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Amour sur place ou à emporter : Le Film !
Alliance Black Beur en France
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 15/06/2014
Michel Amarger (Africiné)
Michel Amarger (Africiné)
Amelle Chahbi, réalisatrice
Amelle Chahbi, réalisatrice
Scène du film Amour sur place ou à emporter
Scène du film Amour sur place ou à emporter
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Amelle Chahbi, actrice et réalisatrice de Amour sur place ou à emporter : Le Film !
Amelle Chahbi, actrice et réalisatrice de Amour sur place ou à emporter : Le Film !
Africiné, Le Leader Mondial (Cinémas africains & Diaspora)
Africiné, Le Leader Mondial (Cinémas africains & Diaspora)

LM Fiction de Amelle Chahbi, France, 2014
Sortie France : 28 mai 2014

L'électricité qui aiguise les rapports entre communautés en France, reste en survoltage. Une tension qui fait frémir les bandes de jeunes comme l'illustrent quelques fictions bien senties des années 2000. La Française Audrey Estrougo promène sa caméra dans le monde des filles de banlieue pour Regarde moi, 2007, qui oppose une Blanche et une Noire, convoitant le même garçon. Rachid Djaïdani, de père algérien et de mère soudanaise, explore les clivages dans Rengaine, 2012, en suivant l'idylle d'un jeune Noir chrétien avec une Maghrébine musulmane. Comme le mariage entre Noir et Arabe fait figure de tabou, même dans les quartiers parisiens, le grand frère de la fiancée se fait un devoir de contrarier cette union.
En soulignant le racisme entre Blacks et Beurs, le film de Rachid Djaïdani se fait une place dans la sélection de la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, en 2012. Cette année, c'est la Française Céline Sciamma, dans la même section avec Bande de filles, 2014, qui effleure le sujet en se concentrant sur l'amitié d'un groupe d'adolescentes noires et leurs démêlées avec le quotidien de la banlieue. Ces films évoquent la manière dont la personnalité des protagonistes se nourrit de son rapport à leur communauté en tentant d'y trouver sa place ou de s'en démarquer.



Loin de ces considérations d'auteurs, et à l'écart des drames volontiers défendus par le Festival de Cannes, la sortie de Amour sur place ou à emporter : Le Film ! de Amelle Chahbi, 2014, propose un regard décomplexé sur les relations Blacks Beurs, sous la forme d'une comédie allégrement troussée. Noom, issu d'une famille malienne dont les coépouses mènent la danse à coups de réflexions mordantes, s'oriente vers le stand-up. Amelle, née dans une famille algérienne dont le père râleur, exècre les Noirs, travaille dans une chaîne de fast-food, à Paris.
Noom cherche à aligner les conquêtes, Amelle, échaudée par sa dernière liaison, rêve de se ranger ou de trouver un homme idéal. Un accident les jette l'un contre l'autre avant qu'ils découvrent que lui est le nouvel employé qu'elle est chargée de former pour intégrer le fast-food. Piquants dans leurs rapports de travail, mais piqués l'un par l'autre, ils se rapprochent inéluctablement malgré les obstacles et leur réticence.

Amour sur place ou à emporter : Le Film ! repose sur la verdeur des dialogues, balancés par les héros et leur entourage, sur la communauté opposée. La truculence des coépouses maliennes, les remarques acerbes du père algérien, le regard caustique des copines de la fille, relaient la manière dont le couple d'amoureux se teste et s‘éprouve en surfant sur les clichés Black Beur. Amelle Chahbi, aux racines marocaines, pilote la réalisation sans épargner les camps.
"Etant Rebeu, je suis protégée. J'ai le droit de faire des vannes sur les Renois. Une solidarité inconsciente entre minorités", avance t-elle. "Ceci dit, il y a un racisme horrible Rebeus Renois." Le film le pointe en le désamorçant par l'humour, adaptant une pièce de théâtre coécrite par Amelle Chahbi et Noom Diawara. Dès le départ, en 2012, Amour sur place ou à emporter attire le public au Théâtre du Gymnase Marie Bell, à Paris. Les trentenaires peuvent se reconnaître dans cette suite de sketches sur la vie d'un couple mixte. La mise en scène, reprise par Fabrice Eboué au Théâtre du Temple, en 2013, relance le succès des deux auteurs qui enflamment les planches en se renvoyant les vannes.



"Les Rebeus communiquent tout le temps par le rire", souligne Amelle Chahbi. "C'est lié à une pudeur, à ce qu'on ne doit pas dire, à la religion. Et ils adorent l'autodérision." Son complice est sur la même ligne. Il a fait ses armes sur Canal+ en participant aux sketches de Omar et Fred, intégré le Jamel Comedy Club et écrit pour Fabrice Eboué. On le remarque sur grand écran dans Les Barons de Nabil Ben Yadir, 2010, Joséphine de Agnès Obadia, 2013, ou Le crocodile du Botswanga de Lionel Steketee et Fabrice Eboué. Ce dernier épaule aussi le travail de Amelle Chahbi, découverte en Miss Météo pour Canal+ et ses performances au Jamel Club Comedy.
En s'alliant pour adapter la pièce, les humoristes s'entourent de seconds rôles maghrébins (Mostéfa Stiti) ou noirs africains (Valentine Milebo) qui défendent des figures typées. Fabrice Eboué cautionne en prof de danse allumé. Amour sur place ou à emporter : Le Film ! est représentatif du regard porté par une génération nouvelle de Beurs et de Blacks qui réussissent. Ils cherchent à s'émanciper en dépassant le choc des cultures qui cohabitent en France. "Le cinéma fonctionne par familles", estime Amelle Chahbi, adepte de l'humour à l'emporte pièce avec Noom Diawara. "Les choses changent mais c'est vrai qu'on a tendance à beaucoup compartimenter ici." Avides de décloisonner leur art, le Black et la Beur s'allient pour amuser et plaire par un spectacle à consommer sans préjugés. À Paris comme ailleurs.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)
, pour Africiné

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