AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
24 936 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Après la bataille
La combativité du cinéma égyptien
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 19/09/2012
Michel Amarger (Africiné)
Michel Amarger (Africiné)
Bassem Samra dans Après la bataille de Yousry Nasrallah
Bassem Samra dans Après la bataille de Yousry Nasrallah
Scène du film
Scène du film
Yousry NASRALLAH, réalisateur
Yousry NASRALLAH, réalisateur

Les feux du cinéma de l'Egypte, illustrés notamment par la présence des films de Salah Abou Seif ou Youssef Chahine au Festival de Cannes, sont relayés avec panache par le travail de Yousri Nasrallah. Révélé par Vols d'été (Sarikat Sayfeya) , 1987, à la Quinzaine des Réalisateurs, il est plébiscité avec La Porte du soleil, 2004, en sélection officielle, et promu en compétition avec Après la bataille (Baad el mawkeaa), 2012. Là, il bouscule encore les codes du cinéma égyptien en s'engouffrant dans le vent du changement qui secoue le pays depuis 2011. La "marche d'un million" qui rassemble une vague imposante de manifestants de tous bords, le 1 février, sur la place Tahrir, marque les esprits. Mais le lendemain, la "bataille des chameaux" livre un souffle réactionnaire. Ce jour-là, les chameliers des pyramides et des cavaliers chargent la foule, au grand dam des manifestants remontés.

Ces scènes, jetées sur Youtube, désignent les chameliers de Nazlet El-Samman comme les représentants de la contre-révolution. Leur pauvreté les pousse à vendre les bêtes aux abattoirs. L'intervention sur la place Tahrir est vécue comme un geste de désespoir réactionnaire. Yousri Nasrallah, persuadé que ces attaquants sont armés, se laisse convaincre du contraire par son acteur ami, Bassem Samra, qui habite leur quartier. Et il visionne les images pour vérifier qu'ils n'ont pas d'armes, découvrant alors que derrière les vues médiatisées, se cache une autre réalité : l'intervention de gens instruits et armés pour faire porter à des gens du peuple, l'aspiration à la contre-révolution. Interpellé par cette manipulation, le réalisateur suspend le tournage d'une fiction, déjà prête et financée, pour engager Après la bataille, à partir d'une trame de quelques pages, proposée aux comédiens impliqués dans l'aventure.


Festival de Cannes: "Baad El Mawkeaa" (Après la... par 20Minutes


Le film débute par une réunion de femmes qui débattent des violences qu'elles vivent. Puis il s'attache à la situation de Mahmoud, un des chameliers manipulés par le régime pour charger les manifestants. Son action sur la place Tahrir lui vaut d'être battu, humilié, et mis à l'index du quartier. La perte de son travail menace l'équilibre de la famille et Fatma, son épouse, se bat pour assurer le quotidien de leurs enfants. Cet homme à la dérive, retrouve un second souffle au contact de Reem. C'est une jeune publiciste évoluée, divorcée, qui vient des quartiers chics. Elle a pris fait et cause pour la révolution, vivant le brassage de la place Tahrir où se côtoient riches et pauvres, chrétiens et musulmans, comme une expérience intense dont elle garde la nostalgie. Ce mouvement la conduit à vouloir abolir les classes sociales, et à découvrir les milieux populaires. Sa rencontre avec Mahmoud ébranle leurs destins.

Le chamelier désavoué cherche à regagner sa dignité, à solidifier sa famille. La compréhension de son épouse est un soutien puissant. De son côté, la jeune bourgeoise cherche surtout à se situer dans une société en changement, envisageant de retrouver son ex-mari après sa relation avec Mahmoud. Ainsi, teinté d'amertume sur la portée des évolutions en cours dans le mouvement de la révolution, Après la bataille questionne avec pugnacité la capacité de changement dans la population, et le pouvoir des forces armées. Les personnages dépassent les stéréotypes avec une énergie renforcée par l'implication des acteurs.



Yousri Nasrallah mêle dans son récit, des vues prises pendant les manifestations, des scènes de fiction, des images captées à la télévision, sur internet. Il aligne ostensiblement les formats, du 35mm au numérique et à la HD. La caméra recadre ouvertement, suivant le rythme des discussions, poussant le spectateur au cœur d'images entrechoquées. Avec ce film tourné sans permis de police, librement, se compose une histoire sensible, parfois rugueuse, sur le fil des événements qui se précipitent. Yousri Nasrallah écrit ses scènes au jour le jour, en collaboration avec les habitants du quartier, pour saisir la fièvre qui agite la société. Cette expérience de cinéma, ancrée dans l'histoire en marche, fonctionne sur l'adaptation, l'improvisation mais aussi l'inspiration du réalisateur pour élargir l'horizon du cinéma égyptien

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

Films liés
Artistes liés
Structures liées
événements liés