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Divines
Des filles en feux et en couleurs
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 30/08/2016
Michel Amarger (magazine Africiné)
Michel Amarger (magazine Africiné)
Houda Benyamina, réalisatrice française-marocaine
Houda Benyamina, réalisatrice française-marocaine
Scène du film
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La réalisatrice et scénariste Houda Benyamina
La réalisatrice et scénariste Houda Benyamina

LM Fiction de Houda Benyamina, France / Qatar, 2016
Sortie France : 31 août 2016


Les filles des banlieues françaises, héritières du métissage, brûlent sous les feux des projecteurs. Après avoir imposé leur look et leurs ivresses dans Bande de filles réalisé par Céline Sciamma, 2014, les revoilà en tête d'affiche avec Divines de Houda Benyamina, 2016, lauréat de la Caméra d'or au Festival de Cannes et Mention Spéciale SACD à la Quinzaine des Réalisateurs. Une récompense qui consacre le savoir-faire d'une réalisatrice prompte à manier le franc-parler et l'engagement dans un cinéma offensif, décidé à plaire.
Autodidacte, diplômée de l'Ecole Régionale d'Acteurs de Cannes, Houda Benyamina, née en France de parents marocains, s'épanouit en fondant le collectif 1000 VISAGES, en 2006. Cette association est créée pour détecter et faire émerger des talents dans les quartiers en leur proposant des formations. En lien avec des professionnels qui encadrent, elle se forme à la réalisation par des courts-métrages comme Ma poubelle géante, 2008, Sur la route du paradis, 2012, qui la font remarquer. Un producteur la repère, la pousse à écrire avec Romain Compingt. Ils sont sélectionnés à la résidence d'écriture Groupe Ouest, en enclenchant Divines.






Le film s'attache à deux amies : Dounia, aux origines arabes, élevée par sa mère seule, et Maimouna, d'origine africaine, dont le père est imam à la mosquée du quartier. L'une est petite et nerveuse, l'autre charnue et posée. Lorsque Dounia décide de travailler pour Rebecca, la dealeuse black de la cité, Maimouna suit. Elles avancent au culot et font circuler la drogue. Dounia s'échappe en convoitant Djigui, jeune danseur blanc, employé le jour au supermarché du coin. Elle le provoque, il s'impose au corps à corps. Lorsque Rebecca charge Dounia de récupérer de l'argent chez son ex, celle-ci tombe sur un os mais tente de détourner le magot pour partager avec son amie. La colère de Rebecca provoque un affrontement puis un drame qui embrase le quartier.
"Divines est une tragédie, mais l'humour et la vie sont au centre du film, que je voulais lumineux", souligne Houda Benyamina, valorisant des héroïnes aux couleurs métissées. "J'ai tenu, parce que c'est un fait, à ce que la diversité ne soit pas un événement dans mon histoire, et qu'elle soit universelle. Je parle de gens en prise avec leurs émotions et qui font avec les moyens du bord." Jouée par Oulaya Amamra, la jeune Dounia se définit par le désir de se faire de l'argent vite. "Son véritable objectif, c'est la dignité", estime la réalisatrice. "Dounia est plongée dans la vie d'ici-bas, Djigui, son alter ego masculin, est lui dans la "vie d'en haut". Leurs aspirations sont universelles : la possession et l'élévation spirituelle."






Le cœur du film s'attache pourtant à la relation entre Dounia et Maimouna, interprétée par Déborah Lukumuena, son amie qui n'aspire qu'à être à ses côtés, figure d'attachement pur et de sacrifice. "Le véritable grand amour de l'histoire, c'est celui de ces deux filles, qui fait d'elles des êtres divins : l'amour avec un grand A, l'amour universel", explique la cinéaste, justifiant son titre. Cette relation prend encore plus de relief lorsque les amis travaillent pour Rebecca, la dealeuse, incarnée par Jisca Kalvanda, qui en impose dans une alternance de violence et de bienveillance quasi maternelle envers Dounia.
"Elle cherche le pouvoir, elle revendique le quant à soi, la possession, elle n'incarne pas des valeurs, elle prône l'individualisme et c'est comme ça qu'elle séduit. C'est ça la politique aujourd'hui", s'exclame la cinéaste. Le malaise qui explose dans les dernières scènes du film, semble l'ancrer dans une problématique sociale, pourtant peu perceptible jusque-là. Malgré l'environnement écrasant de la cité, des campements où évoluent les héroïnes, elles s'agitent surtout pour s'affirmer. "Tous les personnages du film répondent finalement au même objectif, ils cherchent à s‘élever", déclare Houda Benyamina.






La pratique de l'Islam qui sert de référence à Maimouna et à son père, se combine avec le désir de Dounia de s'en sortir par l'argent, même si la rencontre avec le danseur lui ouvre les portes de la rédemption par l'art. "L'élévation ne peut passer que par l'amour", renchérit la réalisatrice en confiant : "Le cinéma est pour moi une forme de religion. Je dis toujours que je cherche Dieu en faisant mes films." Fruit de trois ans de travail avec le scénariste Romain Compingt (et Malik Rumeau), Divines vise alors, selon elle, à "remettre l'écriture au centre de la création en connexion avec notre temps."
La musique de Demusmaker amplifie les résonnances électro, les références aux chants sacrés pour mieux éblouir. La caméra mobile colle aux actrices, à leur fuite en avant, égrenant la gamme des scènes qui en jettent, de la mosquée au théâtre en passant par les caves. "Je rêvais aussi d'un film en mouvement", justifie la réalisatrice, avide d'explorer sa "liberté artistique, obtenir une forme organique". Pourtant Divines paraît bien réfléchi, avec ses scènes intenses, ses fulgurances morales, ses héroïnes délurées comme des flammèches. Des élans pour mieux embraser l'artifice du cinéma, brûlés par l'éclatement ostentatoire de ses propres fusées.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / Médias France), pour Africiné Magazine

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