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Mort à vendre
Lignes de fuite au Maroc
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 19/08/2013
Michel Amarger (Africiné)
Michel Amarger (Africiné)
Faouzi Bensaïdi, le réalisateur
Faouzi Bensaïdi, le réalisateur
Casanegra, de Nour-Eddine Lakhmari, 2007
Casanegra, de Nour-Eddine Lakhmari, 2007
Sur la planche, Leïla Kilani,2010
Sur la planche, Leïla Kilani,2010
End (The), de Hicham Lasri, 2011
End (The), de Hicham Lasri, 2011
Rock the Casbah, de Laïla Marrakchi, 2013
Rock the Casbah, de Laïla Marrakchi, 2013
Mort à vendre
Mort à vendre
Mort à vendre
Mort à vendre
Mort à vendre
Mort à vendre
Mort à vendre
Mort à vendre
Mort à vendre
Mort à vendre
Affiche marocaine
Affiche marocaine

LM Fiction de Faouzi Bensaïdi, Maroc / Belgique, 2011
Sortie France : 21 août 2013

La course en avant de la société marocaine pour échapper au chômage, au glissement des valeurs, à la violence ambiante, est suivie avec acuité par les cinéastes contemporains. Les héros de Nour-Eddine Lakhmari se cognent aux impasses dans Casanegra, 2008, ceux de Leila Kilani esquivent les mauvais coups du travail avec Sur la planche, 2011, et les personnages de Hicham Lasri échappent aux normes par The End, 2011, tandis que la famille vue par Laila Marrakchi explose dans Rock the Casbah, 2013. Plus posé mais aussi incisif, Faouzi Bensaïdi plonge sa caméra dans les sursauts de trois loosers pour transformer leur quotidien avec Mort à vendre, 2011.

Mort à vendre (Death for Sale) - موت للبيع from Africiné www.africine.org on Vimeo.



Un trio de jeunes pickpockets qui exercent à Tétouan, décide de tenter un grand coup pour changer d'horizon. L'objectif est de dévaliser l'une des grandes bijouteries de la ville pour se partager le butin avant d'entreprendre une nouvelle vie. Pour Malik, âgé de 26 ans, la recette doit servir à récupérer Dounia, la prostituée d'une boite, dite "La Passarella", dont il est amoureux. Allal qui a 30 ans, ne comprend pas ce sentimentalisme. Pour lui, le butin doit financer l'organisation du trafic de drogue à plus grande échelle. À 18 ans, Soufiane est moins matérialiste. Ce sportif bon vivant est devenu accro aux idées intégristes et il veut faire la peau du bijoutier chrétien.
Si la convergence des énergies assure la réussite du coup, l'écart des motivations se glisse dans le trio d'amis pour fissurer les sentiments. Alors que la soeur de Malik semble pouvoir un temps freiner le dérapage vers la violence, un inspecteur de police de quartier, qui boit du vin sans modération, traque les confidences forcées en tournant autour des délinquants. Imbibé de compromissions, de manipulations lucides, le policier catapulte questions et insinuations qui rebondissent sur la nervosité des braqueurs.

Autour de ces aspirations vénéneuses qui colorent de gris plombé la ville de Tétouan, Faouzi Bensaïdi joue du décor circulaire qui enserre les aspirations des héros. En tentant d'échapper à leur horizon fermé, par la passion amoureuse, la délinquance organisée ou la rigueur extrême de l'intégrisme, les jeunes Marocains s'enfoncent dans des pulsions destructrices qui les minent. La caméra prend de la hauteur pour les voir se retrouver et se séparer, puis se met à leur niveau pour épouser leur course désespérée ou leur immobilisme. Ainsi Mort à vendre se distingue par la maitrise de l'espace qui enrichit la simplicité du récit.
Faouzi Bensaïdi, connu d'abord come acteur dans des films de Nabil Ayouch (Mektoub, 1997), Jillali Ferhati (Tresses, 2000), s'impose peu à peu comme un auteur rigoureux. Il a su coudre des histoires de village pour Mille Mois, 2003, déminer le film de genre par un polar stylisé WWW, what a wonderful world, 2006. Plus sobrement, Mort à vendre est un drame aux couleurs sombres qui respire la tension et l'amertume de Tétouan. Il révèle le malaise des jeunes, lancés vers des issues barrées, en se colorant d'un humour décalé, noir comme son propos.

Mort à vendre imprime en négatif l'épanouissement de la société marocaine en s'appuyant sur une coproduction belge. Grâce à une équipe technique efficace, Faouzi Bensaïdi s'approche au plus près des espoirs blessés qui agitent le trio des héros. Autour des acteurs principaux, très impliqués, on remarque Nezha Rahil, égérie du cinéaste, dans le rôle de la soeur de Malik, et Bensaïdi lui-même, transfiguré en inspecteur aviné. Au delà de ces figures contrastées, Mort à vendre vise le cœur d'un quotidien morne où les échappées prennent la forme de références cinématographiques, pour jouer encore avec des codes latents du cinéma marocain.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)
, pour Africiné

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