AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
24 002 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Hommage au cinéaste Paulin Soumanou Vieyra
Un réalisateur visionnaire et panafricain
critique
rédigé par Fatou Kiné Sène
publié le 06/12/2012
Paulin Soumanou Vieyra (1925-1987)
Paulin Soumanou Vieyra (1925-1987)
Fatou Kiné Sène (Africiné)
Fatou Kiné Sène (Africiné)
Les deux fils Vieyra, en bazin. Stéphane (en blanc) et Jacques (en vert)
Les deux fils Vieyra, en bazin. Stéphane (en blanc) et Jacques (en vert)
Stéphane Vieyra (en blanc) et Jacques (en vert)
Stéphane Vieyra (en blanc) et Jacques (en vert)
Stéphane et Jacques Vieyra, avec une responsable
Stéphane et Jacques Vieyra, avec une responsable
Décorations de Paulin S. Vieyra
Décorations de Paulin S. Vieyra
Paulin S. Vieyra
Paulin S. Vieyra
Paulin Vieyra
Paulin Vieyra

Décédé il y a 25 ans, le cinéaste, historien du cinéma et critique, Paulin Soumanou Vieyra a été honoré durant quatre jours à Dakar (du 27 au 30 novembre dernier). La projection d'une partie de ses films et l'exposition de son parcours, renseignent sur ce pionnier du 7e art africain.

On aurait dit que le défunt cinéaste, Paulin Soumanou Vieyra, vit toujours avec nous en regardant ses films réalisés depuis 1955. Tellement les sujets traités dans ses courts métrages projetés le vendredi 30 novembre 2012 à la Maison de la culture Douta Seck sont plus que d'actualité.

Afrique sur Seine co-réalisé en 1955 avec Mamadou Sarr (scénario) relate du quotidien des Noirs, des Sénégalais en particulier et d'Africains en général. La diaspora reste aujourd'hui encore une préoccupation de cette Afrique post indépendance. Dans le film, ils sont étudiants, artistes pour la plupart, vivant à Paris, friands et nostalgiques de leur culture. On les montre dans des endroits qu'ils fréquentent souvent : rencontre au quartier latin, soirées dansantes, discussion autour des mets africains, etc.
D'une durée de 21 minutes, ce film en noir et blanc pose les interrogations de ces étudiants sur leur identité, leur civilisation, leur culture et leur avenir. La voix off se demande si l'Afrique est-elle seulement en Afrique ou au bord de la Seine ? Avec cette fiction, Paulin Vieyra se distingue déjà comme un cinéaste engagé, car il refuse de couper un plan jugé subversif mettant en parallèle le cadre de travail de l'étudiant noir, sa situation sociale et le quotidien de Français.

Dans son documentaire Lamb (1963), Paulin Soumanou Vieyra revient sur ce sport national du Sénégal qu'est la lutte (rappelant la lutte gréco-romaine). L'engouement que suscite aujourd'hui cette pratique n'est donc pas si nouveau. Car dans les années 60, la lutte était l'activité principale des Sénégalais. Le jour de Lamb (littéralement "lutte", en langue wolove) était une fête avec les préparations techniques des lutteurs à la plage, quelques enseignements sur la lutte, l'ambiance de l'arène, les paris des spectateurs et la joie des vainqueurs. Les organisateurs actuels gagneraient à voir un tel film, pour revoir la bonne marche de ce sport devenu extrêmement violent et pollué par les enjeux d'argent.

Mais le film Môl ("Les Pêcheurs", en wolof) est le plus visionnaire de ceux projetés vendredi à Douta Seck. Réalisé en 1966, ce docu-fiction montrait déjà les difficultés de la pêche, la raréfaction des poissons à cause des grands chalutiers et surtout les faibles moyens des pêcheurs sénégalais.
Un jeune pêcheur de Kayar conscient qu'il ne peut pas vivre de son travail avec une pirogue sans moteur décide de se mettre à l'heure de la modernité. Les réalités africaines sont prises en compte, car avant de prendre sa décision, il demande la permission aux génies et à son oncle maternel de Saint-Louis. Un geste bien africain que l'on a tendance à perdre de nos jours.

Ces trois films projetés à cette clôture de l'hommage à Paulin Soumanou Vieyra montrent déjà la voie qu'avait prise ce pionnier du cinéma africain. L'exposition sur "La vie et l'œuvre" du premier cinéaste subsaharien en dit long sur son art.

Il prône un cinéma au service du peuple

Un tour à la Bibliothèque universitaire de Dakar (appelé "Bu de l'UCAD*") renseigne sur son parcours. Les diplômes du cinéaste, historien du cinéma et critique sont étalés dans une vitrine. Il y a là, son Diplôme d'instituteur (décroché en décembre 1938), son Ordre du Mérite du Sénégal (obtenu en septembre 1962). Il a été fait Chevalier de l'Ordre du Mérite à Madagascar le 27 juin 1961, entre autres décorations et récompenses. Sur d'autres vitrines, ses seize médailles, ses cartes de presse au Soleil, au festival de Cannes, y sont déposées.

Paulin Soumanou Vieyra a été directeur des Actualités sénégalaises de 1960 à 1975, puis directeur des programmes à la télévision sénégalaise née en 1975. Il a réalisé une trentaine de films et a été directeur de production pour certains films de Sembène (Mandabi / Le mandat, 1968), Emitaï (1971), Xala (1974) et Ceddo (1976) et aussi dans le film Kodou (1971) de Ababacar Samb.
Sa biographie est astucieusement mise en espace : Paulin Soumanou Vieyra (1925-1987) était marié à une bibliothécaire, romancière et poétesse guadeloupéenne, Myriam Warner Vieyra. La veuve vit actuellement en France avec ses enfants.

Le cinéaste Vieyra tenait beaucoup à un cinéma fait dans les langues africaines. Pour lui, les réalisateurs africains doivent faire des films en direction de l'Afrique et pour les Africains et non en fonction de l'Europe, parce que ils ont un patrimoine à montrer. "Le cinéma au service du peuple. La responsabilité des cinéastes dans la fonction d'une conscience panafricaine", disait-il. Les témoignages écrits de Annette Mbaye d'Erneville, des réalisateurs Momar Thiam et Ousmane Sembène complètent les autres panneaux de cette exposition qui se poursuit jusqu'au 15 décembre.

L'hommage au cinéaste, Paulin Soumanou Vieyra, disparu il y a 25 ans a été initié par un comité qui regroupe ses enfants (Jacques et Stéphane Vieyra), la Direction de la cinématographie du Sénégal, la bibliothèque universitaire de Dakar, l'Association sénégalaise de la critique cinématographique (ASCC), avec comme invitée la Direction de la cinématographie du Bénin. Car Paulin Soumanou Vieyra est Béninois d'origine (il est né à Porto-Novo) et Sénégalais d'adoption. L'hommage a duré quatre jours (du mardi 27 au 30 novembre dernier) et a permis d'honorer la mémoire d'un pionnier du 7e art africain.

Fatou Kiné SÈNE
(Walfadjiri)

Films liés
Artistes liés
Structures liées
événements liés