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Faire l'amour (FLA)
Se mettre à nu pour habiller les sentiments
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 05/02/2016
Michel Amarger (magazine Africiné)
Michel Amarger (magazine Africiné)
Djinn Carrénard, réalisateur
Djinn Carrénard, réalisateur
Faire l'amour
Faire l'amour
Faire l'amour
Faire l'amour
Faire l'amour
Faire l'amour
Faire l'amour
Faire l'amour
Faire l'amour
Faire l'amour
Faire l'amour
Faire l'amour
Faire l'amour
Faire l'amour
Faire l'amour
Faire l'amour
Saul Williams, dans Faire l'amour
Saul Williams, dans Faire l'amour
Maha, dans Faire l'amour
Maha, dans Faire l'amour
Saul Williams et Alexandre Bado, dans Faire l'amour
Saul Williams et Alexandre Bado, dans Faire l'amour
Faire l'amour
Faire l'amour
Emilia Derou-Bernal, dans Faire l'amour
Emilia Derou-Bernal, dans Faire l'amour
Faire l'amour
Faire l'amour
Affiche de Donoma
Affiche de Donoma
Africiné Magazine, the World Leader (African & Diaspora Films)
Africiné Magazine, the World Leader (African & Diaspora Films)

LM Fiction de Djinn Carrénard et Salomé Blechmans, France, 2014
Sortie France : 3 février 2016

La tension sociale exacerbe les pulsions, mettant en exergue les déchirements des rapports amoureux. Relevant les difficultés de communication du désir, de l'échange, Djinn Carrénard s'est fait connaître avec Donoma, 2010, un film autoproduit, tourné à l'arraché, défendu par l'ACID au Festival de Cannes. Fort de l'estime accordée à son cinéma guérilla, le réalisateur, né en Haïti, grandi en Afrique, en Guyane, avant de pousser des études en France, le revendique. Quand il est incité à cadrer de manière plus construite une nouvelle fiction, appuyée par le CNC, Arte, Canal+, Carrénard stoppe vite son tournage. Il récupère ses droits, reprend sa tactique de cinéma guérilla pour boucler un film de trois heures qui fait l'ouverture de la Semaine de la Critique au Festival de Cannes 2014. FLA, remodelé pendant deux ans, réduit d'une heure pour sa sortie en salle, épouse librement les motivations, les doutes, les pulsions de ceux qui esquissent une relation de couple dans la France métissée d'aujourd'hui.



Ousmane est un rappeur noir, aux racines haïtiennes, marqué par un passé occulté. C'est un héros moderne, aux faiblesses saillantes, représentatif de se génération, qui balance dans sa vie et ses choix. Il vit en couple avec Laure, une hôtesse de l'air, qui voudrait un enfant. Le duo cultive les duels sur l'engagement, l'instant, le futur de la passion. Ousmane est perturbé par l'arrivée de Kahina, la sœur de Laure, sortie de prison pour une permission, obsédée par l'idée de revoir son fils, placé dans une famille d'accueil partie en vacances. Le sentiment circule comme un défi à l'équilibre dans ce trio fougueux. Ousmane est poussé par Laure à affronter la mer, réminiscence de traumatismes. Brutalement il perd l'usage de l'ouïe. Un symbole de son refus d'entendre l'appel de la vie, des décisions à prendre. Son désarroi s'accentue entre les deux femmes qui l'attirent. Tandis que la valse hésitation du rappeur sourd résonne, Noir et Blanches s'exposent dans une même mise à nu.

Djinn Carrénard et Salomé Blechmans, sa compagne, filment ce qui sépare, ce qui différencie les êtres engagés dans une relation amoureuse. Ils tournent à deux caméras qu'ils braquent tour à tour, sans souci de livrer une belle image. Les plans flous, le grain numérique, les lumières d'appoint, criardes, peuvent exaspérer les spectateurs, impatientés par les scènes qui durent, s'étirent, inégales. Les réalisateurs tentent d'arracher les plans pour faire sens. Ils jouent à épuiser leur durée comme pour fatiguer les acteurs qui se lâchent. Les attentes, les doutes, les temps morts scandent les pulsions qui remontent pour mieux exploser. Le flot verbal jaillit comme pour exorciser le frémissement des sens. Mais Djinn Carrénard travaille aussi les recadrages, le recul par rapport à l'image, soucieux de désigner l'écoulement du film.

Ce cinéma guérilla suppose de longs temps de préparation et d'immersion dans les personnages pour travailler en équipe légère. Faire l'amour (FLA) repose aussi sur le couple de réalisateurs qui embrassent leur sujet. Durant deux mois, dans un village proche de Perpignan, ils captent les corps en action, l'indécision, les élans du cœur et les mots vifs. La musique de Frank Villabella, injectée dans les plans au fur et à mesure, participe à l'âpreté du film. Les personnages semblent guidés par l'instant, avancent, reculent pour revenir aux sources de leurs désillusions. Ce qui fonde le couple paraît alors ce qui le divise le mieux. Et les cinéastes peuvent ainsi dynamiter l'image de l'amour colporté par le cinéma ambiant.

Djinn Carrénard et Salomé Blechmans valorisent les hésitations, les possibles ouverts, soulignant combien la question de faire (ou pas) l'amour est motrice dans le rapport. Engager la relation amoureuse n'est pas ici une fusion espérée mais plutôt une manière de se différencier. Faire l'amour (FLA) accompagne ce duel qui jette les être les uns contre les autres, au corps à corps. L'amour profane, mâtiné de considérations sacrées qui percent dans les plans de Djinn Carrénard, semble s'offrir au regard en se dérobant à la conscience. Au centre des couples, l'enfant de Kahina, déjà venu et absent, et celui de Laure, en devenir, semblent un point nodal, union des différences, source de création charnelle. Leur existence, en creux, serait ce qui donne sens au combat, à la confrontation, caractéristique du rapport de couple. Faire l'amour serait alors s'unir pour se distinguer, se distinguer pour se respecter.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / Médias France),
pour Africiné

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