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La Preuve
Sonate masculine en Algérie
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 22/07/2014
Michel Amarger (Africiné)
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Amor Hakkar, réalisateur
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Scène du film
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RFI, Radio France International
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Africiné, Le Leader Mondial (Cinémas africains & Diaspora)
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LM Fiction de Amor Hakkar, Algérie / France, 2013
Sortie France : 23 juillet 2014

Il y a des cinéastes discrets, capables de profiter de l'été en glissant les films dans les salles pour faire entendre des notes fraiches. Amor Hakkar est de ceux là. Né dans les Aurès, ce réalisateur a investi la Franche-Comté où il habite, pour développer une production singulière. Il questionne les modes de bonne conduite dans Sale temps pour un voyou, 1992, revient à la cellule familiale de ses origines pour La Maison jaune, 2007, qui le fait largement remarquer autour de la Méditerranée. Il s'en écarte avec Quelques jours de répit, 2011, qui accompagne l'exil en Franche-Comté de deux homosexuels venus d'Iran. La présence de Marina Vlady éclaire les relations tendues entre les hommes. Car Amor Hakkar concentre souvent son histoire sur un trio pour mieux détourer les blessures qui transpirent des sociétés trop figées, intolérantes, opprimantes pour les individus fragiles. La Preuve, 2013, replace ces questions dans l'Est de l'Algérie.

La Preuve, Amor Hakkar VOST from Africiné www.africine.org on Vimeo.



Ali, chauffeur de taxi à Kenchela, a épousé Houria qui a perdu son mari. Les deux filles de Houria illuminent le foyer mais Ali souffre qu'ils n'aient pas d'enfants ensemble. Il consulte discrètement un médecin qui lui conseille de passer des examens à Batna, à l'écart des regards. Ali prétend faire une longue course. Il charge un homme taciturne qu'il retrouve plus tard dans le centre médical. En attendant les résultats, une jeune femme enceinte, Fatima, demande à Ali de la reconduire. Elle s'impose dans la voiture et glane des indices sur sa vie avant de disparaître pendant un arrêt. Peu après, Ali est recherché, accusé d'être le père de l'enfant de Fatima qu'il aurait abandonnée.

Convoqué au commissariat, Ali ne veut pas dévoiler le motif de son voyage à Batna ni les résultats de ses analyses qui le désignent comme stérile. L'adjoint du commissaire qui se révèle l'homme croisé aux tests, ne peut parler pour disculper Ali. Sa femme, apitoyée par Fatima et la responsable d'un foyer qui la pousse à accuser Ali pour obtenir un dédommagement, doute de la fidélité de son mari. Dépitée par son silence, elle le quitte avec ses filles. Ali se retrouve seul, suspecté et meurtri. Il décide de prendre du recul près des terres familiales et confie ses émotions à un vieil ami compatissant.

THE PROOF - Amor Hakkar - arabic from Africiné www.africine.org on Vimeo.



L'histoire aborde le tabou de la stérilité masculine qui est, selon le cinéaste, "peu évoquée". Il met en avant la "douleur terrible" de son héros, qui préfère s'enfoncer dans le drame plutôt que d'avouer son état. Cet engrenage permet de traiter le sujet en partageant le désarroi d'un homme algérien, pris dans les filets de son éducation. "Je préfère mourir que de dire la vérité à Houria", explique-t-il à son vieil ami Bachir. "Elle pourra alors épouser un homme digne de ce nom." La confidence révèle comment l'homme stérile se sent inférieur dans la société algérienne. Sa détresse fait aussi ressortir la condition de la femme, bonne à répudier quand le couple n'arrive pas à avoir d'enfants car "elle ne sert à rien", selon des propos légués par son père.

Amor Hakkar sait s'effacer derrière les échanges, les non-dits, les regards. Les propos sont rares mais édifiants, les émotions tendues, les scènes sèches, en accord avec la réserve des villageois de l'est algérien. Nabil Asli assure le rôle du chauffeur affecté, en jouant sur les sous-entendus, confirmant ses prestations dans les films de Merzak Allouache dont Le Repenti, 2012, loin du personnage de Djornan El Gosto, la série diffusée pendant le ramadan en Algérie. A ses cotés, Anya Louanchi, en épouse dépitée, et Zineb Ahmidou, Fatima, complètent une distribution équilibrée qui laisse une belle place aux seconds rôles. La confrontation entre le commissaire et Ali, au poste de polie, est une scène anthologique sur la manière dont les indices font perdre pied à un innocent.

En jouant sur les mots, les regards, les embarras, Amor Hakkar compose une modulation sur la place de l'homme dans la société maghrébine contemporaine. Confronté au pouvoir, dans le commissariat, au couple, avec sa femme qui doute, à la famille, par l'héritage de la vision paternelle, le héros doit aussi se regarder pour connaître ses limites et avancer. La douleur est palpable, aiguisée par le scénario écrit par Hakkar et sa complice Florence Bouteloup. Le chef opérateur, Jean-Marie Delorme, la musique précise de Joseph Mancera, sont des atouts sérieux pour cette coproduction modeste, orchestrée par le cinéaste et sa structure, en France et en Algérie, avec le concours des Emirats Arabes Unis. Réalisé comme une variation sensible sur un sujet délicat, La Preuve fait entendre une voix masculine rare. Celle qui évoque l'intime, la fragilité, l'aspiration à évoluer.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France),
pour Africiné

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