J'étais plongée dans l'élaboration d'une nouvelle étape de notre campagne pour les Golden Globes [avec le film Tey (Aujourd'hui) d'Alain Gomis) quand j'ai eu la nouvelle que mon héros, le plus grand modèle de toute ma vie, nous a quittés. Même si nous savions tous que c'était imminent, c'est toujours extrêmement douloureux à encaisser.
J'avais 11 ans lors d'un voyage dans le cadre de l'école au siège des Nations Unies, quand j'ai pour la première fois pris connaissance de l'Apartheid. À travers des photos en noir & blanc qui en traduisaient la réalité, je pénétrais dans le monde de ce système cruel et insidieux qui avait matraqué des générations d'hommes, femmes et enfants noirs ou métis.
Un peu plus tard ce jour là, je m'engouffrais dans la Bibliothèque Langston Hughes (à East Elmhurst Queens), pour trouver tout ce que je pouvais sur le combat des Sud-Africains ; à mon grand désarroi le résultat de mes recherches était très limité. Je suis allé me coucher cette nuit avec d'atroces images de cruauté dans ma tête et je les ai enfouies alors très profondément dans mon inconscient.
Au lycée, ces images ont resurgi avec une visite de l'Archevêque Desmond Tutu. Bien que son portrait de la condition des Sud-Africains opprimés était un tableau sans espoir, ses yeux s'éclairaient quand il aborda la vie de Nelson Mandela et son emprisonnement à vie à Robben Island. La visite de l'Archevêque Tutu sur notre campus et d'autres lycées à travers le pays a été un moteur afin que nos écoles se mobilisent pour le boycott de l'Afrique du Sud.
Même si 8 ans étaient passés depuis ma visite à l'ONU, il était toujours compliqué de trouver de rares bons livres ou témoignages sur l'Afrique du Sud. Même nos grands médias n'offraient pas un meilleur recours, de manière assez satisfaisante. Néanmoins, je me rappelle d'un film que nous avions vu en classe, réalisé par le cinéaste militant Lionel Rogosin, Come Back Africa, une sorte de docu-fiction avec Myriam Makeba, tourné secrètement à Sophiatown.
Grâce à une très belle et simple histoire, sans effets spéciaux ni sensationnalisme, le film nous plonge dans la profondeur du combat des Sud-Africains noirs et métis pour la liberté ainsi que la justice sociale et changea nos vies à jamais. Il est un vrai exemple du pouvoir des films.
par Guetty Felin
Traduit de l'anglais américain
par Thierno I. Dia
Née à Port-au-Prince, Haïti, élevée en Amérique et formée au cinéma à Paris, France, Guetty Felin est une cinéaste haïtienne multi-primée avec une riche et éclectique expérience dans le cinéma et la télévision.
Guetty Felin est aussi une Productrice et Distributrice de Films (BelleMoon Productions and Releasing). Son film le plus récent en distribution, Tey (Today), réalisé par le Sénégalo-français Alain Gomis), avait été présélectionné aux Golden Globes, catégorie du Meilleur Film en Langue Étrangère (finalement pas nominé, pour la dernière phase). L'Américain Saul Williams - il joue Satché dans le film de Gomis- avait été aussi présélectionné dans la catégorie Acteur Principal.