AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
24 935 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
En attendant le vote, du Burkinabé Missa Hébié
Si les hommes ne votent pas, les bêtes sauvages le feront
critique
rédigé par Anaïs Tankam
publié le 07/01/2012
Missa Hébié, réalisateur burkinabè
Missa Hébié, réalisateur burkinabè

Les projections du festival de cinéma Image et vie continuent à Dakar. Le film En attendant le vote du Burkinabé Missa Hébié - une adaptation du roman de Ahmadou Kourouma (En attendant le vote des bêtes sauvages) - a été projeté ce jeudi.
Le dictateur Koyaga est un tragique symbole de nombreux présidents africains.Mais l'heure est au jugement, aux aveux et peut-être au changement...

"Dans la vie, il y a deux sortes de destin. Ceux qui ouvrent les pistes dans la grande brousse de la vie et ceux qui suivent ces pistes ouvertes de la vie". Phrase culte du roman d'Ahmadou Kourouma, En attendant le vote des bêtes sauvages, elle sera reprise par le réalisateur Missa Hébié dans son adaptation cinématographique, projetée hier à la Maison de la culture Douta Seck, à Dakar.
Parce que Koyaga, président-dictateur africain, fait partie de ceux qui débroussaillent et montrent le chemin. "En ma qualité d'officier le plus gradé de l'armée française en ce moment, le pouvoir me revient", proclame-t-il officiellement après un efficace coup d'Etat. Nous sommes en République du Golf, pays africain imaginaire dépeint par le cinéaste burkinabé dans la fiction En attendant le vote, toujours à la manière de Kourouma. Koyaga, plus grand chasseur de tous les temps, est aussi maréchal, chef de l'Etat, chef du gouvernement, président du Conseil des ministres, chef suprême des armées...

Assimilé à un "monstre invincible", il puise principalement ses pouvoirs de ses fétiches et de l'aide mystique de son marabout ainsi que de sa mère, une grande sorcière. Alors, quand ces derniers jugent que Koyaga doit faire son Donsomana en échange de ses pouvoirs, tout s'effondre pour le dictateur qui a mis son pays dans une situation de chaos total. Le Donsomana est un récit purificatoire [malinké, Ndlr] chanté.

Sur fond de cette cérémonie traditionnelle durant laquelle le Sora et son répondeur, le Cordoua, jugent des responsabilités de Koyaga, c'est toute sa vie de président qui défile. "Nous dirons toute la vérité sur ta dictature. Les mensonges et les crimes", annonce le Cordoua. C'est ainsi que nous verrons comment Koyaga a pris le pouvoir en République du Golf, en orchestrant un coup d'Etat et assassinant le président Fricassa Santos. Comment il l'a ensuite conservé à coups d'assassinats et de propagande, notamment, en enrôlant le jeune Maclédio à ses côtés. Le Donsomana raconte également un des voyages mythiques du nouveau dictateur en pays voisin. C'est en République des Ebènes que Cordoua et Sora nous emmènent, rappelant à Koyaga comment le dictateur novice s'est formé pour devenir un dictateur hors pair grâce aux sages conseils de son homologue : "Ne pas séparer la caisse de l'Etat de sa caisse personnelle", "ne pas instituer une distinction entre la vérité ou le mensonge" et surtout remplir des prisons entières de ses amis, partisans, famille et proches collaborateurs.

Car, "on ne peut être trahi que par un ami ou un proche. Les adversaires politiques sont des ennemis déclarés. Avec eux les choses sont claires", explique le président dictateur des Ebènes. Koyaga a mis tous ses conseils en pratique, de retour en République du Golf. Et même si les menaces se font de plus en plus nombreuses contre le régime du grand chasseur (l'opposition populaire s'organise, les occidentaux réclament la démocratie et des syndicats exigent une nouvelle Constitution...), Koyaga ne recule devant rien. "Qu'est-ce qu'ils croient ? Qu'ils vont diriger le pays à ma place ? Ou je suis le président ou je ne le suis pas !". Seul le verdict du Donsomana lui importe et le lui dira. Car s'il n'est pas plébiscité par son peuple, il le sera par les bêtes sauvages…

L'irrationalité des traditions et la dimension mystique des croyances, auxquelles semblait attaché Kourouma, restent présentes dans ce film. Cette fiction oppose bien souvent des idées rationnelles, occidentales et souvent inadaptées au contexte dépeint.

Sorti en 2011, En attendant le vote, un film de presque deux heures (1h 40 minutes), a été projeté en présence du réalisateur dans les jardins de Douta Seck jeudi. Il fait partie des nombreux films choisis dans le cadre du festival spécial Image et vie pour "le meilleur du cinéma". La musique du film (primée au Fespaco 2001) est de Wasis Diop. Le Comédien Ibrahima Mbaye a reçu le prix du second rôle au Maroc au festival de Khouribga pour cette fiction. Missa Hébié avait déjà sorti en 2009 son premier long métrage Le Fauteuil, primé au Fespaco de la même année. Il est le réalisateur de la série Commissariat de Tampy diffusé sur Tv5 monde.

Anaïs TANKAM (Stagiaire)

Article paru dans le quotidien Walf [Wal fadjiri] du vendredi 06 janvier 2012.

Films liés
Artistes liés
Structures liées
événements liés