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Jusqu'à la fin des temps, de Yasmine Chouikh
La vie et la mort
critique
rédigé par Fatou Kiné Sène
publié le 16/02/2019
Fatou Kiné Sène est rédactrice à Africiné Magazine
Fatou Kiné Sène est rédactrice à Africiné Magazine
Yasmine Chouikh, réalisatrice et scénariste algérienne
Yasmine Chouikh, réalisatrice et scénariste algérienne


La perception que l'on a de la mort change au regard du film Jusqu'à la fin des temps de l'Algérienne Yasmine Chouikh. Le rite funéraire, la peur de la mort, etc., tout devient "banal" à nos yeux avec la trame de cette fiction qui remet au goût du jour cette réflexion sur la frontière entre la vie et la mort.



Ce premier long métrage de Yasmine Chouikh projeté il y a quelques jours à Dakar raconte le rapport entre la vie à travers l'amour et la mort dans une aventure amoureuse née dans un cimetière entre deux sexagénaires.

Dans cette comédie dramatique de 90 minutes la réalisatrice offre ici presque un huis-clos. En effet, tout le film se déroule autour de ce cimetière et des maisons aux alentours où Ali est fossoyeur et gardien du cimetière. Joher, une veuve, vient pour la première fois se recueillir sur la tombe de sa sœur qui a fui la violence conjugale.

A Sidi Boulekbour, niché dans les montagnes d'Algérie où des familles viennent en ziara (pèlerinage) pour se recueillir sur la tombe de leurs défunts, l'amour n'a pas d'âge, ni de lieu spécifique où il peut triompher de la mort devenu ‘'un business''.

Le jeune Nabil, représentant une certaine frange de la population, ne veut pas se contenter comme ses aînés Ali et Djeloul de laver et d'enterrer les morts seulement. Il veut faire des pompes funèbres un business à partir de ce camion où il range des chaises plastiques de couleur gaie entourant le cercueil, ces pleureuses ‘'professionnelles'' recrutées et ces contrats d'aide à la préparation de funérailles qu'il propose aux gens comme pour se débattre d'un destin tracé.

Ce qui accroche dans le film Jusqu'à la fin des temps, c'est qu'à côté de la grande histoire entre Ali et Joher, il y a d'autres petites histoires viennent s'y greffer. Il y a aussi ces belles images filmées dans une nuit noire qui émerveillent.

Le film véhicule aussi une bonne image de l'Islam "tolérant" dans un contexte actuel ambiant où "l'islamophobie" prend de plus en plus d'ampleur. Ici l'Imam de Sidi Boulekbour, représentatif de la religion, est soucieux du bonheur de ses fidèles et de l'Algérie qui vit malgré ses nombreux morts et son passé historique. Il fait une photographie de l'Algérie d'aujourd'hui qui veut vivre malgré ses nombreux morts au quotidien et cette élite "opportuniste''.
Yasmine Chouikh parle plus de vie que de mort même si visuellement par rapport à l'image, on parle de la mort dans ce film. "Il parle plus de la vie que d'autres choses. Il parle de comment on peut ou doit être attaché à la vie jusqu'au dernier souffle, ne pas désespérer et que tout est possible, l'amour n'est pas l'apanage d'un certain âge", a fait savoir la réalisatrice. Elle fait aussi une critique politique par rapport à l'histoire de son pays en montrant ces hommes d'une certaine classe muni du drapeau national pour venir enterrer un des leurs. "Il y a une post révolution qui a été volée par une classe et qui s'est appropriée de toute la glorieuse histoire de notre pays", dit-elle.

Jusqu'à la fin des temps renvoie sans doute dans cette dualité de vie et de mort où l'être humain combattant est au centre de la réflexion au film Tey (Aujourd'hui) du Franco-sénégalais Alain Gomis qui, à travers la mort, célèbre la vie.

Le film Jusqu'à la fin des temps fait partie des 20 films longs métrages sélectionnés pour concourir à l'Etalon d'or de Yennenga au Festival panafricain de cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO), prévu du 23 févier au 2 mars prochain.

Ce premier long métrage sorti en mars 2017 et récompensé plusieurs fois a été projeté à Dakar par le festival "Films femmes Afrique" (FFA) qui prépare sa quatrième édition pour Février 2020.

Yasmine Chouikh, fille des cinéastes Mohamed et Yamina Bachir Chouikh, a déjà sorti deux courts métrages : El Bab' en 2006 et El Djinn' en 2010 et une série télévisuelle pour la télévision, studio 27, en 2015. Elle est aussi la directrice artistique du Festival international du court métrage de Taghit (Algérie).

Fatou Kiné SENE

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