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Entretien avec Dieudo Hamadi (Examen d'État)
critique
rédigé par Djia Mambu
publié le 23/09/2014
Djia Mambu (Africiné)
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Dieudo Hamadi, réalisateur
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Examen d'État
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Agat Films
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Studios Kabako
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Karoninka
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Vanuit het Zuiden (Depuis le Sud)
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Africiné, Le Leader Mondial (Cinémas africains & Diaspora)
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Le documentaire Examen d'État de Dieudo Hamadi suit un groupe d'élèves à Kisangani en RD Congo en préparation au Diplôme d'État, épreuve ultime en fin d'études secondaires [équivalent du baccalauréat, ndlr]. Récipiendaire de deux Prix au festival Cinéma du réel à Paris en mars 2014, le film montre une jeunesse débrouillarde, au reflet de la société congolaise actuelle.
Rencontre avec le réalisateur au Festival International de Toronto.

Djia Mambu : Comment as tu été amené à traiter de ce sujet ?

Dieudo Hamadi : C'est parti de ma propre expérience. J'ai été amené à passer cet examen comme tout le monde que j'ai d'ailleurs échoué la première fois et que j'ai dû repasser par après. J'ai commencé à faire des films et un jour en me promenant dans la rue, je suis tombé sur des élèves à qui on interdisait l'accès en classe, parce qu'ils n'avaient pas payé ce qu'on appelle la prime aux enseignants. Parfois même, cette prime ne garantissait pas forcement l'accès car les professeurs devenaient des commerçants plutôt que des enseignants. Je me suis dis que ce serait bien de me saisir de cette histoire que j'ai moi-même vécue ; alors j'ai commencé à écrire peu à peu… En arrivant à l'université d'été de la FEMIS, en France, je me suis lancé concrètement avec ma productrice.



D.M. : Ayant toi-même vécu pareille expérience, il y a plusieurs années, comment les choses ont-elles évolué aujourd'hui ?

D.H. : A l'époque c'était déjà assez catastrophique, mais maintenant c'est vraiment désespéré. Moi, mes parents m'avaient inscrit dans une école catholique. En ce temps, les professeurs étaient plus ou mois sérieux et concernés par leur travail. Il y avait un minimum d'encadrement avec les prêtres, il y avait un certain suivi, surtout dans les écoles catholiques. Mais quand je suis revenu plus tard pour faire le film, ce système de tricherie semble s'être généralisé, même dans ces écoles cathos et ca devient vraiment gênant. Un élève sait systématiquement qu'il va devoir tricher pour réussir ; moi même j'étais dépassé.

D.M. : Ces élèves sont prêts à passer par tous les moyens, pour obtenir ce diplôme. Jusqu'où peut-on accepter l'inacceptable ?

D.H. :
Le film est une métaphore de la société congolaise actuelle. Le fait d'être aussi paupérisés, ignorants, et de vivre dans la misère, il en résulte que les gens sont prêts à croire en tout, prêts à faire tout ce qu'ils peuvent pour s'en sortir. Les élèves ne baissent pas les bras, ils sont dotés de cet esprit débrouillard que le Congolais en général connait bien. Lutter envers et contre tout ! C'est-à-dire on s'accroche absolument à tout ce qu'on peut.

D.M. : Le fait de montrer comment les jeunes se procurent les sujets d'examen (on ne le voit pas dans le film), n'aurait-il pas donné un meilleur aperçu de la corruption qui s'opère à tous les niveaux dans la société ?

D.H. :
Je n'avais pas l‘intention de faire un film sur la corruption. L'idée c'est de suivre des élèves qui se débrouillent pour passer un examen important pour leur vie. Je ne voulais pas me concentrer que sur un seul aspect de la société, la corruption. Quand on est dans une ville comme Kinshasa ou Kisangani au Congo on n'échappe pas à la corruption, aux gris-gris, aux croyances et autres.

D.M. : Quelle a été la réaction des jeunes à ton film ? De l'espoir ?

D.H. :
J'ai vraiment fait un film avec eux. J'ai eu beaucoup de chance de les rencontrer, ces élèves m'ont tout de suite adopté et accepté. J'ai joué carte sur table avec eux. J'ai dit que j'ai vécu ça et que maintenant que je fais des films je voulais raconter leur histoire.
Ils l'ont très bien pris en se disant si ça peut aider ceux qui viennent par après. Ils voulaient même montrer plus mais moi je me suis quand même fixé des limites à un moment donné. Je me limite à me poser des questions, je m'interroge sur ce qu'on espérer d'un pays où la relève est si désespérée. Qu'est ce que cette débrouillardise peut nous apporter ? Où va ce pays dans cinq, dix ans ? L'étape suivant est de montrer le film au pays…

Propos recueillis par Djia Mambu
Toronto, septembre 2014

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