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American Skin : Nate Parker confronte la société américaine face à son mode de justice
El Gouna Film Festival (19-27 septembre 2019)
critique
rédigé par Djia Mambu
publié le 02/10/2019
Scène du film
Scène du film
Djia Mambu est rédactrice à Africiné Magazine
Djia Mambu est rédactrice à Africiné Magazine
Nate Parker, réalisateur et acteur américain
Nate Parker, réalisateur et acteur américain
Scène du film
Scène du film
Nate Parker et Spike Lee, à Venise
Nate Parker et Spike Lee, à Venise
Nate Parker et Tarak Ben Ammar, à Deauville 2019
Nate Parker et Tarak Ben Ammar, à Deauville 2019
Nate Parker et le producteur Tarak Ben Ammar, à El Gouna 2019
Nate Parker et le producteur Tarak Ben Ammar, à El Gouna 2019
Africiné Magazine, the World Leader (Africa & Diaspora Films), Dakar
Africiné Magazine, the World Leader (Africa & Diaspora Films), Dakar


Le film s'ouvre sur une séquence avec un contrôle de vitesse injustifié par deux agents de police sur une voiture conduite par Lincoln Jefferson (joué par Nate Parker lui-même) et son fils Kajani, 14 ans, sur le siège passager. Alors que le premier se voit demander de sortir du véhicule sans raison apparente, le second tente de filmer la situation qu'il juge arbitraire. Ce dernier y perdra la vie, criblé de balles par l'un des policiers. Un an plus tard, les deux policiers sont libérés, sans même un procès. Furieux, Lincoln Jefferson va prendre d'assaut la station de police de l'hôtel de ville de Sacramento et mettre en scène un procès en utilisant les otages : agents de police, personnel administratif et… des prisonniers en garde à vue. Tout cela sous la caméra d'un jeune auteur venu plus tôt à la rencontre de Jefferson avec le projet de réaliser un documentaire sur le meurtre présumé de Kajani.







Dans son premier long métrage The Birth Of A Nation, le réalisateur américain suivait l'émancipation de Nate Turner (interprété aussi par Nate Parker), qui fut esclave durant les trois décennies avant la guerre de Sécession (guerre civile américaine). Il revient ici avec une œuvre coup de poing en mettant la société étasunienne face à son système de justice arbitraire envers les Afro-Américains.

À en voir la mise en scène, on comprend que cette société n'a aucun secret pour l'auteur. Il sait comment lui parler et quoi lui montrer pour toucher là où ça blesse. Comment mieux y parvenir qu'en tournant un film dans un film ? La caméra du jeune n'est autre que le reflet de cette société d'entertainment qui se plaît à se regarder et avec qui l'on doit emprunter les voies du divertissement pour attirer l'attention sur une problématique, même fondamentale.

À travers ce procès qu'il dispose lui-même, Parker aborde toutes les questions relatives aux bavures policières : le profilage, la loi, le droit (des femmes), le racisme y compris envers les communautés latines et les relations entre individus issus des mêmes communautés. Par exemple, on relève une répugnance entre un prisonnier latino en garde à vue placé du coté du jury et un policier latino aux côtés de la défense (avec d'autres pairs). Aussi, le capitaine est noir, comme pour pointer que ce débat va au-delà de la couleur de peau. N'est-ce pas ce qu'a tenté de démontrer la présidence de Barack Obama ?

Rien n'échappe à Parker, même pas le nom de son personnage - Lincoln Jefferson - faisant référence manifestement à deux hommes d'État américains et anciens présidents des États-Unis. Le premier est connu comme défenseur des droits civiques avec un régime marqué par la fin de la guerre civile (guerre de Sécession), Abraham Lincoln. Pour l'autre, Thomas Jefferson, 3ème président américain, la fin de son mandat présidentiel a vu le Congrès US voter l'interdiction de la traite des Noirs…

Le film a été présenté en Première mondiale à la Mostra de Venise par Spike Lee qui l'a remercié et félicité en soulignant que ce sujet est "The Shame of America, not a great nation" ("la honte de l'Amérique qui n'est pas une grande nation").
Avec American Skin (produit par le Tunisien Tarak Ben Ammar), Parker parvient à installer le débat autour de ce mal que la société américaine (ou plutôt ses politiques et institutionnels) refuse de regarder en face encore aujourd'hui et malgré les redondances dans l'actualité, comme cette vidéo dérangeante que le jeune Kijani pointe en face du policier qui finira par lui ôter la vie.

Djia Mambu,
El Gouna, Septembre 2019

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