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Avant la cohue de l'été (Before the Summer Crowds), de Mohamed Khan
Avec la maîtrise d'un virtuose
critique
rédigé par Soheir Fahmy
publié le 28/04/2016
Soheir Fahmy (Africiné Magazine)
Soheir Fahmy (Africiné Magazine)
Mohamed Khan, réalisateur égyptien
Mohamed Khan, réalisateur égyptien
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film La fille de l'usine (Factory Girl), 2013
Scène du film La fille de l'usine (Factory Girl), 2013
Scène du film La femme d'un homme important, 1987
Scène du film La femme d'un homme important, 1987
Poster du film La femme d'un homme important (Zawget ragel Mohem), 1987
Poster du film La femme d'un homme important (Zawget ragel Mohem), 1987
Africiné Magazine, the World Leader (African & Diaspora Films)
Africiné Magazine, the World Leader (African & Diaspora Films)

Dans son dernier film AVANT LA COHUE DE L'ÉTÉ / KABL ZAHMET AL SEIF, Mohamed Khan nous fait vivre des moments de grâce où la passion et les désirs avortés se confondent dans la plénitude d'un ciel sans nuages.
Dans un lieu merveilleusement beau où le ciel et la mer se confondent et où le sable joue de ses rayons dorés avec calme et beauté, le réalisateur Mohamed Khan a choisi de tourner son dernier film Kabl Zahmet el Seif (Avant la cohue de l'été / Before the Summer Crowds). Dans ce lieu qui respire la sérénité et la joie de vivre, cinq personnages qui sont les protagonistes de ce film vont nous livrer leurs états d'âmes. Ils se battent pour leurs désirs, sans être satisfaits. Dans ce contraste entre le cadre qui les entoure et les passions qui les déchirent, ils se meuvent devant nous.



À part le gardien du village, Gomaa (Ahmed Daoud), qui n'appartient pas à cette classe sociale huppée, les quatre autres personnages ne souffrent pas de problèmes d'argent et devraient être à l'abri des maux du quotidien dans ce lieu privilégié. Pourtant leur mal à vivre est latent et continu. Ils sont arrivés dans la solitude, pour s'installer dans un village de la côte Nord, en dehors des moments traditionnels où les gens s'attroupent, en été, pour fuir la chaleur du Caire, à la recherche de leurs désirs inassouvis et de leurs rêves avortés. Ou peut-être fuient-ils une vie qui leur déplaît ? Il n'empêche que dans ce laps de temps que le réalisateur Khan, nous donne à voir, à travers ce jeune gardien du village touristique aux regards furtifs qui ne cessent de les espionner, nous vivons leurs états d'âmes et les siens aussi. Les regards frustrés de Gomaa, sans être méchants, sont révélateurs de ses désirs. Il surgit partout, on ne sait d'où, dans sa quête de toucher ce monde et de s'y approcher le plus possible. Il les regarde s'aimer ou se quereller et il rêve de leur monde qu'il sait pertinemment bien qu'il n'est pas le sien.

Tous les personnages, sans exception vivent un moratoire de quelques jours avant de reprendre leur réalité. Si le docteur Yéhia (Magued el Kedwani) est dans ce lieu pour fuir des problèmes de corruption et de mauvais soins médicaux de son hôpital, il recherche néanmoins, lui aussi des rêves et des désirs qui le remplissent et qui dans ce lieu magique, exceptionnel et vide ont la latitude d'émerger à la surface. Pour un espace de temps défini. Magda (Lana Moshtak), sa femme, préoccupée à l'espionner et à rechercher une paix intérieure dans la méditation et une nourriture saine, ne semble pas réussir sa quête. Elle souffre de boulimie et du mal d'être. Comme son mari, elle sait que ce qu'elle vit dans ce lieu ne changera pas sa vie.
En fait, sont-ils en quête de changement ? Ou n'est-ce qu'un moment de répit où ils peuvent dans un moment de grâce, vivre un moment de rêve ? Malheureusement, ils sont rattrapés par leur vie et par des choix qui les poursuivent. Comme Hala (Hana Chiha) la belle divorcée, que tout ce petit monde convoite, mais qui recherche, elle, une relation qui la frustre avec un comédien de second rang (Hani Metnawi) qui se débat pour émerger et qui l'exploite.

Dans ce monde serein à la surface, nous vivons les peines des personnages sans effusion de sang et sans violence. On pourrait même dire sans drames. Tous savent que l'été va bientôt arriver et que tout va se ranger dans l'ordre. C'est la grande force de Khan qui a su garder un équilibre entre intensité des émotions, profondeur des sentiments, et légèreté de vivre. Sans excès ni drames, il nous a donné à voir un film qui nous éloigne des quartiers informels et des clivages sanglants de la société. Comme un moratoire pour le spectateur également qui s'insère dans les espaces clos des chalets où se passent les problèmes, sans trop s'éloigner de l'étendue de la mer et de l'infini d'un ciel sans nuages.

Dans cette réalisation toute en finesse, Mohamed Khan nous apprend qu'il sait traiter de sujets différents avec la maîtrise d'un virtuose, et qu'il peut aussi bien analyser les classes démunies de La fille de l'usine (Factory Girl / Fatat Al masnaa) ou les tripes de la société répressive avec La femme d'un homme important (Zawget ragel Mohem) que la grande bourgeoisie fripée. Avec un scénario d'une grande sensibilité signé par Ghada Chahbandar, d'après une idée originale de Khan, le cinéaste nous étonne par la maîtrise de sa narration. Les autres éléments comme la musique et la lumière ajoutent au plaisir de regarder ce film.



On ne peut clore sans saluer tous les comédiens qui, sous la direction de Khan, nous ont permis de vivre des moments de plénitude. Ils nous ont tous, d'une manière ou d'une autre, surpris. Nous voudrions toutefois nous appesantir spécialement sur Lana Mochtak et Ahmed Daoud qui s'ouvrent une grande carrière cinématographique par leur talent. Hala Chiha dans ses maillots et ses tenues de plage sans oublier son jeu, nous a rappelé les temps heureux où la mer était un plaisir et non une compilation de vêtements qui nous empêchent de voler à travers les cieux bleus.
Enfin, cette fiction de Khan est un film qu'il est bon de visionner avant de revenir à la cohue et l'encombrement de notre quotidien.

Soheir Fahmy

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