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L'Opéra du bout du monde
Notes d'histoire dans l'Océan Indien
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 24/11/2012
Michel Amarger (Africiné)
Michel Amarger (Africiné)
Marie-Clémence & Cesar PAES, co-réalisateurs.
Marie-Clémence & Cesar PAES, co-réalisateurs.

LM Documentaire de Marie-Clémence et Cesar Paes, France / Madagascar, 2012
Sortie France : 28 novembre 2012

Il parvient encore peu de nouvelles du monde malgache sur les écrans, malgré l'élaboration d'images et de courts-métrages qui se développent sur l'île. Comme les longs-métrages locaux sont rares, c'est une production franco-malgache, orchestrée par le couple Marie-Clémence et Cesar Paes, qui braque les projecteurs sur Madagascar. La réalisatrice franco-malgache s'est associée depuis plusieurs années avec le cinéaste du Brésil, naturalisé français, pour constituer une production de documentaires nomades, attachés aux cultures orales. Le couple explore en parallèle, les réalités du Brésil, de Aux guerriers du silence, 1992, à Saudade do futuro, 2000, et les évolutions malgaches, de Angano… angano… Nouvelles de Madagascar, 1989, à Mahaleo, 2005, portrait du groupe musical plébiscité par 30 ans de carrière.

Aujourd'hui, la filiation de Madagascar avec La Réunion est soulignée par L'Opéra du bout du monde, 2012. Le film aborde les répétitions et les premières représentations d'un opéra - dont le long-métrage tire son titre - écrit et mis en scène par Emmanuel Genvrin, composé par le Réunionnais Jean-Luc Trulès. Le livret évoque le départ de deux Français et dix Malgaches, dont trois femmes, pour l'île Bourbon, à l'époque de Louis XIV. À partir de cette expédition, le peuplement de cette terre qui deviendra La Réunion, en 1793, se fait en croisant les invasions européennes successives et les déplacements des esclaves.


L'OPERA DU BOUT DU MONDE bande-annonce par laterit

L'argument de cette histoire, traitée sous forme d'opéra, est porté par une troupe ultramarine que le film permet de distinguer. On accompagne les préparatifs du projet : jouer à Fort-Dauphin, au Camp Flacourt, où les officiers de la Compagnie des Indes ont rencontré des Malgaches pour la première fois. En mêlant les impressions des musiciens et des solistes avec des témoignages locaux, le documentaire alterne le suivi de la mise en place de l'opéra avec le réveil de la mémoire de cette zone de l'Océan Indien.

L'Opéra du bout du monde retrace l'histoire officielle, énoncée par un officier du Musée du Camp Flacourt, la vision de l'héritier d'un engagé de la Compagnie des Indes, devenu hommes d'affaires, avec la version malgache des événements, contée par un descendant du prince Antanosy Dian Ramaka, revue par une vieille marchande de zébus franco-malgache. Leurs visions éclairent différemment les conquêtes arabes du sud de Madagascar, au Vème siècle, l'installation des Portugais dans les îles Mascareignes, au XVIème siècle, suivie par leur éviction et l'arrivée des Français au XVIIème siècle, avant l'embarquement vers l'île Bourbon qui est contée par L'Opéra du bout du monde, comme un prélude à l'établissement de La Réunion.

En soulignant les unions de communautés et les métissages qui peuplent les deux îles, le film permet de resituer précisément le rôle de chaque partie prenante, tout en tissant des liens entre les Malgaches, les Réunionnais et les Français qui soutiennent le projet de l'opéra. Les paysages verdoyants et humides de La Réunion et du sud de Madagascar apportent une aération visuelle aux vicissitudes de la colonisation et de la traite, subies sur ces terres.

Ce qui est donné à voir compose ainsi un voyage entre les époques, les lieux et les témoins pour revisiter l'histoire par une œuvre d'art à partager. Appuyé par des plans soigneusement cadrés, des entretiens posés et attentifs avec les protagonistes, le film est aussi pénétré par la grâce de l'opéra. En suivant sa gestation dans les îles jusqu'à la représentation à Fort-Dauphin, le documentaire est sensible aux souffles océaniens. Il devient plus froid et fermé dans l'épilogue en métropole où l‘opéra est représenté. Malgré cette partie un peu superflue, peut-être justifiée par la coproduction française, les envolées de L'opéra du bout du monde actualisent et rafraichissent les notes graves de l'Histoire.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

Distribution : Latérit Production

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