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Les petits pas du Cameroun à Cannes
Présentation du projet "Shoot in Cameroon"
critique
rédigé par Stéphanie Dongmo
publié le 17/06/2012
Affiche Cannes 2012
Affiche Cannes 2012
Madame Ama Tutu Muna, Ministre des Arts et de la Culture, Cameroun
Madame Ama Tutu Muna, Ministre des Arts et de la Culture, Cameroun
Stéphanie Dongmo (Africiné)
Stéphanie Dongmo (Africiné)
Bassek ba Kobhio, délégué général du festival Écrans noirs
Bassek ba Kobhio, délégué général du festival Écrans noirs
Jean-Pierre Dikongué Pipa, réalisateur, 2012
Jean-Pierre Dikongué Pipa, réalisateur, 2012
FESMAN 2010
FESMAN 2010
Le réalisateur Jean-Marie Teno, au Innsbruck Film Festival 2012. photo: Jože Rehberger Ogrin
Le réalisateur Jean-Marie Teno, au Innsbruck Film Festival 2012. photo: Jože Rehberger Ogrin
Franck Bieleu, réalisateur de La Banane, censuré au Cameroun.
Franck Bieleu, réalisateur de La Banane, censuré au Cameroun.
Le réalisateur Jean-Pierre Bekolo Obama
Le réalisateur Jean-Pierre Bekolo Obama
Muna Moto
Muna Moto
Innsbruck 2012
Innsbruck 2012

La ministre camerounaise des Arts et de la Culture a organisé une rencontre de professionnels au Pavillon des cinémas du monde le 25 mai 2012, pour présenter le projet "Shoot in Cameroon" qui vise à inciter les producteurs étrangers à venir tourner leurs films dans un pays où il n'existe aucune salle de cinéma et où la censure durcit le ton.



Le séjour cannois de la délégation camerounaise a commencé par un couac. Initialement prévue le 23 mai à 18 heures, la rencontre des professionnels organisée par le ministère des Arts et de la Culture (Minac) du Cameroun a été annulée à la dernière minute, sans explication. Pourtant la ministre des Arts et de la Culture, Ama Tutu Muna, était arrivée à Cannes quelques heures plus tôt. La rencontre s'est finalement tenue sans bruit le 25 mai dans la salle de conférence du Pavillon des cinémas du monde.

Pour la seconde fois, le Cameroun est allé à Cannes présenter le projet "Shoot in Cameroon". Initié l'année dernière dans la précipitation, ce projet a pour but de vendre la destination Cameroun comme plateau de tournages, en mettant en avant ses paysages, ses sites touristiques et la diversité de sa culture ; des arguments qui lui ont donné la réputation d'Afrique en miniature.

D'après Manaouda Malachie, le secrétaire général du ministère des Arts et de la Culture, "le fait que des cinéastes étrangers viennent tourner au Cameroun aura des retombées pour tout le pays. Cela permettra aux jeunes d'avoir de l'emploi, d'apprendre les métiers du cinéma et aux hôtels d'être occupés".
Dans son discours, Madame Ama Tutu Muna a réaffirmé la volonté du gouvernement et du chef de l'État camerounais d'œuvrer pour la relance du cinéma.

Relance du cinéma

Depuis quelques années en effet, le discours officiel est celui de la relance du cinéma. Un vaste chantier qui comprend le projet "Shoot in Cameroon", l'ouverture d'au moins une salle de cinéma et l'appui aux projets cinématographiques. Pour cela, le ministère des Arts et de la Culture entend créer un fonds pour le développement du cinéma camerounais.
L'on se souvient qu'en 1973, le Cameroun avait déjà créé le Fonds de développement de l'industrie cinématographique (Fodic) pour soutenir les productions par un financement direct. Moribond et criblé de dette, le Fodic a finalement fermé ses portes à la fin des années 80.

C'est forts de cette expérience malheureuse que le secrétaire général du Minac, Manaouda Malachie, et le cinéaste Bassek ba Kobhio, délégué général du festival Écrans noirs qui est partenaire du projet, sont allés chercher des modèles. Ils se sont rendus au Cambodge, au Maroc, en Grande Bretagne et en Belgique du 16 au 30 mai 2012, pour des études préalables.
Ces dernières serviront à proposer au gouvernement la création d'une structure para-étatique qui devra remettre le cinéma camerounais sur les rails. Le Minac entend aussi acheter du matériel cinématographique qui sera à la disposition de ce fonds.

