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L'ENFANT DU SOLEIL de Taeïb Louhichi
Images fortes et éléments en harmonie
critique
rédigé par Baba Diop
publié le 29/01/2016
Baba Diop (Africiné Magazine)
Taïeb Louhichi, réalisateur
Kateb (Hichem Rostom)
Sonia, Fafou (Mohamed Mrad) et Yanis
Scène du film avec Sarra Hannachi, Mabô Kouyaté, Jamel Madani et Mohamed Mrad
Scène du film
Scène du film
Kateb (Hichem Rostom) face à Yanis (Mabô Kouyaté)
Scène du film, avec Sarra Hannachi
Sarra Hannachi (Sonia)
Mabô Kouyaté (Yanis)
Affiche arabe / américaine
Africiné Magazine, the World Leader (African & Diaspora Films)
À l'image du romancier Kateb (Hichem Rostom) de L'enfant du soleil, le réalisateur Taeïb Louhichi manipule en permanence le spectateur en instaurant un jeu vérité-mensonge. Dès lors, le spectateur se demande si Kateb est le Père que cherche Yanis (Mabô Keita) ou si Yanis fantasme sur un sexagénaire dont il a lu le roman et s‘identifie au protagoniste. Taeïb Louhichi garde le secret de famille tout en jalonnant son film de petites pierres qui sont autant d'indices. La lecture de la lettre qui ouvre le film en est un.
L'enfant du soleil est un huis clos qui n'enferme pas ses personnages dans une maison stylée de la Marsa d'où ils ne peuvent sortir. Le réalisateur donne du mou à ses personnages qui se retrouvent dans des espaces ouverts échappant par moments à une douloureuse confrontation avec leur passé.
Après une soirée frénétique dans la boite de nuit où Yanis est Dj, Sonia (Sara HANACHI), Fafou (Mohamed MRAD) et Yanis (Mabô KOUYATÉ), comme lurons en foire, prolongent la fête sur la plage. Mais derrière cette insouciance de jeunesse se cachent de profondes blessures. Yanis est né d'une relation amoureuse aussi forte que fugace sur la plage de Bizerte, suivie d'une séparation, d'avant sa venue au monde. Il entraîne ses amis Sonia et Fafou qui eux aussi ont grandi en l'absence d'un père ou d'une mère. La maison de Kateb dans laquelle ils pénètrent par effraction, la croyant déserte, leur ouvre la porte d'une confrontation avec le propriétaire bien présent sur sa chaise roulante. Les personnages qui peuplent le récit sont à l'image du miroir brisé.
L'enfant du soleil révèle un réalisateur soucieux de la perfection et qui a conscience que chaque détail contenu dans un film est aussi important que le Tout. Taeïb Louhichi se sent à l'aise aussi bien dans les grandes étendues de sable qu'il a eu à filmer (Layla ma raison) que dans les intérieurs d'une maison qui, loin d'être une succession de pièces, s'offre à nos yeux comme une maison-sujet dans laquelle l'espace intérieur devient tracé d' un parcours initiatique et révélateur d'un désir d'ascension sociale en nœud Pap' et smoking. Dans cette exploration des lieux, c'est le primat du visuel qu'établit Taeïb Louhichi. Il y a dans sa manière de filmer les lieux quelque chose qui le rapproche de l'Autrichien Michael Haneke dans Amour et fait qu'un lieu ne devient pas simple décor de film mais bien un personnage, élément de lecture. Les objets qui tapissent les murs ou posés sur des meubles (masques, statuaires, tableaux de peintres etc.…) sont partie intégrante de la géographie sentimentale du réalisateur. Ils ne sont pas objets décoratifs mais des territoires que porte le réalisateur dans son cœur. Il faut avoir une claire conscience que Taeib Louhichi est grand amoureux de peinture et de musique. Le traitement de la bande son du film fait que le silence parmi d'autres musiques porte sa propre musicalité.
L'enfant du soleil appartient à ces récits à structure complexe parce que non linéaire et jouant sur la temporalité des histoires de vie racontées. Passé et présent s'enchevêtrent, ne prenant en compte que ce qui est intéressant à raconter. La rencontre de la mère de Yanis et de son amant n'est pas filmée mais juste évoquée. La lettre qui ouvre le film aurait pu le clore. Les différentes tonalités de lumière et la chromatique apaisante de certains éléments du décor adoucissent l'intensité dramatique du récit. Il y a là une exigence de réaliser des images fortes toutes en harmonie.
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