AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
25 004 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Difret
Défendre la condition des femmes en Ethiopie
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 06/07/2015
Michel Amarger (revue Africiné)
Michel Amarger (revue Africiné)
Zeresenay Mehari, réalisateur éthiopien
Zeresenay Mehari, réalisateur éthiopien
L'actrice Meron Getnet (Meaza Ashenafi)
L'actrice Meron Getnet (Meaza Ashenafi)
Hirut Assefa (jouée par Tizita Hagere)
Hirut Assefa (jouée par Tizita Hagere)
Scène de Difret
Scène de Difret
Scène de Difret
Scène de Difret
Scène de Difret
Scène de Difret
Magazine en ligne Africiné, Le Leader Mondial (Cinémas africains & Diaspora)
Magazine en ligne Africiné, Le Leader Mondial (Cinémas africains & Diaspora)

LM Fiction de Zeresenay Berhane Mehari, Ethiopie / Etats-Unis, 2014
Sortie France : 8 juillet 2015
Sortie Belgique : 24/06/2015
Sortie Suisse : 04.02.2015

Le cinéma est capable de mobiliser le public en Ethiopie, sans arriver souvent, à s'exporter. La production interne manque de moyens pour aborder le long métrage de fiction, et la barrière de la langue limite la circulation des films. Dans ce pays où le premier cinéma date de 1897, et où subsistent quelques salles, la flamme du 7ème art brille par la combativité de ceux qui ont du s'expatrier pour apprendre la technique. Le plus visible est sans doute Haile Gerima, parti aux Etats-Unis en 1967, pour étudier le cinéma dans diverses villes avant de l'enseigner en participant à la Los Angeles School of Black Filmmakers.
Il préfère monter des productions indépendantes pour défendre l'identité noire, les valeurs de l'Ethiopie, dans des films comme Teza, 2008. La relève est assurée par Abraham Haïlé Biru, opérateur formé aux Pays Bas pour épauler des tournages dans divers pays d'Afrique. Son engagement le conduit à créer, en 2007, Blue Nile Film and Télévision Academy, chez lui, à Addis-Abeba, pour former des jeunes sur place. Car le manque de soutien du gouvernement au cinéma, est un frein.



L'ambition de monter des productions conséquentes a poussé Zeresenay Berhane Mehari à partir aux Etats-Unis. Diplômé de la USC School of Cinematic Arts, il participe en tant qu'assistant de production, à des séries télé documentaires dont Backstory, 2000, History vs. Hollywood, 2001. Il réalise et produit un film court, Coda, 2004, histoire d'une jeune femme qui veut écrire et emménage dans un appartement dont l'un des murs la trouble. Celui qu'on appelle aussi Zeresenay Zee Mehari épaule la production de Africa Unite : A Celebration of Bob Marley's 60th Birthday, un documentaire de Stephanie Black autour du concert du musicien reggae en Ethiopie. Il fonde aussi Haile Addis Pictures pour élaborer Difret, son premier long-métrage, en Ethiopie.
Le scénario, écrit par le réalisateur, s'inspire de faits réels. Dans la campagne éloignée de Addis-Abeba, vit Hirut, une écolière de 14 ans. Un jour, elle est kidnappée par un groupe d'hommes dont l'un veut en faire son épouse, selon la tradition qui lui accorde le droit d'enlever celle qu'il choisit pour se marier. Mais Hirut résiste et tue son ravisseur en s'échappant. Dès lors, elle se retrouve sous le coup de la loi, accusée de meurtre. Une jeune avocate, Meaza Ashenafi, adhère à sa cause et entreprend de la soutenir. Elle plaide la légitime défense, ce qui n'a encore jamais été reconnue pour une Éthiopienne, en se heurtant au conservatisme des lois et du monde paysan.

L'argument est tiré d'une histoire, survenue en 1996, lorsque Meaza Ashenafi, engagée dans une fondation qui fournit une aide judiciaire aux femmes démunies, aux enfants, s'est lancée dans la défense d'une fille qui a tué son prétendant pour échapper à l'enlèvement traditionnel. Heurtant les codes d'une société qui repose sur le système patriarcal, l'avocate s'expose pour faire avancer la reconnaissance du droit des femmes à disposer d'elles-mêmes. Son action est amplifiée par le film de Zeresenay Mehari. Il dirige avec mesure Meron Getnet, vedette de série télé en Ethiopie, qui incarne cette militante, et Tizita Hagare, la jeune accusée résolue. Leur jeu sobre épouse la mise en scène plutôt classique et efficace du réalisateur qui s'attache aux différents points de vues des parties en présence.
On perçoit alors l'Ethiopie comme une société contrastée où le défi est de combiner les traditions et les aspirations modernes. Le monde rural d'où est issu Hirut et sa famille, semble conservateur, étranger à l'organisation de la justice en ville. Celui des policiers et des magistrats paraît fonctionner sans vouloir froisser l'Etat. Pourtant, l'intervention de l'avocate pour changer les mentalités en faveur du respect des femmes, a permis une révision du code pénal à leur profit, en 2004. Son combat est valorisé par les cadrages serrés, les plans concis, les scènes où perce l'émotion, dépassant le simple traitement d'une affaire pour aborder en filigrane la question de l'évolution de l'Ethiopie.



Difret bénéficie d'une production solide, étayée par le concours d'Angelina Jolie. Réputée pour son implication humanitaire avec le Haut Commissariat des Nations Unis pour les réfugiés, la star américaine porte sa caution comme productrice exécutive. Cela a permis au film d'obtenir un bon écho et des récompenses dans les festivals internationaux. Tourné en langue amharique, Difret - qui signifie "courage" mais peut aussi sous-entendre le fait d'être violée - cultive ce double sens. Il est fait pour sensibiliser sur la force des femmes et la précarité de leur situation en Ethiopie. Zeresemany Berhane Mehari exporte leur image avec une technique travaillée pour intéresser le public du monde.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France),
pour Africiné

Films liés
Artistes liés
Structures liées
événements liés