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Loin des hommes
Au cœur des reliefs d'Algérie
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 13/01/2015
Michel Amarger (Africiné)
Michel Amarger (Africiné)
David Oelhoffen, réalisateur
David Oelhoffen, réalisateur
Scène du film, avec Reda Kateb (Mohamed) et Viggo Mortensen (Daru)
Scène du film, avec Reda Kateb (Mohamed) et Viggo Mortensen (Daru)
Reda Kateb (Mohamed) dans une scène du film
Reda Kateb (Mohamed) dans une scène du film
Viggo Mortensen (Daru) dans une scène du film
Viggo Mortensen (Daru) dans une scène du film
Albert Camus, écrivain (1913-1960)
Albert Camus, écrivain (1913-1960)
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
L'Etranger (Luchino Visconti, 1967)
L'Etranger (Luchino Visconti, 1967)
L'Etranger (Luchino Visconti, 1967), affiche italienne
L'Etranger (Luchino Visconti, 1967), affiche italienne

LM Fiction de David Oelhoffen, France, 2014
Sortie France : 14 janvier 2015

L'inspiration de l'écrivain Albert Camus (1913-1960) souffle épisodiquement sur des cinéastes de cultures latines. De l'Italien Luchino Visconti qui dirige L'Etranger, 1967, à son compatriote Gianni Amelio qui met en scène Le Premier homme, 2012, en passant par l'Argentin Luis Puenzo avec La Peste, 1992, les réalisateurs privilégient les reconstitutions soignées et souvent appliquées des écrits de Camus. L'oeuvre de l'écrivain français, né et élevé en Algérie, Prix Nobel de littérature en 1957, se prête aussi au lyrisme et à l'épure. C'est en ce sens que David Oelhoffen adapte L'Hôte, une nouvelle publiée en 1957, située en Algérie, devenue à l'écran Loin des hommes, 2014.



Le film réunit Daru, un instituteur français qui enseigne aux enfants des montagnes, et Mohamed, un prisonnier algérien qu'il doit aller livrer aux autorités pendant la guerre de libération. Mohamed est recherché par les siens car il a tué l'un de ses cousins indélicats. Daru tente de le soustraire à une exécution immédiate, en l'emmenant vers une ville de garnison française. Ils s'engagent dans le désert, gagnent les montagnes après avoir abattu l'un des poursuivants. Leur course au milieu des intempéries les rapproche peu à peu.
Ils apprennent à se connaître puis tombent sur des résistants algériens parmi lesquels Daru reconnaît des camarades de régiment de la guerre de 1939. Les combattants le gardent comme otage, avec Mohamed. Après une attaque violente des Français, Daru est délivré et repart avec son prisonnier vers sa région d'enfance. Ils se confient, passent au bordel local où chacun s'apaise, s'affirme, avant de poursuivre des routes séparées. Un croisement pour Mohamed tenté de briser la loi de la vengeance et des représailles, un retour vers l'école pour Daru avant une autre étape de vie, en écho aux évolutions de l'Algérie.



David Oelhoffen s'appuie sur les Chroniques algériennes, écrites par Camus vers 1940, pour aborder les conséquences de la colonisation qui oppose Français et Algériens dans une méconnaissance réciproque et un antagonisme croissant. "Pour le film, j'ai imaginé que Daru pourrait être encore plus tiraillé si son identité était plus complexe", déclare le cinéaste. "Un Français d'origine étrangère, pas complètement intégré dans la communauté Pied-Noir." Le conflit qui en découle, laissant Daru écartelé par les valeurs de la société dont il est issu et celle où il évolue, est traité dans Loin des hommes moins comme une question philosophique que comme une vision de cinéma. Oelhoffen confère au héros des origines espagnoles qui le rapprochent de ses propres racines, et centre le film sur la relation de ses deux personnages.
La fiction s'oriente ainsi vers "un western européen inscrit dans l'histoire européenne, interrogeant nos lois, nos vérités… nos mythes à nous français, européens", estime David Oelhoffen, en ajoutant : "Le mythe derrière Loin des hommes n'est évidemment pas celui de la conquête de l'Ouest, mais celui de la conquête du monde par des voies héritées des Lumières, le mythe de l'universalisme français, qui a rapidement pris la forme du colonialisme, la France généreuse amenant la culture, la liberté… et qui retourne ses valeurs humanistes contre les populations locales..."



"Le paysage, l'aridité des sites, les cailloux, les ciels immenses, tout participe de l'absurdité de la situation", insiste le réalisateur. "C'est une nature omniprésente, imposante, qui rend humble, écrase, impressionne, et influe sur les personnages, comme elle a influé sur nous durant le tournage." Pourtant cette histoire, située dans l'ouest de l'Atlas saharien, est filmée au Maroc où la production française a trouvé un bon appui logistique. David Oelhoffen alterne avec dextérité, "un rythme assez lent, cassé par des moments d'emballement, des moments de rupture" pour maintenir le film "dans une sorte d'inquiétude permanente".
Avec un soin particulier pour les bruits, le vent, la pluie, les rochers qui dégringolent, le son renforce l'aridité de la nature qui enserre les passions humaines, et les partitions l'évolution des héros. Vigo Mortensen, Américano-Danois, campe l'instituteur français qui sait parler et enseigner l'arabe. Cet acteur remarqué chez David Cronenberg, est impliqué dans le film comme coproducteur. À ses cotés, Reda Kateb, plébiscité par ses rôles récents dont Hippocrate de Thomas Lilti, 2014, incarne l'Algérien soumis qui s'émancipe.



"Le sujet du film est la relation qui se noue entre cet Européen à l'identité douloureuse et cet Algérien en passe d'être exécuté", résume David Oelhoffen. "Les deux hommes s'expliquent, finissent par se comprendre, ils s'entraident." Il élargit ainsi l'horizon du cinéma français après Nos retrouvailles, 2007, en explorant la fraternité et l'humanisme, inscrits dans les pages de Camus. Alors, Loin des hommes s'approche des âmes pour les circonscrire dans un monde aride dont il faut briser l'absurdité.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France),
pour Africiné

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