dessinent à partir de la diversité des imaginaires et de l'originalité des productions. Ils sont aussi fonction des influences diverses, des pesanteurs sociales, des mentalités et du contexte politique, économique, culturel et commercial de chaque pays. Les cinéastes arabes puisent leurs sujets dans la riche matière que leur offrent leurs patrimoines nationaux. Tout comme pour les autres cinématographies mondiales, la filmographie arabe inscrit aussi bien des films commerciaux que des films qui se veulent critiques à l'égard de leur société, des films "engagés", ou de dénonciation sociale.

La grandiose manifestation cinéphilique arabe qui vient de s'achever dans la capitale de l'Ouest algérien, fut une aventure exaltant dans un pays où la population a longtemps interdite d'écran. On peut même dire que Oran (Wihran), qui a décerné ses Lions (Wihs) d'Or, ville qui recèle par ailleurs d'innombrables beautés et dont le ciel resplendit d'une histoire éblouissante, a réussi son pari.
Les résultats encourageants et même positifs enregistrés montrent bien que la ville est en train de se forger un nom, une réputation et une histoire. Il serait cependant vain d'espérer des résultats tangibles en l'espace de cinq éditions. Tout comme il serait illusoire d'imaginer que quelques initiatives ponctuelles puissent, à elles seules, répondre aux attentes et besoins multiples de la cinématographie arabe. Faire progresser le film arabe, le rendre apte à s'acquitter de la mission qui lui incombe, exige du temps, de l'argent et de la persévérance, mais surtout une démarche cohérente qui ne saurait faire l'économie de tâtonnements.

Mohamed Bensalah

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