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6ème Gulf Film Festival (11-17 avril 2013) Dubaï. Emirats Arabes Unis
Entretien avec Waleed Al Shehhi, réalisateur des Emirats Arabes Unis, membre du jury pour la section des films d'étudiants et la compétition de courts métrages internationaux
critique
rédigé par
publié le 13/06/2013
Waleed Al Shehhi, réalisateur des Emirats, membre du jury des films d'étudiants et des courts-métrages internationaux
Waleed Al Shehhi, réalisateur des Emirats, membre du jury des films d'étudiants et des courts-métrages internationaux
Michel Amarger (Africiné)
Michel Amarger (Africiné)
Les jurys lors de la cérémonie de clôture du GFF
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Les abords du cinéma où se déroulent les projections du GFF
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La célèbre tour Burj Khalifa et les buildings de Dubaï. Photos : © Michel AMARGER. Dubaï, avril 2013
La célèbre tour Burj Khalifa et les buildings de Dubaï. Photos : © Michel AMARGER. Dubaï, avril 2013
Signs of the Dead, 2005
Signs of the Dead, 2005
Water Guard (The), 2007
Water Guard (The), 2007
The Water Guard
The Water Guard
Water Guard (The), 2007
Water Guard (The), 2007
Waleed Al Shehhi, juré et réalisateur.
Waleed Al Shehhi, juré et réalisateur.
Aushbah's Well, 2004
Aushbah's Well, 2004
Ahmed Sulaiman, 2006
Ahmed Sulaiman, 2006

Les films d'étudiants en compétition au 6 ème Gulf Film Festival, du 11 au 17 avril 2013, signalent les nouveaux chemins empruntés par les réalisateurs du Golfe. Le festival implanté aux Emirats Arabes Unis, sert de lien pour encourager les productions locales par des aides au cinéma qui permettent de tourner des films et de les montrer au fil des éditions.
Waleed Al Shehhi a profité de cette impulsion pour réaliser ses premiers courts-métrages parmi lesquels on a remarqué Aushba's well, 2004, le documentaire Ahmad Suliman, 2006, des fictions comme Water guard, 2007, Door, 2008, tous présentés en festival aux Emirats. Devenu enseignant des arts de l'image, le réalisateur prépare un long-métrage, intitulé Le dauphin. Sa participation au jury du festival repose sur son implication dans la création du 7ème art aux Emirats dont il situe les enjeux actuels.

- Pouvez-vous nous dire pourquoi vous êtes membre du jury cette année ?
+ Je suis dans le jury parce que depuis 15 ans, j'ai une expérience de la réalisation. C'est si difficile de faire un film dans cet endroit du monde. Je fais partie des premiers qui jettent les bases de la réalisation dans ce pays. C'est dur de commencer à faire des films à partir de rien, sans expérience technique, sans école. On essaie juste de faire quelque chose en apprenant, à partir de nos erreurs. Maintenant on commence à faire de meilleurs films, à voir des films du monde entier. Je pense que ça nous aide à nous enrichir et à trouver des satisfactions dans ce qu'on fait. On a fait des pas pour avoir les bases de la réalisation.

Aushbah's Well from Waleed Al Shehhi on Vimeo.



- À quel moment s'est développé le cinéma dans les Emirats ?
+ Le premier film date de 1989. Il a été fait par un réalisateur qui a connu le cinéma aux Etats-Unis. Il est revenu aux Emirats pour faire un film et c'est tout. Après ça, il y a eu Masoud Amralla Al Ali qui a beaucoup aidé ceux qui s'intéressaient au cinéma. On faisait des films à la maison, pour les amis. Il a commencé à créer la première manifestation qui prenait des films et les montrait. Ça a été un choc pour tout le monde, car beaucoup de films sont arrivés de partout. On ne pouvait pas y croire. À cette époque, la qualité des films était très basse, mais on était fiers, parce que c'étaient les débuts de notre expérience.

Signs of Death from Waleed Al Shehhi on Vimeo.



- Qu'est-ce qui permet de rendre le cinéma meilleur, selon vous ?
+ Je crois que la nouvelle génération doit se demander ce qu'elle peut faire ici. Nous, nous avons vu beaucoup de films. Moi même, j'ai une grande vidéothèque avec des films de partout, sauf d'Hollywood. Ils sont disponibles pour tous : mes amis, mes étudiants. Ils viennent et ils en emportent pour les regarder. On apprend comme ça. Pour les jeunes, et même pour nous, les nouvelles technologies sont partout. Tout le monde peut les avoir. Ce qui manque, c'est la manière de penser comment aborder le cinéma. On n'a pas d'écoles alors on doit regarder des films. Moi j'ai commencé en regardant des films de partout et ma plus grande influence a été celle d'Andrei Tarkowsky [réalisateur soviétique, ndlr].Il y a ses films, ses livres où il explique ce qu'est l'art, pas seulement le cinéma, comment on forge une vie en faisant de l'art par le cinéma, la poésie… J'ai été très influencé par tout ça.

- Vous parlez d'un cinéaste occidental ; mais avez-vous été influencé par des cinéastes des pays arabes ou de l‘orient ?
+ On en a vu beaucoup mais chaque approche est différente, selon les gens. Moi, je suis plus attiré par le cinéma poétique, car je lis beaucoup de poésies. J'ai commencé ma première expérience de cinéma en commençant à écrire. Ça me ramène à Andrei Tarkowsky, le cinéma poétique.

