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Trapped, de Mansan Gomont, Côte d'Ivoire
Le piège de la déformation professionnelle
critique
rédigé par Narjès Torchani
publié le 07/03/2013
Narjès Torchani (Africiné)
Narjès Torchani (Africiné)
Mansan Gomont, réalisatrice
Mansan Gomont, réalisatrice
Depuis le Sud
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Tunisie
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Fespaco
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Est-il possible de réussir un film de genre dans le contexte cinématographique africain ? La réalisatrice ivoirienne Mansan Gomont est passée par une carrière dans la télé-réalité et la publicité avant de réaliser Trapped, court-métrage en compétition.
Dans ce film, elle a choisi de raconter comment "Sam, un scénariste professionnel est piégé par son propre esprit". Ce personnage vit entre les rêves et les fictions. Son sommeil comme son éveil sont habités par son acharnement pour finaliser un scénario avec lequel il a du mal.

Mansan Gomont place donc ce personnage entre trois dimensions : les rêves, "les rêveries" et la réalité. Dans la première dimension, il trouve une source intarissable pour raconter des histoires mais ne se rappelle de rien au réveil. C'est là où résident la deuxième et la troisième dimensions. Sam est retiré de la réalité, totalement pris par son délire scénaristique. Quand sa femme lui parle, il ne capte que ce qui peut le renvoyer à des éléments de ses rêves et l'aider à écrire. On retrouve d'ailleurs le personnage de sa femme dans différentes situations qu'il imagine et espère transposer sur le papier.
Ce va-et-vient entre réalité et fiction d'un côté, rêve et réalité de l'autre va finir par le perdre. Sam est en effet "trapped" (piégé) quand son envie d'écrire devient une obsession. Il en arrive à ne plus distinguer entre ce qui est réel et ce qui ne l'est pas. Et le pire s'en suit.

À son tour, Mansan Gomont est, dans ce premier court-métrage qu'elle réalise, piégée par sa carrière à la télévision. La déformation professionnelle est évidente, depuis l'image jusqu'au sur-jeu des acteurs. De plus, le cadre dans lequel la réalisatrice place son histoire rappelle des codes télévisuels venus d'ailleurs, où la parole et l'exposition prennent le dessus sur la composition. Pourtant, elle puise l'idée de son film dans l'univers cinématographique, domaine de ses études effectuées à New York.

C'est un film dont le personnage principal est un scénariste, métier quasi-absent du contexte social et cinématographique africain. On peut y voir de l'audace, une recherche d'originalité et une tentative de rompre avec ce contexte parfois réducteur, à condition que l'histoire soit bien ficelée et bien filmée.
Dans ce sens, on peut percevoir dans Trapped une volonté de coller à la structure de quelques fictions hollywoodiennes du genre, le film est d'ailleurs en anglais, mais le montage de certaines séquences, en particulier les scènes d'action, ne donne pas l'effet escompté, à cause d'un rythme trop rapide ou trop lent.

Côté forme, Trapped semble un cas symptomatique du dilemme d'une génération de jeunes cinéastes africains, ouverts au monde grâce au petit écran, et qui se retrouvent à faire du cinéma avec des références et un background télévisuels. Cela engendre une sorte de mimétisme dont souffrent leurs œuvres.
Dans le même temps, et en ce qui concerne Trapped, il n'est pas à isoler de la nouvelle mouvance des fictions populaires en vogue en Côte d'Ivoire. Mansan Gomont pourrait y trouver sa place dans le futur, grâce à une meilleure maîtrise de l'écriture scénaristique et de la réalisation cinématographique.

Narjès Torchani

Article écrit dans le cadre de l'atelier du Bulletin Africiné - Ouagadougou (Burkina Faso), FESPACO 2013. Publié dans Africiné n°18 (Ouaga), Mardi 26 février 2013, pp. 1 & 4.
Ce bulletin est publié par la Fédération Africaine de la Critique Cinématographique (FACC, Dakar) avec le soutien de l'Organisation internationale de la Francophonie, Africultures, Ambassade de France au Sénégal et en Algérie, le Goethe Institut d'Afrique du Sud et du Nigeria, le ministère de la Culture de Tunisie, l'Institut Gabonais de l'Image et du Son (IGIS), l'association Vanuit het Zuiden (Depuis le Sud) et le Fespaco. Il est rédigé par des journalistes membres de la FACC présents au Fespaco 2013, venant de 15 pays d'Afrique.

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