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Quand le Festival de Cannes tente de faire une place aux cinéastes africains
Festival de Cannes 2018
critique
rédigé par Falila Gbadamassi
publié le 09/05/2018
Falila Gbadamassi est rédactrice à Africiné Magazine
Falila Gbadamassi est rédactrice à Africiné Magazine
Cannes 2018
Cannes 2018
Thierry Frémaux, Délégué général du Festival de Cannes
Thierry Frémaux, Délégué général du Festival de Cannes
Khadja Nin, membre du Jury
Khadja Nin, membre du Jury
Jean-Pierre Garcia (revue Le Film Africain & du Sud)
Jean-Pierre Garcia (revue Le Film Africain & du Sud)


Du cinéma africain sur la Croisette pour cette 71e édition? Voilà le menu dont le Festival paraît assez fier. Le film égyptien Yomeddine, qui a ouvert la compétition, et Rafiki, première entrée à Un Certain Regard, sont en effet une savoureuse entrée en matière.

"L'Afrique est d'ailleurs très représentée en sélection officielle", s'est réjoui le délégué général du Festival de Cannes, Thierry Frémaux, quelques minutes avant de présenter la chanteuse burundaise Khadja Nin, membre du jury, lors de la cérémonie d'ouverture du Festival de Cannes le 8 mai 2018.

L'adverbe "très", utilisé par Thierry Frémaux, est un peu excessif car ce n'est pas la première fois que quatre films africains sont présentés sur la Croisette à travers la sélection officielle ou les sections parallèles. C'était déjà le cas en 1991 et cela avait valu des titres comme "La Croisette noire" dans la presse, note Jean-Pierre Garcia, ancien rédacteur en chef de la revue Le Film Africain & du Sud (éditée jusqu'en 2014).

Sélection officielle

La sélection officielle de la 71e édition comprend donc quatre films. Yomeddine du cinéaste égyptien A.B. Shawky, est un impressionnant premier long métrage qui signe le retour du continent africain dans la course à la palme d'Or depuis 2014. Le réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako présentait alors Timbuktu.
Trois œuvres africaines sont présentées à Un Certain Regard. C'est inédit, du moins depuis 2015. Dans cette section, on retrouve ainsi Sofia de la Marocaine Meryem Benm'barek et Die Stropers (Les Moissonneurs) du Sud-Africain Etienne Kallos. Rafiki (Ami) de la cinéaste kenyane Wanuri Kahiu est également en lice pour le prix Un Certain Regard.
La réalisatrice revient sur la Croisette avec le premier film kényan à être sélectionné à Cannes. Mais après avoir suscité la fierté au Kenya, la petite merveille cinématographique produite par Wanuri Kahiu y est aujourd'hui interdite pour promotion du "lesbianisme au Kenya". Sa cinéaste risque même la prison.






La moisson africaine de Cannes 2018 compte également quatre œuvres restaurées s'offrant aux festivaliers dans leurs nouveaux atours. Elles sont projetées à Cannes Classics où l'on rend ainsi un vibrant hommage au cinéma sénégalais. Fad'jal est de la Sénégalaise Safi Faye, l'une des rares réalisatrices du continent. Hyènes du génial Djibril Diop Mambéty avait représenté le Sénégal en compétition officielle en 1992). Le troisième film sénégalais est le court métrage Lamb de Paulin Soumanou Vieyra (cinéaste sénégalais né au Dahomey, l'actuel Bénin). Le destin de l'Egyptien Youssef Chahine est le quatrième film ; pour cette oeuvre le cinéaste avait reçu le prix du 50e anniversaire du Festival de Cannes.

Cette sélection officielle de la 71e édition fait aussi un clin d'œil au continent à travers deux films programmés en séance spéciale. Le documentaire de Nicolas Champeaux et Gilles Porte, The State against Nelson Mandela and the Others, retrace le procès de Rivonia dont le verdict condamnera à vingt-sept années de prison celui qui deviendra le premier président noir de l'Afrique du Sud. Libre de Michel Toesca revient, quant à lui, sur la crise migratoire en Europe à travers le combat de l'agriculteur français Cédric Herrou.

Le livre d'image, film expérimental de Jean-Luc Godard en lice pour la palme d'Or, évoque aussi le continent. La révolution égyptienne est, entre autres, au menu d'une œuvre présentée comme "une réflexion sur le monde arabe en 2017 à travers des images documentaires et de fiction".