- Comment avez-vous pu tourner et réaliser aux Emirats ?
+ Depuis que je suis enfant, j'ai une passion. J'ai toujours un appareil de prises de vues avec moi. J'ai commencé à faire beaucoup de photos partout. Puis j'ai commencé à faire des films à la maison, avec mes amis. J'ai les bases pour savoir comment utiliser un appareil de prise de vues. J'ai ça en moi, depuis que je suis enfant. Et puis le gouvernement des Emirats nous a proposé de faire un film, parce qu'il y avait une manifestation qui pouvait le montrer. On a commencé à filmer et ça été un début. On a fait des films et en même temps, Masoud Amralla Al Ali a annoncé le premier festival de films de la région. Il a pris mon film. On a rencontré beaucoup de gens qui aiment le cinéma. Après, j'ai eu de plus en plus envie de faire du cinéma.

- Quel est le principal sujet de vos films ?
+ C'est la poésie, comme je l'ai dit, et la manière de ne pas filmer simplement la réalité, mais de le faire d'après mon expérience de la vie. Je ne veux pas être réaliste. Je préfère appréhender la réalité de manière différente. J'ai fait beaucoup d'expérimentations dans ce sens, pour savoir comment je peux entraîner le public vers une idée, mais pas directement. C'est pourquoi j'utilise beaucoup de symboles dans mes films, pour aller vers une poésie visuelle.

Ahmed Sulaiman from Waleed Al Shehhi on Vimeo.



- Comment trouvez-vous les moyens de produire vos courts-métrages ?
+ Au début, j'ai tout mis de ma poche. Et maintenant tout le monde aime le cinéma, tous mes amis. Tous travaillent gratuitement, car je fais aussi l'opérateur sur les films de mes amis, et je fais également du montage. Quand j'ai commencé, des réalisateurs ont travaillé avec moi comme assistants, producteurs. Les acteurs faisaient autre chose. On a tout fait comme une équipe. Il n'y avait pas ce challenge d'être le meilleur réalisateur. Je suis le metteur en scène, il est assistant. Dans le prochain film, il sera metteur en scène et je viendrai comme assistant ou faire l'opérateur. Voilà pourquoi on n'a pas besoin de beaucoup d'argent pour faire nos films. Même les acteurs ont travaillé bénévolement au début. Trois ou quatre ans après mes débuts, le gouvernement a commencé à donner des financements à des associations pour qu'on ait des fonds d'aide. Ça a été très bon pour provoquer un changement dans tout le pays. Beaucoup de films ont commencé à se faire quand l'argent est arrivé. Les gens ont commencé à avoir confiance dans le fait qu'il pouvait se passer quelque chose. Ça a eu des aspects positifs mais aussi négatifs. Comme tout le monde a eu de l'argent, on a vu des très mauvais films arriver, mais aussi quelques bons.

- Il n'y avait pas de sélection au début ?
+ Il y a eu une sorte de sélection, mais c'était le début et tout le monde pouvait y venir. Maintenant, c'est mieux mais il nous faudrait de l'argent pour les longs-métrages de fiction. Il n'y a pas de financement pour ça. On a besoin de plus de fonds et de coproductions. Ça vient, car on a commencé il y a 15 ans avec les courts-métrages et maintenant on commence à mettre en place des longs métrages de fiction.

The Water Guard from Waleed Al Shehhi on Vimeo.



- Alors pouvez-vous engager des coproductions avec des zones francophones pour vous aider ?
+ Oui, mais le problème c'est que ceux qui donnent de l'argent pour les pays arabes ne le font pas avec ceux de la région [du Golfe, ndlr]. C'est plus difficile ici parce que c'est un pays riche et qu'ils attendent que l‘argent viennent d'ici. Les réalisateurs du Liban, d'Egypte, du Maroc sont plus chanceux que nous, car ils sont capables de décrocher des fonds. Nous, on vient d'un pays riche, alors on considère que ça va bien pour nous. C'est pourquoi on n'est pas dans une aussi bonne position que les pays arabes. Si on regarde la réalité, il n'y a pas encore de financements pour les longs métrages par ici.

- Et si vous réussissez à réaliser le long-métrage de fiction sur lequel vous travaillez, pourrez-vous le montrer dans les salles ici ?
+ Dans cette région, vous n'avons pas d'industrie du cinéma et les salles ne peuvent pas montrer nos films. Nos films devraient au moins pouvoir y accéder mais c'est un secteur privé et ils ne veulent pas les laisser entrer. Ils préfèrent mettre les films d'Hollywood qui rapportent de l'argent mais pas les films d'art et essai, et pas les films des Emirats. Si nos films étaient vus dans les salles, on pourrait développer une concurrence. Mais il n'y a pas de compétition, il n'y a qu'Hollywood. Moi même, si j'avais de l'argent, je ne ferais pas un film selon le style d'Hollywood. Si les salles distribuaient des films d'art, des films des Emirats ce serait mieux pour nous. C'est notre identité, notre façon de créer l'image nous-mêmes que reflète notre cinéma.

Propos recueillis et traduits de l'anglais par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

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