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Wallay
Initiation vitale au Burkina
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 26/06/2017
Michel Amarger (magazine Africiné)
Michel Amarger (magazine Africiné)
Berni Goldblat, réalisateur burkinabè
Berni Goldblat, réalisateur burkinabè

LM Fiction de Berni Goldblat, France / Burkina Faso, 2017
Sortie France : 28 juin 2017


Comment calmer un adolescent noir, turbulent, qui vit dans une banlieue française ? En l'expédiant illico dans sa famille africaine, au cœur du Burkina Faso. C'est ce trajet initiatique, multiculturel et dynamique, que met en scène Berni Goldbalt dans Wallay, 2017. L'immersion des cultures et l'adhésion à l'Afrique rurale, le réalisateur remuant les connaît bien. Né à Stockholm, en Suède, ce citoyen suisse s'est établi depuis les années 2000, au Burkina où il anime des ateliers de tournage pour Cinomade, association qu'il crée avec Daphné Serelle, tout en réalisant des films personnels, assez percutants.
Ceux de la colline, 2009, qui approche les travailleurs des mines d'or, l'a imposé comme un observateur sensible des réalités du Burkina. Et depuis qu'il est installé à Bobo-Dioulasso, il milite activement pour la réouverture du Ciné Guimbi, un cinéma de plein air sur lequel se construit une salle polyvalente pour laquelle il mobilise des fonds sans cesse. Sa passion du 7ème art s'exprime aujourd'hui avec Wallay, une fiction en forme de ricochet entre la banlieue lyonnaise et la campagne du Burkina.






Ady est un garçon déluré qui vit à Vaulx-en-Velin, et donne du fil à retordre à son père qui l'élève. Excédé, ce dernier l'expédie pour des vacances prolongées, chez son frère, au Burkina. Celui-ci dirige la famille avec autorité. Il parle à Ady en dioula, et se sent investi d'une mission : redresser le garçon irrespectueux. L'atmosphère laborieuse de Gaoua, près d'un lac où l'oncle et le cousin d'Ady pratiquent la pêche, est en décalage avec le comportement du banlieusard transplanté.
On apprend vite qu'il a détourné de l'argent des mandats envoyés par son père à la famille, pour s'acheter des gadgets new look dont son portable et ses chaussures fluo. L'oncle le somme de rembourser en travaillant, puis l'envoie chez sa grand-mère pour l'initier, en passant par la forêt sacrée, et le faire circoncire. Ce que Ady n'est pas prêt à supporter même s'il paraît s'amender au contact affectueux de sa grand-mère, et du regard langoureux de sa grande cousine. Au retour, il se met à pêcher, sous l'oeil attendri de l'oncle qui lâche quelques confidences en français. La circoncision est suspendue après un accident, causé par Ady qui en arrive à secourir son oncle. Le retour en France peut alors être accordé sous le regard de la cousine avec laquelle Ady va correspondre.

En jetant Ady dans les réalités rurales et familiales du Burkina Faso, Berni Goldblat prône un choc des cultures salutaire. Il valorise le sens de la famille, la solidarité du clan et des sentiments, peu perceptibles dans la banlieue française. Mais le cinéaste connaît bien l'environnement éthique et culturel du Burkina dont il est devenu citoyen [en 2017, ndlr]. Il filme avec vivacité la trajectoire de son héros qui apprend que les chaussures griffées qu'il porte peuvent se trouver au marché du coin, et que même si on ne capte pas la 4G, les portables et les ordinateurs font circuler les commentaires.
Déstabilisé par un rythme de vie qu'il n'envisageait pas, Ady accomplit peu à peu sa rédemption, apprenant l'humilité et le rapport aux autres. Berni Goldblat épouse cette évolution en captant avec souplesse les espaces urbains, le village, la forêt sacrée comme les séances de pêche sur le lac. Sa caméra mobile est attentive aux acteurs dont le jeune Makan Nathan Diarra, en héros buté et convaincant. Des figures réputées du Burkina comme Joséphine Kaboré, Georgette Paré, Abdoulaye Komboudri ou Drissa Touré apportent leur caution à l'aventure comme la vedette malienne, Habib Dembelé, et son collègue Hamadou Kassogué.

Wallay exporte avec verdeur les couleurs du Burkina Faso grâce à ses décors soignés. Son rythme est soutenu par les musiques de Vincent Ségal. La mobilité humaniste de la caméra, tenue par Martin Rit, est au service d'un réalisateur handicapé, qui circule en fauteuil mais roule plus vite que la course de ses personnages. Il combine une production française solide où figurent Rezo Films et Canal+ International, avec sa propre société, Les films du Djabadjah, et le concours du Ministère burkinabé de la culture, pour livrer un message tonique. Malin, humain, parfois chagrin ou enfantin, Wallay interpelle la capacité de chercher ailleurs d'autres lumières, pour éclairer son chemin.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / Médias France)
pour Africiné Magazine

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