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Papicha
Défier l'obscurantisme en Algérie
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 07/10/2019
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine
Mounia Meddour, réalisatrice et scénariste algérienne
Mounia Meddour, réalisatrice et scénariste algérienne
Scène du film
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Les actrices Amira Hilda Douaouda, Lyna Khoudri, Mounia Meddour (la réalisatrice), Shirine Boutella, Zahra Doumandji, à Cannes 2019
Les actrices Amira Hilda Douaouda, Lyna Khoudri, Mounia Meddour (la réalisatrice), Shirine Boutella, Zahra Doumandji, à Cannes 2019
Mounia Anna Meddour, sur le tournage
Mounia Anna Meddour, sur le tournage
Lyna Khoudri (Nedjma)
Lyna Khoudri (Nedjma)
Shirine Boutella (Wassila)
Shirine Boutella (Wassila)
Amira Hilda Douaouda (Samira)
Amira Hilda Douaouda (Samira)
Zahra Doumandji (Kahina)
Zahra Doumandji (Kahina)
Tayda Films
Tayda Films
Centre Algérien de Développement du Cinéma (CADC)
Centre Algérien de Développement du Cinéma (CADC)
Africiné Magazine, the World Leader (Africa & Diaspora Films
Africiné Magazine, the World Leader (Africa & Diaspora Films

LM Fiction de Mounia Meddour, Algérie / France / Belgique, 2019
Sortie France : 9 octobre 2019.


Les ondes destructrices de la "décennie noire" marquent la nouvelle génération de cinéastes en Algérie. Salem Brahimi regarde monter la violence dans Maintenant, ils peuvent venir, 2014, tandis que Djamel Kerkar en documente les conséquences avec Atlal, 2016, ou que Sofia Djama en mesure les échos par Les Bienheureux, 2017. Aujourd'hui, Mounia Meddour revient sur cette époque qu'elle a vécue, avec Papicha, présenté à Un Certain Regard, au Festival de Cannes 2009.
Ses études de journalisme à la faculté d'Alger sont interrompues à 17 ans, par le départ de ses parents pour la France, d'autant que son père, cinéaste fameux et engagé, est dans le collimateur des intégristes. Elle reprend la fac à Paris puis bénéficie d'un stage d'été à la Fémis, et signe quelques sujets tel Cinéma algérien, un nouveau souffle, 2011, une courte fiction, Edwige, 2012, avant d'entreprendre Papicha, 2019






L'histoire se situe à Alger, dans les années 90. Nedjma loge à la cité universitaire, en rêvant d'être styliste. Le soir, elle fait le mur avec sa copine Wassila, pour gagner la boite de nuit où elle vend ses robes aux "papichas", les jolies filles aisées de la ville. Tandis que le climat social se détériore, les murs de la fac se couvrent d'affiches agressives, des femmes voilées s'immiscent dans les couloirs pour donner des leçons.
Linda, la sœur de Nedjma, est un des victimes de l'intolérance qui s'accentue. Mais elle décide de résister avec ses armes d'artiste, en organisant un défilé de mode à partir de haïks éclatants [NOTE 1], comme un défi à l'obscurantisme. "J'avais envie de raconter l'histoire de cette jeune femme qui, à travers sa résistance nous embarque dans un grand voyage semé d'embûches nous faisant découvrir plusieurs facettes de la société algérienne, avec sa débrouille, son entraide, l'amitié, l'amour, et aussi les galères", déclare Mounia Meddour.






Le scénario est nourri du vécu de la réalisatrice. "Tout ce que vivent les filles dans la cité universitaire, c'était bien le quotidien d'étudiants algériens à la fin des années 90. Avec l'intégrisme montant, l'oppression tout autour", se souvient-elle. "Je voulais être fidèle aux détails, aux souvenirs, à la musique de cette époque." Pourtant elle n'hésite pas à dramatiser en inventant l'attentat de la fac ou la passion pour la mode qui prend une dimension symbolique, condensant sur quelques semaines la progression de l'intégrisme.
La résidence universitaire est le lieu privilégié pour s'émanciper. "Pour étudier, bien sûr, mais aussi pour avoir un peu de liberté, s'éloigner du carcan familial caractérisé par le père ou le frère", explique Mounia Meddour, valorisant la solidarité des filles et une héroïne qui s'affirme par l'art. "Nedjma n'est pas contre la religion. Elle combat les abus causés en son nom", estime la réalisatrice. Et le décès de sa soeur, victime emblématique de la lutte contre les intellectuels, les journalistes, force Nedjma à affronter la réalité.

"Créer des robes est une manière de faire le deuil", selon Mounia Meddour. Son héroïne extériorise sa peine sur la tombe de Linda, se réconciliant avec la douloureuse réalité qu'elle peut admettre. Le défilé avec la collection, conçue en transformant des haïks, est le point d'orgue du film. "Cette étoffe était, au-delà de sa fonction vestimentaire traditionnelle, le symbole de la résistance nationale algérienne contre la politique coloniale", rappelle la cinéaste. "Le blanc représente l'élégance de la femme algérienne. C'est la parfaite antithèse du noir obscur importé des Pays du Golfe."
Les actrices entourant Lyna Khoudri qui joue Nedjma, sont pétillantes telles Shirine Boutella (Wassila), Amira Hilda Douaouda (Samira), Zahra Doumandji (Kahina), maniant le "françarabe" avec vivacité. "Je voulais que le film ait ce rythme et cette richesse", s'exclame la cinéaste. "C'est une spécificité algéroise. Je voulais ancrer le film dans une ville que je connais et que j'aime." Ainsi elle l'investit pendant cinq semaines de la casbah au complexe touristique de Tipaza pour figurer la cité universitaire.






Le film se déroule du point de vue de Nedjma "donc avec cette caméra proche d'elle, qui épouse chacun de ses mouvements, lorsqu'elle coud, lorsqu'elle cherche, lorsqu'elle trouve", comme l'indique Mounia Meddour, secondée par le chef opérateur, Léo Lefèvre. Il capte les scènes de groupe avec une mobilité renforcée par un montage "incisif et nerveux à l'image de la vitalité de notre héroïne", souligne la cinéaste.
Elle s'investit dans la production en Algérie, collaborant avec des partenaires de France, de Belgique et le concours du Qatar. "La population a besoin d'exorciser ce drame", estime-t-elle en faisant revivre la "décennie noire. "On a tiré des leçons de cette histoire, il y a quand même eu 150 000 morts : les revendications ne sont plus religieuses. Les gens veulent simplement vivre mieux." Une aspiration actuelle qui illumine aussi Papicha.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / Médias France)
pour Africiné Magazine

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