Financement des projets

Face à la pression d'un groupe de cinéastes, l'appui aux projets a été inclus dans cette volonté de réforme. Ces projets devront bénéficier du financement du volet culture du Contrat de désendettement et développement (C2D) qui s'élève à 524 millions Fcfa (800 000 euros). Mis en œuvre par l'Agence française de développement, le C2D constitue le principal volet bilatéral français d'allègement de la dette.
Selon des sources informées, ce fonds est bloqué depuis plus d'un an à la Banque des États de l'Afrique centrale (Béac). Le Cameroun et la France ayant eu - semble-t-il - des difficultés à s'entendre sur son affectation. Il aurait destiné initialement à financer une étude sur l'économie de la culture camerounaise.

En février dernier, l'Organisation camerounaise des professionnels du cinéma (Ocapac) - présidée par le réalisateur Jean-Pierre Dikongué-Pipa - a saisi cette occasion pour demander que cet argent soit destiné à financer des productions cinématographiques. L'association a pris l'initiative de créer une commission qui a sélectionné des projets de films à financer. Les projets auraient été déposés au Minac, avec ampliation à l'ambassade de France du Cameroun.
Dikongué-Pipa explique qu'aucune relance du cinéma ne peut être envisagée sans le financement des projets pour encourager la création.

Le Cameroun dispose pourtant d'un Compte d'affectation spécial dont le budget annuel s'élève à 1 milliard de Fcfa, destiné à financer des projets culturels. Depuis 2008 où la liste de ses bénéficiaires n'est plus publiée, c'est le flou absolu. Fin 2010, les journalistes a révélé que le Cameroun a contribué, à hauteur de 1 milliard de Francs CFA (environ 1,5 million d'euros), à l'organisation du Festival mondial des arts nègres (Fesman) au Sénégal.

Accueil mitigé

"C'est très intéressant d'inciter les étrangers à tourner au Cameroun. Mais il faudrait qu'avant de venir à Cannes, on pense à encourager déjà les cinéastes camerounais qui ont un mal fou à tourner dans leur pays, en faisant cesser les lenteurs administratives et la censure", affirme le documentariste Jean-Marie Teno.

Depuis l'interdiction du festival des films des droits de l'homme le 11 avril 2011 à Yaoundé, la censure a durci le ton au Cameroun. Plusieurs films (dont La Banane de Franck Bieleu) ont été interdits de projection.

En février 2012, le ministère des Arts et de la Culture a demandé aux centres culturels étrangers (Institut français, Institut Goethe, Centre culturel espagnol, Centre culturel italien) de soumettre désormais les films qu'ils diffusent à la Commission nationale de contrôle des films cinématographiques, prises de vues et enregistrements sonores, dite commission de censure, en vue de l'obtention d'un visa d'exploitation. Car, au Cameroun, l'activité cinématographique demeure soumise à un régime d'autorisation préalable.


Bande Annonce du film Les Saignantes

Un véritable scandale, d'après le cinéaste Jean-Pierre Bekolo : "Alors que l'État camerounais laisse aux pays étrangers la charge de s'occuper de la culture des Camerounais, il a le culot de les soumettre à la censure alors que ni la télévision, ni les bouquets proposés par les câblo-opérateurs, ni les vidéos vendues dans la rue ne le sont".
Depuis 2008, le Cameroun ne compte aucune salle de cinéma et le Centre culturel camerounais de Yaoundé a fermé ses portes. Les centres culturels étrangers sont donc devenus des lieux incontournables de diffusion du cinéma.

Ces entraves n'aident pas le cinéma camerounais à briller dans le monde. Rappelons que depuis Muna Moto de Dikongué-Pipa en 1976, aucun film camerounais n'a plus été distingué par l'Etalon d'or de Yennenga au festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco). Quant à Jean-Pierre Bekolo Obama, il a raflé l'Étalon d'argent ainsi que le Prix d'Interprétation Féminine ex-aequo décerné à ses deux actrices principales, Adèle Ado et Dorylia Calmel). avec Les Saignantes en 2007.



Au moment de publier cet article, le cinéaste Jean-Marie Teno est le dernier primé en date : son film Lieux Saints (Sacred Places) vient de lui valoir le Documentary Film Award au 21ème Festival International du Cinéma d'Innsbruck (du 5 au 10 juin 2012, Autriche). Il y analyse les difficultés de faire et faire voir des films en Afrique.

Stéphanie Dongmo

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