Lorsqu'on lit le dossier de presse de Run, le film de l'Ivoirien Philippe Lacôte, on pense tout de suite à la réflexion récemment faite par Jean-Michel Frodon au sujet de l'image un peu trop franco-française que la sélection du festival de Cannes risque d'avoir. Ce qui n'est pas forcément une bonne chose pour le cinéma et encore moins pour le festival lui-même. Sur la dernière page du livret, on pouvait lire les noms et les contacts de la production, de l'agent de presse et de la distribution française et internationale. Tous sont français.
Or, le film et présenté comme ivoirien. C'est le principe selon lequel le film a la nationalité de son auteur, me diriez-vous. Soit. C'est une bonne chose. Mais les choses sont trop complexes, et ce pour les films africains d'une façon générale. A défaut de structures nationales, il ne reste aux réalisateurs que les guichets étrangers et pour l'Afrique de l'Ouest, cet Etranger n'est autre que la France.
Néanmoins, si le festival continue de sélectionner que les films de production française ou ayant un coproducteur français, il y a un grand risque qu'une partie des films africains reste invisible. Il y a risque que le lien professionnel et/ou institutionnel aux structures françaises remplace le critère de la qualité dans la sélection. Ceci n'est certes pas une bonne chose. Ce qui est dommage et surtout injuste.
Pour ce qui est de Run, le bon vent l'a mis sur la croisette. Il est sélectionné dans Un Certain Regard et compétit pour la Caméra d'or, prix décerné aux nouvelles découvertes. Que ce film soit une découverte, soit. Qu'il en soit une excellente, il y a un grand doute, hélas.
Comme beaucoup de films africains ou sur l'Afrique, Run traite de la misère africaine. Philippe Lacôte fait le point sur plusieurs décennies de l'histoire actuelle de son pays à travers le parcours d'un jeune Ivoirien au destin très particulier. Ce dernier, Run, est condamné à fuir continuellement d'une situation à l'autre, sans répit. Un peu comme la Côte d'Ivoire qui ne cesse de se débattre dans son instabilité. Mais là ne réside pas le péché du film.
Il ne suffit pas d'avoir de bonnes idées, et encore moins de bonnes intentions, pour faire de bons films. Il y a d'abord un problème de construction. Le parallélisme que le film entend établir entre un mythe local, celui du faiseur de pluie et la situation contemporaine du pays n'est pas bien agencé. On ne voit pas vraiment le lien, à moins que ce ne soit l'origine du mal qui a atteint Run et le condamne à ne jamais trouver de repos. Ce qui parait trop facile et surtout très discutable si on l'applique au pays. Ce serait trop facile aussi, et surtout trop superficiel, de prétendre comprendre le mal de l'Afrique.
RUN, Philippe Lacôte - Extrait 2 from Africiné www.africine.org on Vimeo.
RUN, Philippe Lacôte - Extrait 3 from Africiné www.africine.org on Vimeo.
par Hassouna Mansouri