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Journées Cinématographiques de Carthage 2014
Le Grand Plongeon
critique
rédigé par Baba Diop
publié le 03/09/2014

Les Journées Cinématographiques de Carthage, plus connues sous l'appellation les "JCC", deviennent désormais un festival annuel et non plus biennal en alternance avec le Fespaco. L'édition 2014 se déroulera du 29 novembre au 6 décembre 2014.

"Près d'un demi-siècle après leur création, les JCC se poursuivent afin de servir la promotion des cinématographies des pays arabes et africains. Cette manifestation, qui sera désormais annuelle, est le plus ancien festival de cinéma du Sud….

Afin de mieux répondre aux attentes et besoins des professionnels du cinéma, les JCC ont élargi leur périmètre d'action avec la mise en place de divers dispositifs tels que l'Atelier de projets, les Master Class, le Producer's Network…
" lit- on sur le site des JCC 2014. Plus qu'une bonne nouvelle, le changement d'option des journées cinématographiques de Carthage est une confirmation du dynamisme de la production filmique sur le continent. Ce qui accrédite l'existence d'un stock de films permettant la tenue annuelle d'un grand rendez-vous des cinéastes, distributeurs, producteurs, organisateurs de festival et critiques de cinéma. Mais, il n'en demeure pas moins vrai que la production reste inégale d'un pays à un autre.

Là où le Maroc se targue d'aligner une vingtaine de longs métrages l'an ; le Sénégal rame très loin derrière. D'autres pays ne produisant de longs métrages que tous les deux voire trois ans. La fermeture des salles de cinéma ne donne pas non plus une grande visibilité à la production africaine de films qui ne trouve lieu de diffusion que les écrans des festivals.

Ces trous dans la production de films sont mis en exergue par l'affiche de la 25ième Session des JCC réalisée à partir de la photo de Wassim Ghozlani, figure de proue du mouvement Shutter Party créé en 2010 et qui regroupe de talentueux jeunes photographes, graphistes et illustrateurs tunisiens. Une affiche fenêtre ouverte sur le mur du cinéma africain et arabe et dont les persiennes édentées par endroit reflètent bien la disparité de la production.

Ceci ne constitue pas pour autant un frein au désir de la Tunisie de faire prospérer l'héritage de Tahar Cheriaa, fondateur des JCC en 1966, appelé affectueusement le père du cinéma tunisien quoique n'ayant jamais réalisé de films. Il n'était pas cinéaste mais l'un des principaux animateurs des fameux ciné-clubs de Sfax, brillant analyste du septième art et farouche militant pour la décolonisation de nos écrans avec son compère Ousmane Sembéne. Il a eu le cran d'instituer - sous la tutelle du ministre Chedly Klibi, alors à la tête du département de la culture - le premier festival cinématographique, biennal, de l'Afrique et du monde arabe alors que le premier long métrage tunisien n'était pas encore sorti de ses langes pour représenter le pays organisateur à ce festival.

Le septième art au sud du Sahara n'en était qu'à son balbutiement. Seuls deux pays - le Sénégal avec "La noire de…" de Ousmane Sembéne et "L'Afrique danse" de la Guinée - donnaient une touche africaine à cette sélection aux cotés de films venus de la RDA, la Bulgarie, l'URSS, la France, la Grande-Bretagne, la Hongrie, la Hollande, la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie, la RFA, la Grèce, l'Italie, la Pologne, la Turquie et la Belgique. Quant aux pays arabes, seul le Liban était présent avec le film "Victoire du vaincu" de Samir Nasri.

La première édition portait le titre de Festival International des journées cinématographiques de Carthage (FIJCC) ce qui explique la forte présence de pays européens. Omar Khlifi, l'un des vétérans du cinéma tunisien et dont le film "Alfajr" était prévu pour représenter la Tunisie (les photos figuraient sur le dépliant du festival). Malheureusement pour le réalisateur, les opérations de montage, ne furent pas achevées à temps. Il raconte avec grande émotion la naissance des Jcc dans un article publié dans les pages de "La presse" du 19 novembre 2012. Il écrit : "Après bien des péripéties, des doutes et des hésitations, enfin la première session eut lieu du 4 au 11 décembre 1966…

La compétition était ouverte aux films du monde entier et se déroulait au cinéma "Le Mondial" à Tunis. Après cette première session qui fut qualifiée d'internationale, les responsables voulurent opter, d'abord, pour une formule méditerranéenne, avant de décider que les films participants à la compétition officielle des JCC soient réservés, exclusivement, à partir de la deuxième session de 1968, aux films arabes et africains."

Le Tanit d'or (premier prix) revint au Sénégalais Sembène Ousmane pour son film La Noire de..., le Tanit d'argent fut décerné au film Le premier cri du Tchèque Jéromil Jirès. Au cours de ces 48 ans d'existence, le Sénégal aura remporté trois fois le Tanit d'or (La noire de… en 1966, Le prix du pardon en 2002 et La pirogue en 2012)

Au paradis des femmes et hommes de cinéma, Tahar Chériaa doit bien doit bien afficher un large sourire de satisfaction après ce raccourcissement des délais des JCC. Comment le Fespaco accueillera-t-il cette rupture de connivence, lui qui, depuis bientôt 14 ans, hésite à se faire annuel et non plus biennal ?

Baba DIOP

Article paru le 18/08/2014, sur Sud Quotidien (Dakar).

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