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Nomades
Résignations et rêves au Maroc
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 07/08/2019
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine
Olivier Coussemacq, réalisateur et scénariste français
Olivier Coussemacq, réalisateur et scénariste français
Scène du film
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LM Fiction de Olivier Coussemacq, France / Maroc, 2018
Sortie France : 7 août 2019


L'attrait du Maroc, sa proximité, sa diversité, son exotisme aussi, motive des productions occidentales, tournées sur place depuis de nombreuses années. De André Téchiné (Loin, 2001) à Gaël Morel (Prendre le large, 2017), les réalisateurs français contemporains font des incursions en terre marocaine pour y exporter leurs questions. Ce n'est pas le cas de Olivier Coussemacq qui a passé les premières années de son enfance au pied de l'Atlas marocain, avant de le quitter brutalement pour suivre sa famille en France.
C'est là qu'il signe des sujets télévisés, des courts-métrages et un long, L'enfance du mal, 2010, avec Anaïs Demoustier en adolescente manipulatrice. Nomades, 2018, signale ses retrouvailles avec les impressions d'enfance, confrontées au pays d'aujourd'hui. "J'ai mis bien des années à retourner au Maroc", confie le réalisateur. "Mais les mères aussitôt, m'y ont bouleversé." Et la figure féminine est en effet, le pilier de Nomades.






C'est l'histoire de Naïma qui travaille dans une filature de Tanger. Elle élève ses trois fils en l'absence de mari. L'aîné, parti en France, envoie des lettres rassurantes, mais pas d'argent. Le deuxième, mécanicien, tente la dangereuse traversée vers l'Europe en clandestin. Le cadet, Hossein, 17 ans, reste le seul repère tangible de la mère. Il sèche l'école en aspirant aussi au départ. Par peur de le perdre, après un drame, Naïma pense l'enfermer puis l'amène avec elle dans le sud, chez sa sœur.
Dans ce monde paysan, le cousin de Hossein lui sert de guide en rêvant lui aussi de partir. Le citadin découvre une autre réalité avec le dur labeur de la terre, tout en trouvant sa jeune cousine aguichante. C'est aussi la découverte du premier chagrin d'amour avec une jolie Française, croisée sur la route, qui visite le sud et lui ouvre les bras avant de s'échapper. Le désir de retrouver Tanger, de s'affirmer, pousse alors le fils dépité, et la mère qui veut savoir lire, à faire le voyage du retour. Là, ils vont se rapprocher avant une visite et un revirement imprévus.

Ces émotions caractérisent une famille portée par une femme forte. "Naïma se voue toute entière à des enfants condamnés déjà par leurs rêves", estime le cinéaste en cadrant une Marocaine qui "érige l'accommodement en vertu." Mais le film est aussi le portrait d'un adolescent typique de la nouvelle génération. "Il ne rêve que d'exil", observe Olivier Coussemacq, "entendu comme résignation, option par défaut". Et autour de ce duo, interprété par Jalila Talemsi et Jamil Idrissi, gravitent des personnages sensibles, interprétés par des comédiens le plus souvent recrutés dans la rue. A l'exception de l'acteur cinéaste marocain bien connu, Mohamed Nadif, qui joue l'épicier éconduit, tout en assurant la production exécutive du film au Maroc.
Olivier Coussemacq privilégie les plans rapprochés sur les personnages, ponctués par quelques vues brèves de Tanger. Il prend le temps de poser le trajet vers le sud, en cars successifs, pour introduire ses héros dans le monde paysan. Le village est peu situé mais le citadin remarque qu'on y parle berbère. Il éprouve d'abord la différence des mondes et comme les autres, cherche sa place dans une société contrastée. "Je voulais pourtant ajouter d'autres points de vue à une vision partielle et partiale des exils", relève le réalisateur, observant "l'impérieuse nécessité de partir, quand l'ailleurs et une vison mondialisée vous ouvrent en rêve un espace d'expérimentation et de liberté qui se refuse à vous là où vous êtes né."

Nomades saisit aussi la complicité des mères, l'absence des hommes ou leurs difficultés à partager leurs sentiments, la fragilité des filles vite mariées à un "bon parti" riche. Si la photo de Jean-Pierre Renaudat, au service des acteurs, éclaire le propos, le découpage du film reste un peu sec. Mais la musique délicate de Sarah Murcia agrémente cette fiction française, dialoguée en marocain. C'est une coproduction qui a obtenu l'avance sur recettes au Maroc, la participation du CNC en France, conçue pour être diffusée des deux côtés de la Méditerranée.
Elle célèbre la terre de l'enfance, la persévérance des femmes incarnée par Naïma, en suivant l'impérieux besoin de partir qui étourdit les jeunes comme Hossein et ses frères. Pour l'auteur, ce sont "deux manières de se confronter au réel, se jouant aussi loin que possible de leur insatisfaction, de leurs frustrations respectives, dans une réalité difficile, une époque en recherche". Des options qui justifieraient le titre de Nomades, porté par un mouvement précis, parfois appliqué, linéaire, vers l'émotion familiale.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / Médias France)
pour Africiné Magazine

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