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La Place - Essaha
Enchanter l'espace public algérien
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 14/02/2012
Michel Amarger
Michel Amarger
Dahmane Ouzid, réalisateur de La Place
Dahmane Ouzid, réalisateur de La Place

LM fiction de Dahmane Ouzid, Algérie, 2010
Sortie France : 8 février 2012

Le cinéma de l'Algérie est réputé pour les fresques flamboyantes de Mohamed Lakhdar-Hamina (Chronique des années de braise, 1975), les chroniques amères de Merzak Allouache (Omar Gatlato, 1976) ou les drames puissants de Mohamed Chouikh (La Citadelle, 1988). On en oublierait presque les aventures drolatiques de Hassan Terro, incarné par Rouiched, ou la comédie, défendue par Moussa Haddad (Les vacances de l'inspecteur Tahar, 1973). Pourtant malgré cette diversité, peu d'auteurs ont encore emprunté les voies de la comédie musicale. Du coup, le travail de Dahmane Ouzid sur La place (2010), rafraîchit opportunément le panorama du cinéma en Algérie. Une conquête triomphante pour ce vétéran de l'image, né en Kabylie, formé au cinéma à Moscou, passé aux courts-métrages depuis 1977 avec des histoires comme Caricatures, 1989, qui a fait l'essentiel de sa carrière pour la télévision. C'est dans ce cadre qu'est née La place, une série transformée en film pour s'épanouir sur grand écran.



La caméra tourne autour d'une bande de jeunes qui occupent la Place, un espace en friche qui pourrait devenir centre commercial, mosquée, espace vert… Ces projets qui les priveraient de leur espace de rencontre, excitent les imaginations et les rêves. Chacun espère garder une place à l'image de ses désirs. Le plus visionnaire est sans doute Yacine qui veut produire une comédie musicale pour sublimer les difficultés du quotidien. Le plus acharné est peut-être Kawasaki qui prend la tête de la résistance face aux assauts d'un entrepreneur affairiste qui convoite la Place. La résistance des jeunes pour préserver un espace de liberté et de paroles vivant contre l'immobilisme des aînés, est mise en scène sous forme de séquences jouées et de moments chantés qui évoquent les compromissions des politiques, les blocages de l'économie, les dangers d'un islam rigoureux, les cadres qui enferment les femmes.

Cet état des lieux, axé autour de la Place, est rythmé par les danses et les chants qui alternent musiques arabes et rap dans une même énergie de s'affirmer. La vivacité des jeunes interprètes, devenus à la fois comédiens et danseurs, est un atout majeur du film. Il croise plusieurs destins avec quelques séquences marquantes comme celle du début, montrant en plongée les jeunes plus connectés sur les réseaux mondiaux que sur leur propre histoire, ou celle d'un banc où défilent des couples dont les garçons n'ont qu'un futur incertain à offrir à des filles qui attendent autre chose de la vie. En contrepoint des chorégraphies, La place révèle les impasses qui guettent la jeunesse, avide de partir, en proposant comme alternative de reconquérir un espace d'expression et de liberté sur place. Ainsi Dahmane Ouzid tente de réveiller la fierté des jeunes Algériens par des images aux couleurs fortes et au rythme vif.

Le récit foisonnant peut emporter l'adhésion ou égarer les esprits pointilleux. La limite de La place consiste peut-être à vouloir brasser beaucoup de choses qui concernent la société algérienne dans une comédie enlevée pour la jeunesse et le grand public. Le projet, conçu d'abord pour être un téléfilm, diffusé à la Télévision algérienne, a pris une nouvelle forme avec un montage plus ramassé, lorsque le producteur Belkacem Hadjaj a eu l'opportunité de transformer La place en film pour le sortir dans les salles. En resserrant son propos sur une intrigue plus lisible qui ne dépasse pas deux heures, Dahamne Ouzid a gagné en concision ce qu'il a perdu en nuances. Mais il ravive l'éclat du cinéma algérien par une comédie musicale enlevée. Et les événements du monde arabe contemporain confèrent à l'occupation de la Place, une valeur prémonitoire, devenue emblématique.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France / Africiné)

Film programmé au cinéma L'épée de bois, 100 rue Mouffetard 75005 Paris du 8 février au 6 mars 2012. Horaires : [www.cinema-epee-de-bois.fr/] )
Ailleurs en France, consulter le site du distributeur [www.filmsdesdeuxrives.com] ou le blog du film [http://laplacelefilm.wordpress.com]

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