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On est là !
Ouvriers africains dans les documentaires français
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 14/05/2012
Michel Amarger (Africiné)
Michel Amarger (Africiné)
On est là !
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On est là !
Fodie, dans On est là !
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On est là !
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Moussa explique. On est là !
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On est là !
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Siaka, dans On est là !
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Vote. Scène de On est là !
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On est là !
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El Hassen, dans On est là !
El Hassen, dans On est là !

LM Documentaire de Luc Decaster, France, 2012
Sortie France : 16 mai 2012

Le monde du travail occupe les écrans français. En quelques mois, plusieurs documentaires traitent des bouleversements de l'industrie, liés aux progrès techniques et à la mondialisation, attirant l'attention sur le milieu des travailleurs. L'histoire des transformations industrielles en Savoie, est abordée du début du XIX ème siècle jusqu'à nos jours, par De mémoires d'ouvriers* de Gilles Perret, 2011. Il confronte images d'archives et témoignages pour retracer la solidarité des ouvriers, venus essentiellement d'Europe puis du Maghreb. Leur participation à l'essor de l'industrie est racontée jusqu'à son déclin, au profit des constructions touristiques. Cette orientation provoque la colère des protagonistes de Disparaissez les ouvriers !** de Christine Thépénier et Jean-François Priester, 2011. Révoltés par la fermeture subite de leur usine d'acides tartriques, dans la banlieue de Marseille, ils tentent d'occuper les locaux pour éviter la délocalisation du matériel. Entre-temps, ils nous font découvrir la dureté de leur travail, et la vétusté de l'usine que le patron a laissée se dégrader, faute d'investissements.
Le cinéma est le témoin d'un combat inégal, se concentrant sur l'occupation de l'usine sans en éclairer véritablement les enjeux. Le désir de capter les actions des ouvriers sans décoller de leur parole limite aussi la portée de On est là ! de Luc Decaster, 2012, qui accompagne la grève des employés français et africains d'une entreprise de nettoyage en banlieue parisienne. La démarche souligne la précarité constante des ouvriers. Heureusement qu'il y a d'autres perspectives pour envisager le travail comme le suggère Inventaire avant liquidation*** de Remy Ricordeau, 2012. En écoutant des employés d'origines diverses qui ont arrêté de travailler pour des patrons, au profit d'engagements pour des associations ou des collectifs, il révèle d'autres pratiques du monde social en France.



Ces films dus à des réalisateurs souvent issus du monde ouvrier comme Gilles Perret, parfois formés sur le tas comme Remy Ricordeau et Luc Decaster, valorisent la parole des ouvriers en proposant un regard militant, en général plus proche du reportage que d'un langage documentaire. C'est le cas de On est là ! de Luc Decaster qui a le mérite de souligner la présence des ouvriers africains au sein des entreprises françaises. Lorsque l'un d'eux est renvoyé, il décide de faire front avec l'aide d'un syndicaliste français qui l'engage à se mobiliser, entraînant des compatriotes sans papiers, licenciés arbitrairement avant lui. La caméra cadre leurs démarches, leurs discussions pour obtenir une régularisation d'emploi qui permettrait d'avoir des papiers de résidents.
La revendication pointe une pratique en vigueur dans des entreprises françaises qui emploient des travailleurs sans papiers pour pouvoir les licencier à leur guise, en économisant des charges sociales. Une manière de survivre dans un contexte de concurrence exacerbée que défend le patron. En bloquant l'entreprise de nettoyage par la grève, les employés africains se joignent au personnel français, déjà en procès contre les conditions de travail. Ils sont 29 à participer aux piquets de grève dont 26 travailleurs sans papiers, en provenance du Mali et de Mauritanie. Occupant les locaux, les ouvriers africains s'unissent pour exiger la régularisation de dix d'entre eux, licenciés, prêts à renoncer à l'argent dû en contrepartie des papiers.

Les discussions entre les ouvriers africains montrent les clivages de langues, de cultures, qui pourraient diviser. Les Mauritaniens parlent en Soninké tandis que les Maliens s'expriment plutôt en Khassonké. Parmi les grévistes, trois parlent les deux langues. Il faut alors se traduire, traduire en français pour que les points de vue s'échangent pendant les négociations. L'écoute commune, nécessaire, qui en résulte atténue les différences, favorisant la solidarité des Africains d'horizons différents. La caméra suit les palabres, plus habile à capter les dialogues qu'à cadrer posément les actions. On est là ! relève de la chronique d'une lutte pour les droits des sans papiers, plutôt que d'un spectacle prenant.
En s'appuyant sur une production modeste, des moyens légers, Luc Decaster dévoile pourtant la froideur du patronat d'aujourd'hui, devant rendre des comptes à des holdings lointains. Il s'était fait remarquer avec Rêves d'usine, 2003, par une même approche de la lutte d'employés d'une usine de matelas, délocalisée inexorablement. Ici le cinéaste souligne combien la lutte sociale est perméable au combat politique et identitaire des Africains, venus travailler en France. Employés à bon compte, sans papiers, ils doivent se battre pour qu'on négocie leur situation au cas par cas. La cohésion qu'ils manifestent dans On est là ! peut forcer l'attention et le respect.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France / Africiné)

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