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Le sac de farine, de Kadija Leclere
La parole muselée emprunte les chemins de traverse.
critique
rédigé par Sunjata Koly
publié le 18/02/2013
Soumaïla Sunjata Koly (Africiné)
Soumaïla Sunjata Koly (Africiné)
Khadija Leclère, réalisatrice
Khadija Leclère, réalisatrice
Rania Mellouli, dans Le Sac de farine
Rania Mellouli, dans Le Sac de farine
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Hiam Abass, actrice (et réalisatrice)
Hiam Abass, actrice (et réalisatrice)
Hafsia Herzi, actrice
Hafsia Herzi, actrice

Premier long-métrage de la Belgo-Marocaine Kadija Leclere, Le sac de farine aborde les thèmes de la multiculturalité, du déracinement et de l'arrachement, des enjeux chers à la réalisatrice qui a puisé dans son vécu l'argument du film.



Fin des années 70, jeune marocaine de 10 ans placée dans un foyer d'accueil catholique en Belgique, Sarah est enlevée par son père et sa marâtre afin d'être élevée dans un village du Maroc. La petite fille doit réapprendre les codes de vie de sa culture originelle, dans un monde où la seule scolarité qui lui est proposée est celle du tricot. Pour ce cahier d'un retour au pays natal du père, Kadija Leclere, comédienne et directrice de casting s'est appuyée sur une distribution de haut vol. Dans le rôle du père, Smaïn fait là son retour au grand écran après Le Schpountz de Gérard Oury.
Dans un rôle principal taillé sur mesure, Hafsia Herzi retrouve le jeu frondeur de la Graine et le Mulet d'Abdelatif Kéchiche. L'icône palestinienne Hiam Abbas (Satin rouge de Raja Amari, Munich de Steven Spielberg, The visitor de Thomas Maccarthy) lui donne la réplique dans le personnage de la "tantie du bled". Hiam Abass a dirigé Hafsia Herzi dans Héritage, son premier long-métrage en tant que réalisatrice. Le visage poupin de Rania Mellouli, grande révélation du film, illumine le personnage de Sarah à 10 ans. Pour son premier rôle au cinéma, elle incarne à la perfection l'imagerie soie et dentelle du royaume de l'enfance.

Face à une société patriarcale articulée autour du mariage arrangé, Sarah se mutine, déploie des trésors d'ingéniosité, des monceaux d'astuces, de stratégies de contournement pour gagner son autonomie, retrouver la liberté et exfiltrer sa mère emmurée dans la folie. Sur les murs bruns de poussière, se profile l'ombre d'un monde de femmes, où se filent au fil des jours qui se suivent et se ressemblent, des chimères chatoyantes pour tromper l'ordre d'un monde immuable. Khadija Leclère instille de la légèreté dans la dureté des contreforts de l'Atlas. Des connivences de femmes en devenir, un trio cabotin dans lequel Hafsia Herzi fait figure d'exception. Le sac de farine est le symbole de son désir d'indépendance économique face au trop-plein de bouches à nourrir.
Les intrusions sporadiques et brutales du vert olive des uniformes de la répression, la traque des activistes empreint de liberté, introduisent dans cet univers claustral, la figure du héros romantique portée par Mehdi Dehbi (Le soleil assassiné d'Abdelkrim Bahloul, Le fils de l'autre de Lorraine Lévy, L'infiltré de Giacomo Battiato). Âme sœur de l'héroïne, dans l'impossibilité d'un amour par temps de disette, ce militant de la liberté et Sarah se découvrent des affinités, des désirs communs d'émancipation. La clandestinité est un devoir-être face au tout répressif. De la dissidence des tracts, sous couvert d'anonymat au course-poursuite dans le dédale de ruelles désertes, Le sac de farine nous immerge dans un labyrinthe de non-dits où la parole muselée emprunte les chemins de traverse.
Tourné durant le printemps arabe, la répression qui toile l'arrière plan du film prend une autre dimension en résonance avec les qasidas, chants religieux qui accompagnent un enfant martyr vers son ultime demeure. La peur, la faim, l'amour, la vie cohabitent dans Le sac de farine avec le mariage comme panacée universelle.

L'amère quête de la figure de la mère, la fuite vers un ailleurs meilleur, la complexité d'être d'ici et d'ailleurs sont les lignes de force du scénario écrit par la réalisatrice et Pierre Olivier Mornas, en collaboration avec Philippe Blasband. Ce film de facture classique interprété par des comédiens dont l'intime filtre avec la quête identitaire, a le mérite de rendre accessible la complexité d'une culture trop largement méconnue.

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