Elle a collaboré sur les œuvres de réalisateurs de renommée internationale tels que Sissako, Benguigui, Bouchareb, Allouache, El Fani ou encore Polanski. Nadia Ben Rachid se considère comme étant la première spectatrice du film.
Rencontre avec une sacrée monteuse au Festival International du Film Francophone à Namur où Timbuktu et Le Challat de Tunis, ont décroché les consécrations suprêmes.
Djia Mambu : C'est une année extraordinaire pour Timbuktu et Le Challat de Tunis, deux œuvres auxquelles tu as collaboré
Nadia Ben Rachid : Pour le Challat de Tunis, j'avais été contacté par Kaouther [Ben Henia, ndlr] pour son documentaire Les imams vont à l'école. Mais malheureusement je ne l'ai pas monté car je n'étais pas disponible... Elle avait envie qu'on travaille ensemble, d'avoir au montage quelqu'un qui comprenne la langue tunisienne et quelqu'un d'expérimentée.
Pour Timbuktu, j'étais très heureuse qu'Abderrahmane [Sissoko, ndlr] fasse à nouveau appel à moi, ayant monté tous ses films depuis 1996. Pour ce film, il a changé toute son équipe, sauf moi ! C'est une longue collaboration et il m'a été très fidèle, je lui suis très reconnaissante de la confiance qu'il me porte.
D.M. : Comment décrirais-tu la fonction de monteuse aujourd'hui?
N.B.R : La fonction de monteuse aujourd'hui varie beaucoup si c'est un travail sur un documentaire ou une fiction. Je dois faire face à un projet de film qui appartient à un réalisateur et m'amène à le construire dans un principe harmonieux, fluide. Mon rôle est de le rendre dans une durée précise, en ayant au départ une matière exagérée. Je dois tirer de ça le récit et le rythme, en fonction du réalisateur et de son désir. Et de rendre la chose (le film) accessible. On doit faire attention à ce qu'on raconte, de ce qui est important, de ce qui est ennuyeux, avoir une approche d'efficacité.
Il y a des trésors qu'il faut gérer (dans les rushes) et c'est avec ça qu'on tient le spectateur. Il faut donner par petites gouttes. Un film c'est comme si tu promets quelque chose au spectateur en fonction d'une durée et d'un récit. Le spectateur est généreux mais il ne faut pas exagérer. Mon rôle est là où il y a discussion, l'amener à l'efficacité. Je me considère comme la première spectatrice du film.
D.M. : Comment as-tu commencé dans le métier ?
N.B.R : Je suis devenue monteuse après avoir été pendant dix ans assistante monteuse en 35mm (en pellicule et non pas sur un ordinateur), c'est-à-dire que je faisais exactement à la main ce que fait l'ordinateur aujourd'hui : scotch, gants blancs, etc. Le premier film était Pirates de Roman Polanski, 1985, époque Tarak Ben Ammar qui amenait des superbes productions en Tunisie. J'étais engagée stagiaire "locale "! Puis étant très passionnée et très sérieuse, ils m'ont amené finir le film à Paris, j'ai donc suivi Roman Polanski sur trois films, puis Claude Berri, etc.
D.M. : Une qualité qui définirait le rôle de monteuse?
N.B.R : Je m'ennuie plus que n'importe qui d'autre dans la vie ; je pense que c'est une qualité pour un monteur. Il y a tant de choses à faire en montage ! Je dois être très organisée, c'est le seul moyen de garder la tête claire.
Alors, je peux être complètement impliquée et concentrée.
Tunisie année zéro from Drôle de trame on Vimeo.
Propos recueillis par Djia Mambu, à Namur, octobre 2014