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La Source des femmes, de Radu Mihaileanu
La grève de l'amour
critique
rédigé par Amina Barakat
publié le 13/12/2012
Amina Barakat (Africiné)
Amina Barakat (Africiné)
Radu Mihaileanu, cinéaste roumain
Radu Mihaileanu, cinéaste roumain
Scène du film
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Scène du film
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Scène du film, avec Hafsia Herzi (Loubna)
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Scène du film
Scène du film
Scène du film avec Hiam Abbas (Fatima, mère de Sami, le mari de Leïla)
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Scène du film, avec Biyouna (Vieux Fusil), Sabrina Ouazani (Rachida)
Scène du film, avec Biyouna (Vieux Fusil), Sabrina Ouazani (Rachida)
Scène du film, avec Leila Bekhti (Leïla)
Scène du film, avec Leila Bekhti (Leïla)
Scène du film, Leïla (Leila Bekhti) et son mari Sami (Saleh Bakri)
Scène du film, Leïla (Leila Bekhti) et son mari Sami (Saleh Bakri)
Scène du film
Scène du film
Radu Mihaileanu, le réalisateur du film La Source des femmes
Radu Mihaileanu, le réalisateur du film La Source des femmes

L'histoire de ce film coup de cœur, La Source des femmes, se passe partout et nulle part, elle met l'accent sur la condition de la femme. Le réalisateur roumain Radu Mihaileanu a très bien rendu avec sa caméra les rapports de genre. Il raconte le déroulement des faits avec amour, comme l'aurait pu faire n'importe quelle réalisatrice qui tient à défendre la condition de la femme.
Ce film nous laisse imaginer un printemps arabe au féminin, mais pas spécialement maghrébin, comme peut le croire le spectateur non averti. La brochette d'acteurs et actrices est triée sur le volet, pour camper les personnages de cette histoire.



Parmi la pléiade de stars, la gracieuse Leila Bakhti (qui incarne l'héroïne). Cette Franco Marocaine est vraiment la cerise sur le gâteau, par sa fraicheur et sa spontanéité, en plus de sa beauté sans masque ni maquillage. Dans le rôle de Loubna ou Esméralda, c'est la Franco Tunisienne Hafsia Herzi, star montante. Et enfin Biyouna, la grande dame du cinéma algérien, se révèle un très bon choix du réalisateur. Elle est merveilleusement placée pour inciter les jeunes femmes à se révolter, en faisant la grève de l'amour.
Cette idée géniale qui touche à la virilité de ces messieurs, afin de les provoquer et les faire bouger de leur trône, ne serait ce que pour les aider à aller puiser de l'eau à la source. La corvée d'eau est principalement à l'origine de l'épuisement de ces villageoises, condamnées à servir leurs machos de maris.

L'histoire se passe dans un lieu imaginaire qui pourrait être au Nord de l'Afrique, comme dans un autre pays arabe ou même en Turquie ; des endroits où la condition de la femme se ressemble, bien qu'elle soit différente d'un pays à l'autre. Le point fort du film est l'idée de la grève de l'amour par les femmes. Le réalisateur part d'une histoire vraie qui remonte à 1968, lors de la révolte des ouvrières de Royaume Uni. Elle est évoquée par le réalisateur britannique Nigel Cole dans son long métrage We want sex equality (Made in Dagenham), film sorti en salles, en 2010 (2011 en France). Une histoire de femmes qui luttent pour avoir un salaire égal à celui de leurs collègues hommes.
Le mouvement de révolte, qui avait fait grand bruit un peu partout dans le monde, a donc inspiré plus d'un réalisateur, dont Radu Mihaileanu qui a su mettre l'accent sur l'état d'âme innocente, de son héroïne.

