La cinéaste tunisienne Kaouther Ben Hania s'est de nouveau inspirée d'un fait divers qui a secoué la Tunisie pour son dernier film présenté à Un Certain Regard. La Belle et la meute est l'adaptation du livre Coupable d'avoir été violée de Mariem Ben Mohamed et Ava Djamshidi. Entretien.
La Belle et la meute semble typiquement être un film post-révolution. A l'instar de tous les Tunisiens désormais, Mariam est une héroïne qui ne veut plus jamais renoncer à ses droits…
C'est un film dont les évènements se situent juste après la révolution. Mais c'est une histoire universelle, indépendamment du contexte tunisien. C'est l'histoire d'un héros qui réclame justice : c'est un mythe fondateur. Dans le contexte tunisien que je connais bien, c'est un film sur la transition, sur le fait de revendiquer ses droits… Les policiers essaient tout le temps de l'infantiliser mais elle leur tient tête. Finalement, ils négocient avec elle parce que Mariam (incarnée par Mariam Al Ferjani, NDLR) leur fait peur. C'est un signe des temps qui changent. Sous l'ancien régime, le problème aurait été réglé en un quart d'heure. Et justement, le nœud du problème réside dans le fait qu'elle ait décidé de porter plainte. C'est ce qui les gêne.
Tous les personnages féminins sont d'une antipathie notoire. Il n'y a aucune solidarité féminine avec cette femme violée. Une policière, qu'elle bouscule un peu, la traitera même de "pute". Pourquoi ce choix ?
Cela permet de montrer des personnages qui ne sont pas manichéens. Hommes ou femmes, les individus ont des contraintes qui sont liées à leur profession, à leur société et à leurs peurs. Le fait d'être une femme n'est pas une fin en soi. J'aimais bien cette idée de créer une attente et de la déjouer ensuite. C'est un ressort cinématographique que j'aime bien.
propos recueillis par Falila Gbadamassi,
correspondance spéciale