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Mots croisés avec Selma Bargach, réalisatrice marocaine
Il n'y a pas de raison que les femmes ne fassent pas du cinéma
critique
rédigé par Fatou Kiné Sène
publié le 12/01/2012
Selma Bargach, réalisatrice marocaine
Selma Bargach, réalisatrice marocaine
Fatou Kiné Sène
Fatou Kiné Sène
Selma Bargach
Selma Bargach

Selma Bargach, 46 ans, a présenté son film La 5ème corde au festival "Le meilleur du cinéma" de l'édition spéciale Image et vie, organisé du 3 au 7 janvier dernier à Dakar. Rencontre avec cette réalisatrice marocaine qui invite les femmes à écrire, réaliser et produire encore des films.

Kiné Sène : Votre film La 5ème corde a été projeté à Dakar le 3 janvier dernier ; une première en Afrique Subsaharienne. Quel combat portez-vous à travers cette fiction ?

Selma BARGACH : C'est le combat pour la tolérance et pour l'ouverture d'esprit. Que les gens se respectent dans leur façon de voir le monde. Ce que j'avais envie de dire aussi, que c'est important la liberté de création, c'est un mal nécessaire. Que la jeune génération sache qu'on a un patrimoine fabuleux, magnifique qui est là qui représente notre identité et qu'il faut savoir puiser de ce patrimoine pour le sauvegarder. Mais aussi faire en sorte qu'il aille de l'avant. Il faut que ce patrimoine bouge pour qu'il nous fasse découvrir de nouvelles facettes de nos identités. Pour ce film, si je n'avais pas eu les moyens, je l'aurais fait, puisque j'étais convaincue de son histoire et j'aurais travaillé de la même manière que je l'ai faite avec les financements que l'on a eus. C'était plus que nécessaire de faire ce film, c'était même vital pour moi.



Êtes-vous toujours attitrée par ces thématiques d'humanisme ?

Mes courts-métrages et mon long-métrage pour le moment commencent à tourner autour du thème du respect des uns des autres, de la tolérance. Maintenant, je ne sais pas demain sur quoi je vais pouvoir travailler.

Votre choix est-il guidé par l'environnement mondial ?

Absolument. On vit une époque qui est difficile, où on a tous besoin de montrer que chacun sur cette planète a sa place en tant que personne, quelle que soit sa culture, sa religion, ses convictions ou son idéologie. Aujourd'hui, plus que jamais, c'est vraiment important de se respecter les uns des autres dans cette diversité et multiplicité.
La femme a-t-elle un rôle à jouer dans le cinéma ? On se rappelle du thème de votre thèse de doctorat soutenu en 1997 portait sur "Le rôle de la femme dans le cinéma marocain".
Bien sûr. Elle doit porter sa parole. Parce que la femme, c'est la moitié de l'humanité, c'est l'autre moitié et elle doit compléter la vision de l'homme. Il n'y a pas que la vision de l'homme. C'est important que la femme raconte ses propres souffrances, ses expériences et porte un regard sur elle-même et sur les hommes. C'est important qu'il y ait beaucoup plus de femmes qui réalisent, écrivent et produisent des films. En général, les femmes pensent que le cinéma est un métier d'hommes. Mais non, c'est aussi difficile pour un homme que pour une femme. On rencontre les mêmes problèmes. Le tout est d'être déterminé. Quand on travaille, les comédiens et les techniciens sont des professionnels et ils ont autant de respect pour l'homme que pour la femme. Il n'y a pas de raison que les femmes ne viennent pas dans le cinéma et ne portent pas leurs voix.

Votre statut de femme influe-t-il dans votre métier ?

Non, (Rires). Non, en aucune manière. Je suis une personne simple, avec sa vision du monde. Mais je me rends compte que si on devait parler de la place de la femme dans le cinéma marocain, elle a beaucoup évolué. Car quand je soutenais ma thèse en 1997 sur le thème "Rôle de la femme dans le cinéma marocain", à cette époque il n'y avait pas autant de films donc pas autant de réalisateurs et de réalisatrices. Maintenant les choses ont changé. Cela ne veut pas dire qu'il y a autant de femmes qu'il faudrait. On a besoin encore de femmes dans le cinéma et on a besoin qu'elles occupent toutes les places.

Pourquoi ?

Parce que c'est important que les femmes soient présentes. C'est important qu'elles racontent ce qu'elles savent. Elles ont une façon de voir, de les raconter. On peut avoir un homme d'une sensibilité féminine, on peut avoir une femme d'une sensibilité plus masculine. Mais ce sera quand même le regard d'une femme, d'un homme. C'est important qu'on sache qu'il y a des films faits par des femmes, qu'elles sont présentes et qu'elles existent.

Vu votre parcours dans le cinéma, vous avez fait dix ans d'assistanat avant de vous lancer dans la réalisation. Est-ce un passage obligé pour devenir un bon réalisateur ?

Pour moi, c'était formateur puisque j'ai travaillé pendant dix ans en tant qu'assistante. J'ai commencé en tant que seconde assistante ; je scellais les câbles avec les techniciens, j'essuyais les vitres. Mais cela m'a permis d'observer, de voir comment le réalisateur réagissait, les acteurs fonctionnaient. C'est très important de commencer en bas de l'échelle pour ne pas avoir la grosse tête et se dire qu'on doit toujours apprendre. Ça a été très formateur parce que l'assistanat c'est une vraie discipline. Puis cela fait partie des ressources humaines, car il faut savoir s'entendre avec les gens, ce qui est important sur un tournage.

Propos recueillis par Fatou K. SENE

Article paru dans le Walfadjiri du Mercredi 11 janvier 2011
http://www.walf.sn/culture/suite.php?rub=5&id_art=78147

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