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Les Chevaux de Dieu, de Nabil Ayouch
Comment devenir martyrs et terroristes ?
critique
rédigé par
publié le 10/03/2013

Les Chevaux de Dieu, une fiction qui s'inspire de l'attentat de Casablanca du 16 mai 2003, est un long-métrage du réalisateur marocain Nabil Ayouch.
Le film dépeint la vie dans Sidi Moumen, bidonville de Casablanca. Un quartier marqué par la violence, la promiscuité, le stress et une certaine misère. Pendant 115 minutes, le réalisateur va nous montrer comment un jeune homme peut devenir martyr pour certains, terroriste pour d'autres. "Tu dors ?" dit une voix dans le noir. […] "des Ghislaine, au paradis tu en trouveras des centaines et des milliers" répond une autre voix, toujours dans la pénombre.

Le décor est déjà planté. Très vite, on pense à une fin tragique. Une histoire sur le terrorisme. Nabil Ayouch nous plonge dans un monde d'enfants sans repère, sans éducation sans autorité même, on pourrait dire. Des séquences qui nous rappellent La Cité de Dieu de Fernando Meirelles Le scénario est robuste, il montre des personnages violents, vulgaires parfois.

Technique filmographique réussie

D'un point de vue technique, le film est irréprochable. De très belles images sont utilisées, le jeu d'acteurs est maitrisé, les personnages, les costumes, le décor tout est savamment orchestré pour introduire le spectateur dans l'univers du cinéaste.

La fiction est marquée par plusieurs métaphores. Le titre est assez révélateur. Il fait penser à des combattants, des guerriers. Ou des personnes qui servent de monture à une destinée qui finalement les domine, les dépasse et les écrase. Cette situation est montrée par plusieurs plans en plongée sur les personnages et la cité pour traduire le malaise social qui étreint ses habitants et le bidonville tout entier.

Nabil Ayouch passe plus de temps à décrire la misère sociale et sexuelle, avant de nous amener à l'endoctrinement religieux. En filigrane, il traite aussi d'une réalité qui dépasse le cadre du Maroc sur les rivalités familiales, les mésententes du couple et les rapports difficiles parents/enfants. Nabil Ayouch fait clairement le choix d'essayer de comprendre ces jeunes kamikazes au lieu de les condamner. Cela crée par moment un malaise chez le spectateur. Au moment du départ en mission des kamikazes, le réalisateur choisit de filmer des moutons. Ce qui renvoie à la métaphore de l'abattoir et de la manipulation des consciences.

Adapté du roman Les Étoiles de Sidi Moumen de Mahi Binebine, ce film a reçu plusieurs prix. A sa première mondiale à Cannes, il a obtenu le prix François Chalais 2012 qui récompense le film pour son engagement social. Il a doublement décroché à Bruxelles le Prix Cineuropa et le Grand Prix du Festival du cinéma méditerrannéen.
Nabil Ayouch a eu l'Étalon d'or du Yennenga en 2001 avec Ali Zoua. Pour la 23e édition du Fespaco, il est en compétition avec Les Chevaux de Dieu.

Bénédicte Sawadogo
Abraham N. Bayili
Armelle Baoulé

Article écrit dans le cadre de l'atelier du Bulletin Africiné - Ouagadougou (Burkina Faso), FESPACO 2013. Publié dans Africiné n°19 (Ouaga), Jeudi 28 février 2013, p. 8.
Ce bulletin est publié par la Fédération Africaine de la Critique Cinématographique (FACC, Dakar) avec le soutien de l'Organisation internationale de la Francophonie, Africultures, Ambassade de France au Sénégal et en Algérie, le Goethe Institut d'Afrique du Sud et du Nigeria, le ministère de la Culture de Tunisie, l'Institut Gabonais de l'Image et du Son (IGIS), l'association Vanuit het Zuiden (Depuis le Sud) et le Fespaco. Il est rédigé par des journalistes membres de la FACC présents au Fespaco 2013, venant de 15 pays d'Afrique.

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