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Au Cameroun, on tue (aussi) les journalistes
Le critique de cinéma Jacques BESSALA MANGA est mort des suites d'une agression
critique
rédigé par Charles Ayetan
publié le 27/07/2012
Jacques Bessala Manga (1968 - 2012)
Jacques Bessala Manga (1968 - 2012)

Jacques BESSALA MANGA a succombé à une agression mortelle. Journaliste au quotidien Le Jour (Yaoundé), éditeur, il était critique de cinéma à Africiné (Dakar) dont il était Secrétaire général adjoint du Bureau.

Agression du journaliste camerounais Jacques Bessala Manga à Yaoundé

Le journaliste camerounais, Jacques Bessala Manga, a été victime d'une grave agression dans la nuit du 12 au 13 juillet dernier à Yaoundé au Cameroun. Il a été grièvement blessé à la tête par des individus non encore identifiés qui auraient commis leur forfait avec des machettes et des gourdins.
Selon des sources proches de la victime, Jacques Bessala Manga a été admis aux urgences de l'hôpital de la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS) à Yaoundé où il est hospitalisé depuis vendredi. C'est là où le mardi 17 juillet, il a subi trois interventions chirurgicales, notamment au niveau de la cage crânienne où plusieurs fractures ont été signalées.

Des nouvelles rassurantes... un moment

Les nouvelles étaient rassurantes puisque le processus vital n'était pas engagé (en termes plus nets : la vie de la victime n'était pas en danger). Néanmoins, le diagnostic médical faisait état d'une "profonde rupture de la boîte crânienne jusqu'à l'orbite de l'œil gauche, un traumatisme crânien sévère, une grave fracture de la mâchoire, de nombreux hématomes au visage et sur le corps ainsi que plusieurs dents cassées".

Le drame s'est produit au quartier Emana sur l'axe menant à la Présidence de la république au carrefour Etoudi, en venant de Mballa II, Carrefour régies et Bata nlongkak. Laissé pour mort, dans une mare de sang, dans la rue, par ses agresseurs, Jacques Bessala a été transporté d'urgence à l'hôpital par un brigade de policiers de l'Equipe Spéciale d'Intervention Rapide (ESIR) qui l'ont retrouvé inconscient.

Le syndicat national des journalistes employés du Cameroun par la voix de son Secrétaire Général, M. Denis Kwebo, a publié un communiqué le 16 juillet dernier pour s'insurger contre de telles agressions envers les journalistes. A Yaoundé, une solidarité confraternelle par les journalistes camerounais (à travers une quête en leur sein) s'est aussitôt organisée, au bénéfice du confrère et de sa famille qui font face ces derniers jours à d'énormes dépenses médicales.
Les membres de la Fédération Africaine de la Critique Cinématographique (FACC, dont le siège est au Sénégal), pour leur part, ont aussitôt massivement exprimé leur indignation face à cette grave agression et leur mobilisation autour de leur collègue et ami. Plus associations nationales de critique de cinéma ont manifesté leur solidarité et leur préoccupation.

Président de l'association camerounaise Cinepress jusqu'en juin 2012, Jacques Bessala Manga était membre du bureau actuel de la FACC. Il était éditeur de formation, diplômé de l'Ecole Supérieure des sciences et techniques de l'information et de la communication (ESSTIC) et des facultés de droit de l'Université de Yaoundé. Promoteur de la maison d'édition "Book'in", il collabore avec plusieurs publications dont le quotidien camerounais Le Jour et des sites Internet.

"Aujourd'hui vient le temps de la réaction : que justice soit rendue"

Le 26 juillet 2012, la douloureuse nouvelle parvient aux collègues et amis : Jacques n'a pas survécu à la lourde opération chirurgicale.
La victime venait de fêter ses 44 ans. En effet, Jacques BESSALA MANGA est né le 21 juin 1968 à Nkolofoumbi (Province du centre, Cameroun).
Il a noué des relations fortes au sein des critiques de cinéma, dans son pays et les manifestations internationales auxquelles il a participé telles le FESMAN en décembre 2010 à Dakar ou plus récemment le Festival Ecrans Noirs de Yaoundé.
Sur le forum électronique qui réunit les 282 membres d'Africiné répartis sur 29 pays du continent, les voeux de rétablissement qui affluaient se sont tristement changés en témoignages d'affliction et de colère.