Quinzaine des réalisateurs et Semaine de la critique

Outre la sélection officielle du Festival de Cannes, la Quinzaine des réalisateurs accueille dans sa compétition la dernière œuvre du Tunisien Mohamed Ben Attia, Weldi. Le film revient sur le désarroi de parents tunisiens dont le fils disparaît brusquement, pris dans les méandres d'un combat éloigné.
Toujours à la Quinzaine et dans un film également en compétition, le comédien Moustapha Mbengue, qui interprète un immigré sénégalais, est le héros du film Amin du Français Philippe Faucon (on lui doit Fatima qui avait été également présenté à la Quinzaine en 2015). L'acteur franco-algérien Tahar Rahim est à l'affiche d'un autre film en compétition, Joueurs de Marie Monge.
Le continent africain est aussi le décor du film d'animation belge Ce magnifique gâteau ! coréalisé par le duo Emma de Swaef et Marc James Roels. Le court métrage, en compétition dans cette section, est "une anthologie sur la colonisation africaine à la fin du 19e siècle".
La Quinzaine fait aussi la part belle aux jeunes talents tunisiens et à leurs courts métrages à travers "La Factory" consacrée à la Tunisie cette année. Ils ont fait l'ouverture de la Quinzaine.

L'autre section parallèle du Festival de Cannes, la Semaine de la Critique, propose dans ses courts métrages en compétition la coproduction franco-algérienne, Un jour de mariage du cinéaste français Elias Belkeddar.
Sur la Croisette, les talents se révèlent et on les aide à éclore. La Fabrique du Cinéma de l'Institut Français, qui célèbre ses dix ans en 2018, s'est toujours souvent intéressée aux cinéastes africains. Le programme, destiné aux jeunes réalisateurs, a retenu quatre projets sur la dizaine sélectionnée. Zinder de la Nigérienne Aicha Macky (à qui l'on doit le pertinent documentaire L'Arbre sans fruit sur l'infertilité), Au milieu de nulle part de la Sud-Africaine Samantha Nell, La Nuit des Rois de l'Ivoirien Philippe Lacôte (qui avait présenté Run, son premier film, à Un Certain Regard en 2014) et Dia (Le prix du sang) du Tchadien Achille Ronaimou sont parmi les heureux élus.

Diasporas

A Cannes quand on cherche l'Afrique, on peut aussi se tourner vers la diaspora. Les cousins d'Amérique font une présence remarquée avec le retour de Spike Lee pour la troisième fois en compétition avec Blackkklansman, film inspiré de faits réels. De même Ryan Coogler, le réalisateur du phénomène mondial Black Panther, est l'un des quatre invités de "Rendez-vous avec…" (nouveau rendez-vous justement qui remplace l'unique "Leçon de cinéma" que proposait le Festival). Son acteur fétiche Michael B. Jordan est aussi présent sur la Croisette avec le film Fahrenheit 451 projeté en séance de minuit. Tout comme la réalisatrice afro-américaine Ava DuVernay, jurée longs métrages de la 71e édition du Festival de Cannes.

L'Amérique Latine n'est pas en reste. Avec Our Song to War, court métrage en compétition à la Quinzaine, la réalisatrice Juanita Onzaga emmène le festivalier dans le village afro-colombien de Bojaya, où la rébellion colombienne des FARC a perpétré un massacre en 2002. O órfão (L'Orphelin) de la cinéaste brésilienne Carolina Markowicz est également en compétition dans cette catégorie. Inspiré de faits réels, le film suit les traces de Jonathas, orphelin afro-brésilien rejeté parce que différent.

2018 restera certainement une année à marquer d'une pierre blanche pour les cinéastes du continent car elle confirme l'émergence d'une nouvelle génération de cinéastes africains bien formés et qui savent parler au monde, avec beaucoup de justesse, de leurs terres africaines. Grâce à eux, l'Afrique se raconte et fait montre de ses talents cinématographiques, trop souvent ignorés par le Festival de Cannes qui paradoxalement est le lieu où ces derniers se révèlent depuis quelques années. Certains pensent que le cinéma africain peut se passer d'une vitrine cannoise. Sans doute ! Mais pourquoi l'Afrique serait-il le seul continent où les acteurs de l'industrie cinématographique ne recherchent pas aussi la consécration à Cannes ?

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