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Toiles d'araignées, d'Ibrahima Touré
Un passé revisité
critique
rédigé par
publié le 10/03/2013

L'exercice est un peu osé. Jeter ce regard franc et direct sur l'histoire contemporaine du Mali, pousser cette critique jusqu'à son terme, au moment où s'y déroule une opération militaire pour bouter les islamistes dehors, il fallait le faire. Même si l'histoire qu'il raconte dans ce film est tirée de Toiles d'araignées (roman autobiographique d'Ibrahima Ly, paru en 1982 aux éditions L'Harmattan et ayant circulé sous le manteau avant la Révolution de mars 1991) il n'empêche que l'intention d'Ibrahima Touré, réalisateur du film, est à saluer.

Deux destins se croisent et se mêlent pour tisser la trame du film : celui de Mariama, une jeune fille qui refuse le mariage forcé et de Yoro, un professeur de mathématiques, qui se trouve être le chef de file de la contestation. Mariama, refuse de se marier au vieux Bakary, un ami de son père. Son "non" est mal accepté dans une société où l'avis de la femme ne compte pour ainsi dire pas. Très vite, l'on tente d'étouffer cette velléité d'émancipation féminine. Mariama sera dirigée à la gendarmerie, à la justice et sera finalement jetée en prison pour être dressée. Dans le pénitencier où elle atterrit, elle fait la connaissance de Yoro qui, lui aussi, se refuse à cautionner la politique de népotisme et de clientélisme du nouveau régime, installé à la faveur d'un coup d'État militaire. Lamine, à qui Mariama se prédestinait, arrive et entreprend, vaille que vaille, de sortir sa belle de cet univers carcéral. Les péripéties se succèdent ainsi jusqu'à la tentative d'évasion de Mariama.

Toiles d'Araignées est une fresque romancée des années de plomb du Mali, et un témoignage à charge contre le régime militaire et les autorités politiques d'alors. En mettant en scène une jeune fille qui se rebelle contre l'ordre social établi, en montrant un homme qui ose dire non à l'ordre politique en vigueur, Ibrahima Touré en appelle au changement et à une prise de conscience collective et individuelle. Le réalisateur ouvre, sans ménagement, le chapitre des pages sombres des dictatures africaines, en l'occurrence celle malienne, symptomatique du musellement des voix, de l'écrasement brutal des consciences et du démantèlement de toutes velléités de contestations, quelles qu'elles soient. Le film sonne comme un appel aux dirigeants africains d'aujourd'hui, pour leur éviter de tomber dans les mêmes errements que leurs prédécesseurs.

Aboubakar Yéo M'Bah

p. 5

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