Baba Diop, résume son sentiment et celui de bien des membres de la Fédération Africaine de la Critique Cinématographique (FACC) dont il est le Président : "Il faut un temps pour tout. Après l'annonce de la disparition de Jacques Bessala, ce fut le temps de la compassion pour témoigner de notre affliction. Aujourd'hui vient le temps de la réaction".
Il poursuit : "En ma qualité de président de la Facc et au nom de tout le bureau, je suis d'accord [avec ceux des collègues qui ont réclamé une réaction : Nasser, Michel] pour dire que nous devons faire la pression sur les autorités camerounaises pour que lumière soit faite autour du meurtre de Jaques Bessala et que justice soit rendue".
Le Président Baba Diop propose une lettre adressée au ministre de l'intérieur du Cameroun pour condamner fermement cette agression et exiger une protection des journalistes.

Le mobile de cet acte criminel ?

Jusqu'à ce jour, les agresseurs qui ont commis cet acte criminel ne sont pas encore identifiés et les mobiles réels de l'agression ignoble pas officiellement établis. Une source policière proche de l'enquête évoque une vengeance, donc une agression préméditée.

Des collègues signalent que notre collègue agressé avait publié le 4 avril 2012 pour le quotidien camerounais Le Jour, un article intitulé "Un officier du Gmi abattu à son domicile". Jacques Bessala Manga parlait de Luc Holong, officier de police de deuxième grade, qui a succombé à ses blessures après l'agression ciblée dont il a été l'objet à son domicile sis au quartier Nlongkak à Yaoundé. C'est bien non loin de ce même quartier que le corps de notre collègue avait été retrouvé au petit matin du 13 juillet dernier après son agression.

Dans UNE AFFAIRE DE NEGRES (2009), la réalisatrice camerounaise Osvalde Lewatt avait révélé à la face du monde l'extrême violence qui enflammait les rues de Douala (la capitale économique de ce pays d'Afrique Centrale). L'ancienne journaliste analysait dans son documentaire la brutalité aveugle avec laquelle les autorités politico-militaires essayaient d'enrayer les agressions criminelles.

Par la voix de sa Présidente Pélagie Ng'onana (qui a remplacé Jacques Bessala Manga à ce poste), l'Association camerounaise des critiques de cinéma estime comprendre que "face au choc et à la douleur des uns et des autres, les journalistes surtout, penchent pour un assassinat de plus d'un de leurs confrères. Mais Cinepress appelle plutôt à la lucidité et fait remarquer que le mobile de l'agression de Jacques peut aussi bien avoir une origine qui n'est pas liée à sa profession" Dans son message du 30 juillet qui accompagne le communiqué de presse transmis sur le forum électronique interne d'Africiné, Pélagie Ng'onana ajoute : ."Il est bien sûr clair que quelque soit l'origine, nous dénonçons tous cet acte crapuleux et lâche.
Seulement, ne tirons pas des conclusions hâtives qui peuvent être bien loin de la vérité."

Ce décès survenu le jeudi 26 juillet 2012 à 17h30 à l'hôpital de la Caisse nationale de prévoyance sociale, à Yaoundé, souligne la fragilité du fil ténu de la vie, pas uniquement des journalistes (qui s'exposent à toute sortes de dangers dans l'exercice de leur métier).
C'est aussi en quelques mois, la seconde disparition qui frappe la critique africaine après le décès du regretté Fortuné Bationo (Côte d'Ivoire), emporté par un cancer à 40 ans.

Charles Ayetan

Une première version de cet article a été publié (à l'annonce de l'agression. A lire ici : www.charlesayetan.wordpress.com/2012/07/18/agression-du-journaliste-camerounais-jacques-bessala-manga-a-yaounde/

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