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Kedach ethabani (How big is your love)
Respirer avec un enfant algérien
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 30/04/2012
Michel Amarger
Michel Amarger
Fatma-Zohra Zamoum, réalisatrice de Kedach ethabani (Combien tu m'aimes)
Fatma-Zohra Zamoum, réalisatrice de Kedach ethabani (Combien tu m'aimes)
Fatma-Zohra Zamoum avec des habitants d'Apt en 2007, où elle présentait "La Pelote de laine".
Fatma-Zohra Zamoum avec des habitants d'Apt en 2007, où elle présentait "La Pelote de laine".
"La Pelote de Laine" de Fatma-Zohra Zamoum, Algérie/France (2005)
"La Pelote de Laine" de Fatma-Zohra Zamoum, Algérie/France (2005)
Z'har ((Un)Lucky)
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Z'har ((Un)Lucky)
Z'har ((Un)Lucky)
Kedach ethabani (Combien tu m'aimes)
Kedach ethabani (Combien tu m'aimes)
Kedach ethabani
Kedach ethabani

LM Fiction de Fatma-Zohra Zamoun, Algérie / Maroc, 2011
Sortie France : 25 avril 2012
Dist. : Films à Fleur de Peau (Les), Franck Llopis.

Les réalisateurs algériens filment souvent les enfants comme les emblèmes d'un futur évolutif. De Mohamed Lakhdar-Hamina (Chronique des années de braise, 1975) à Mehdi Charef (Cartouches gauloises, 2006) en passant par Mohamed Chouikh (L'arche du désert, 1997), les cinéastes réputés voient les garçons porteurs d'espoir, au seuil d'un avenir adulte qui permettrait de faire évoluer le pays. Des auteurs de courts-métrages, de Djamel Azizi (La colombe, 1993) à Abdenour Zahzah (Garagouz, 2010), filment plutôt leurs petits héros comme un regard sensible, pénétrant le monde qui les entoure. Cette orientation est aujourd'hui nuancée par le nouveau long-métrage de Fatma-Zohra Zamoun, Kedach ethabni, 2011.



La réalisatrice algérienne gagne les hauteurs d'Alger pour suivre les émotions du jeune Adel, huit ans, brusquement confié par son père à ses grands parents. Khadidja, la grand-mère, lui fait partager son quotidien et l'initie à la cuisine. Lounès, son grand-père retraité, lui communique ses valeurs sur les rôles dévolus aux hommes et aux femmes, lui apprend à soigner les oiseaux. Comme Adel veut devenir vétérinaire, une visite au zoo l'émerveille, suscitant sa perplexité lorsque Lounès lui déclare que la différence entre humains et animaux, c'est que ces derniers sont fidèles. L'allusion vise le père d'Adel et peu à peu, on devine que la mère a quitté le foyer, exaspérée par le comportement du mari.
Le séjour chez les grands parents se prolonge et la séparation des parents se précise. Une tentative de réconciliation familiale par Lounès, provoque un face à face tendu et bref qui fait repartir les parents désunis. Entre-temps, Adel explore l'univers des grands parents. Il rencontre le frère cadet de son père, fait découvrir le cinéma à Khadidja en l'entraînant dans une séance. Leur relation affective est privilégiée. Elle l'appuie pour changer le papier peint de sa chambre, et fait réviser ses leçons scolaires par une jeune voisine, courtisée par un amoureux.

En déroulant une histoire simple autour de son petit héros, Fatma-Zohra Zamoun mesure l'écho d'une rupture parentale. Les petites touches qu'elle dispose pour faire avancer le récit, semblent guidées par les sensations de l'enfant. Il pressent, éprouve l'éclatement du foyer jusqu'à en tomber malade. Le langage des sens trouve alors sa plénitude dans un film qui valorise les gestes simples, les odeurs de cuisine, les soins aux oiseaux, la tendresse des aînés. C'est chez eux que le garçon découvre des repères. Ceux du quotidien et des repas préparés par Khadidja, ceux des principes moraux, parfois rigides, prônés par Lounès.
Kedach ethabni est centré sur l'enfant mais il ménage beaucoup de plans rapprochés sur les adultes âgés. Quant aux parents en conflit, en fuite, ils sont vus de plus loin. C'est par les plans lumineux sur les aliments, les objets du quotidien, le journal que lit attentivement le grand-père que la réalisatrice caresse le regard des spectateurs. Elle compose sans juger, attentive aux non-dits, au poids social, laissant filer les jeux d'enfants et les jeunes amoureux. La prestation nuancée des acteurs participe au rythme tranquille, cultivé aux abords d'Alger. La musique de Nourdine Alane, les sons de Franck Sforza épicent discrètement la mise en images posée de Fatma-Zohra Zamoun.



Cette réalisatrice née à Bordj-Ménaïel, a bouclé ses études aux beaux-arts d'Alger avant de s'installer en France, en 1988, où elle a appris le cinéma. Ses petites fictions, Photos de voyage, 1995, Leçons de choses, 1996, établissent des ponts entre la France et l'Algérie. Son documentaire Un hommage à la peinture, 2004, atteste de sa formation de plasticienne, et Sembène Ousmane, un docker noir, 2009, de son attrait pour le 7ème art. La reconnaissance vient avec La pelote de laine, 2005, petite fiction que Fatma-Zohra Zamoun situe dans les années 70, en France où une Algérienne, ayant rejoint son mari, se trouve recluse. Le traitement hiératique du sujet y est relevé par l'actrice Fadila Belkebla.
Elle figure aux cotés de la réalisatrice dans son premier long-métrage, Z'har, 2009, fiction sur des repérages autour d'un projet de film suspendu, faute de financements, traitant de la violence des années 90. L'élan de ce film indépendant, libérateur, est relayé par Kedach ethabni, une production algérienne coordonnée par Fatma-Zohra Zamoun. Elle a obtenu les aides du Ministère de la Culture, de la télévision nationale, et effectué la post-production grâce à une participation marocaine. Diffusé en festivals avant une distribution française modeste, ce nouveau film algérien véhicule discrètement un regard sensible sur l'âpreté du monde. Respiration d'enfance, partagée en lumière vive.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France / Africiné)

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