Leila a le privilège de jouir de l'amour ainsi que du respect de son jeune et beau mari (Sami). Ce dernier fait exception dans le village, par son refus du machisme. Le rôle est campé par l'acteur palestinien Salah Bakri, qui n'est autre que le frère cadet du grand acteur Mohamed Bakri révélé par son rôle dans le film Hanna Kauffman.
Leila ne profite pas pleinement de l'amour de son conjoint, puisque sa belle mère, Fatima - jouée par l'actrice Franco-Palestinienne Hiam Abbas - ne cesse de lui faire des misères, car la belle et fraîche bru lui a pris son fils. Elle s'agace que son mari (interprété par Mohamed Majd, acteur marocain), ait lui aussi beaucoup de respect et d'amitié pour Leila. Elle lui en veut aussi parce qu'elle n'a pas eu d'enfant. Dans une société arabe, c'est toujours un problème qui représente un handicap pour la femme stérile.

Mais, forte comme elle est, épaulée par son mari, Leila ne supporte pas l'injustice que subissent les autres femmes du village, traitées comme des esclaves, travaillant très dur. Leur seul refuge et point de rencontre est la source d'eau, où elles se racontent leurs déboires et leur vie de misère. C'est un lieu aussi où plusieurs d'entre elles sont tombées avec les tas de bois endossés, provoquant l'interruption de la grossesse pour certaines. Cela se passe alors que ces chers messieurs prennent le plaisir de siroter du thé ou du café sur l'unique terrasse du patelin, sans se soucier de l'état de santé de leurs femmes. Par contre, ce qui les dérange le plus, c'est le mouvement des femmes qui osent dire non à cette situation. Ils le vivent une atteinte à leur ego.

Le réalisateur a très bien conjugué le paysage aux personnages. Il a réussi à ressortir la colère sur les visages des hommes envahis par la haine. Il a su traduire merveilleusement le côté félin des femmes, surtout Leila parachutée dans ce bled si isolé ainsi que le vieux fusil (Biyouna), leader de ce mouvement revendicatif.
Le personnage de Biyouna est exactement pareil à l'ouvrière britannique qui a créé l'événement en déclenchant la grève contre la société Ford, pour arracher le droit à un salaire égal. Le débat sur ce point là est un fait réel et existe toujours, surtout dans les coins les plus reculés du monde où les droits de la femme ne sont toujours respectés.

Sauf que nos mignonnes rebelles bougent et ne se laissent plus se faire marcher sur les pieds. Elles décident de lever le tabou et relever le défi contre ceux, qui veulent faire d'elles de simples objets de procréation, quitte à faire la grève de l'amour.Une arme dure pour faire avaler la métamorphose du sexe faible face aux hommes "forts". Ces derniers font de leur statut de mari un pouvoir, obligeant leur épouse à se mettre au lit, même si elles sont fatiguées ou sans désir ni plaisir de le faire ; un acte qui ressemble au viol, le pire des agressions qui puissent arriver à une femme.

La méthode utilisée par Radu Mihaileanu pour découvrir la face cachée des hommes est intelligente. Faire la grève comme moyen pour tordre le bras aux décideurs, a déjà fait ses preuves, lors de la descente des confectionneuses dans les rues de New York le 8 Mars en 1857 pour réclamer la journée de 10 heures, puis vint la rébellion des femmes russes en 1917 dans les rues de Petersbourg.

La Source des femmes se joue de la révolution technologique, avec l'irruption des téléphones portables jusque dans les villages les plus reculés. Ce qui change pas fondamentalement plus la difficulté de communication entre les individus. Ainsi, adossée à son âne, Biyouna parle avec son fils, le gifle, puis refuse son argent qu'il lui envoie pour qu'elle porte le voile, ce qu'elle décline avec force, bien qu'elle soit dans le besoin.

Ce réalisateur engagé n'a pas oublié de montrer que ces bonnes femmes vivent aussi des histoires d'amour virtuellement et par procuration : en regardant les séries télévisées mexicaines ou turques. Cette frustration pousse Loubna (Hafsia Herzi), encore jeune, à se prendre en charge.
Loubna se donne le droit de choisir son bien aimé, l'épouser sans demander l'autorisation patriarcale. Le film dans son ensemble fait passer des messages par des faits liés les uns aux autres, d'une manière qui ne laisse pas le spectateur insensible à la cause féminine.

par Amina Barakat
Rabat / pour Africiné

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