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Geronimo
Accorder l'énergie des femmes de la Méditerranée
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 13/10/2014
Michel Amarger (Africiné)
Michel Amarger (Africiné)
Tony Gatlif, Réalisateur et producteur
Tony Gatlif, Réalisateur et producteur
Stéphane Hessel, écrivain (à gauche) & Tony Gatlif
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Céline Sallette (Geronimo)
Céline Sallette (Geronimo)
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
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Scène du film
Scène du film
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Scène du film
Scène du film
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Nailia Harzoune (Nil Terzi)
Nailia Harzoune (Nil Terzi)
Rachid Yous, acteur
Rachid Yous, acteur
David Murgia, acteur
David Murgia, acteur
Raphael Personnaz, acteur
Raphael Personnaz, acteur
Tony Gatlif, réalisateur
Tony Gatlif, réalisateur
Africiné, Le Leader Mondial (Cinémas africains & Diaspora)
Africiné, Le Leader Mondial (Cinémas africains & Diaspora)

LM Fiction de Tony Gatlif, France, 2014
Sortie France : 15 octobre 2014

La musique, les femmes fières, les élans sans entraves virevoltent et claquent dans les films de Tony Gatlif. On l'a reconnu au Festival de Cannes quand il a reçu le Prix de la mise en scène pour Exils, 2004, ode à ses racines algériennes. On l'a retrouvé avec la sélection de Indignados, 2011, emporté par les révoltes espagnoles. On l'a entendu cette année avec Geronimo, 2014, en séance spéciale. "Cannes est un tremplin pour le film", relève le réalisateur, moitié de sang kabyle, moitié de sang gitan, qui apprécie le Festival, capable de "défendre le cinéma d'auteur". C'est dans cette gamme qu'il se situe, en variant les angles pour défendre les Roms, la liberté de mouvement, les esprits ouverts, par des productions françaises personnelles depuis les années 80.



Geronimo est le nom d'une éducatrice, battante et solitaire, chargée de calmer le jeu entre les jeunes du secteur de Marseille. Les bandes cohabitent tant bien que mal au quartier Saint Pierre jusqu'au mariage forcé de Nil, une adolescente d'origine turque, qui s'échappe avec son amoureux, Lucky, un beau Gitan enflammé. Les Turcs traquent le couple et cherchent à venger leur honneur. Les Gitans répliquent en lançant des défis. Les musiques éclatent. Geronimo s'engage vaillamment dans la défense de Nil, pendant que son frère, patron de bar, aide le couple de fugueurs à se cacher. La tension monte sur fond de sectarisme et de joutes musicales.
Geronimo, l'héroïne de Tony Gatlif, porte avec assurance le nom du célèbre chef apache, symbole de résistance et de bravoure. Elle affronte les jeunes du quartier sans faillir. "Une jeune fille qui tient tête à ces gamins qui vont vite, ça donne le ton de notre époque", estime Tony Gatlif. Il centre l'histoire sur la solidarité de l'éducatrice avec la jeune Turque, comme pour solidifier les liens entre les Méditerranéennes qu'il défend. "Elles sont victimes dans plein d'endroits de la Méditerranée", constate le cinéaste, né à Alger. "Elles sont maltraitées. Donc c'est vraiment un hommage pour les femmes."

Céline Sallette insuffle son énergie offensive à Geronimo, un rôle qui ponctue une carrière déjà fournie. "C'est un personnage qui donne sa vie pour les autres, et c'est tellement rare que ça en devient étrange", souligne la comédienne, attentive à restituer l'isolement affectif et le coté intrépide qui marquent l'éducatrice du quartier Saint Pierre. Elle apporte pourtant beaucoup de féminité dans ce personnage, écrit au départ pour un homme. Le cinéaste lui a ensuite enjoint un amoureux, joué par Raphaël Personnaz, avant de supprimer ce rôle pour mettre en avant la dévotion de Geronimo à la cause de la jeune Turque.
Autour de l'éducatrice, pivot du film mais non déclencheur de l'action, Tony Gatlif privilégie la diversité des communautés. Il emploie de nouveaux visages comme Nailia Harzoune qui joue la mariée fugueuse, ou le Belge David Murgia, son amant impatient. L'Algérien Rachid Youcef, expert en hip-hop, Prado Jimenez, virtuose du flamenco, font pétiller les chorégraphies de Geronimo. Tony Gatlif, fan de musiques, leur fait entendre des mélodies inspirées par des accessoires ou des décors, dans une oreillette pendant les prises, pour que leurs mouvements épousent les rythmes. Entre eux, se glissent les vrais Gitans et de véritables éducateurs que le cinéaste implique volontiers.

Il orchestre la tension qui sourd dans des affrontements musicaux où le hip-hop des Turcs et le flamenco des Gitans crépitent comme des flammes. Geronimo laisse alors monter la violence qui oppose, sous des formes métaphoriques et poétiques. La caméra à l'épaule suit les mouvements en arabesques dans les vastes espaces où Gatlif se plait à tourner. Les grandes friches devenues sauvages, les hangars délabrés font écho au drame qui déchire et emporte les corps. Et Tony Gatlif filme alors avec émotion des bribes de son vécu.
Geronimo s'inspire du souvenir de son frère, marié de force, qui a poussé le réalisateur à fuir la maison familiale, à 21 ans, pour échapper à "cette pratique d'un autre âge". Son arrivée en France, en 1962, son passage en maison de correction, lui ont permis de rencontrer des éducateurs de rues qui ont pu l'aider, et auxquels il rend hommage par le personnage de Geronimo. Cette jeunesse turbulente, canalisée par la pratique du théâtre, sublimée par le passage au cinéma, est le nerf des films de Tony Gatlif. Devenu auteur, coproducteur de ses histoires, il fait souffler un vent de vitalité, de liberté, en phase avec l'esprit de Geronimo.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France),
pour Africiné

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