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Frontières, d'Apolline Traoré (Burkina Faso)
L'intégration africaine, fiction ou réalité ?
critique
rédigé par Fatoumata Sagnane
publié le 26/04/2017
Fatoumata SAGNANE, Rédactrice (Conakry) à AFRICINÉ MAGAZINE
Fatoumata SAGNANE, Rédactrice (Conakry) à AFRICINÉ MAGAZINE
Apolline Traoré, Réalisatrice et productrice burkinabèe.
Apolline Traoré, Réalisatrice et productrice burkinabèe.


Apolline TRAORÉ peint au plus juste le comportement des forces de l'ordre vis-à-vis des femmes commerçantes. Pour le moment, aucun pays de la CEDEAO - même pas le Burkina Faso, son pays natal - n'est garant de cette intégration africaine. Les responsables de ces pays sont fautifs et inconscients. L'intégration entre femmes africaines est par contre possible et existante.
Tout est permis aux frontières africaines. Les douanes, la police, sont tout sauf africains et n'ont aucune conscience de l'importance de l'intégration africaine. Le chantage sexuel aux carnets de vaccination, des taxes à couper le souffle sur les marchandises des femmes, le lobby des soi-disant garants de la protection des personnes et de leurs biens…
Pour l'homme, tout passe par là, par le sexe quand il s'agit de femme, quelle que soit son origine. Lorsqu' il s'agit de frontières entre pays africains, de l'intégration africaine il faut juste laisser la gestion aux femmes, elles savent mieux porter l'honneur que les hommes. Il s'agit d'une mission pour les générations futures : porter le flambeau de l'intégration africaine.






Les femmes sauraient mieux s'y prendre car elles sont celles qui portent sur leurs frêles épaules le fardeau de la vie contrairement aux hommes, souvent imbus du pouvoir, ne laissant jamais la main et qui ont échoué lamentablement à répondre aux attentes des africains.
La femme est celle qui sait porter le poids de toute une famille. Son quotidien est fait du combat de tous les jours, de tout instant, le bien être de sa famille, de ses enfants, de la famille élargie, de l'Afrique. Pour cela elle paye souvent le prix fort. Et le prix fort elle le paye partout, surtout quand elle décide de faire du commerce en se rendant dans d'autres pays africains, dans des pays voisins, pensant que l'intégration africaine est de mise et respectée.
Cette intégration existe sur du papier, classé dans des tiroirs servant de mouchoirs à papiers pour essuyer les tables de la douane, de la police.
Sur le chemin, à la recherche d'un bonheur quelconque, les frontières entre pays africains représentent l'enfer. Et elles en bavent ces femmes, souvent au prix de leur vie. Victimes de barbarie, de viol, d'injustices, pillées à cause de leurs marchandises qui sont surtaxées au point qu'elles ne peuvent supporter les coups du voyage, bien qu'elles voyagent pour gagner leur vie et non pour perdre et se perdre dans la banalité et l'injustice qu'on leur inflige.
Chacune a son problème dans ces voyages mais, toutes convergent vers le même objectif, à la recherche d'une vie meilleure. Les plus jeunes, innocentes et naïves sur ces routes, sont exploitées par de soi-disant gentils amoureux leur faisant transporter des produits prohibés par les pseudos lois africaines. Là elles en paient le prix fort en se faisant battre et violer par ceux qui sont sensés les protéger (les forces de l'ordre appelées "corps habillés" en Guinée et "hommes de tenue" au Sénégal). Le danger guette au quotidien les femmes, ces braves guerriers de la famille, battues, humiliées, débarquées en chemin à cause de la fourberie d'autres passagers dans le bus sensés leur porter secours (les hommes).

Où est cette intégration africaine ? Où se trouve-t-elle ? Qui a pensé à cette possibilité de faciliter l'humanisme entre Africains au sens propre du terme ? Celui qui a pensé à ce mot a fait du tort aux Africaines. Même épuisées, écrasées par le poids du quotidien, de l'injustice aux postes frontières, elles deviennent plus entreprenantes que jamais en faisant leur propre intégration.
Quatre femmes puissantes, stratèges, protégeront non seulement leurs biens, mais aussi les femmes plus jeunes et vulnérables sans expérience sur ces routes d'enfer. Dans le groupe, Adjara, maternelle et entreprenante tend la main aux autres femmes du groupe.
Mimi plus âgée, une habituée du voyage devient méfiante, mais cédera afin de créer leur propre intégration africaine, entre femmes en protégeant les plus jeunes. L'une d'entre elles laissera sa peau en protégeant les autres. Le drame, l'humiliation, le viol, le vol, la drogue, l'arbitraire sont monnaie courante entre les frontières africaines dites intégrées.
Du point de vue technique, décor, beauté, et jeu d'acteurs, ce film nous mène vers une réalité sans faille. Pour dire que FRONTIÈRES est un film bien mené, même si vers la fin le suspens devient un peu pesant. Qui parle d'intégration africaine se jette de la poudre aux yeux, car elle n'existe que dans les tiroirs, sur les papiers. Son applicabilité est du vent.

SAGNANE Fatoumata
Journaliste critique cinéma
Guinée Conakry

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